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Une victoire capitale contre le tabagisme

Thomas Zeltner, chef de l’Office fédéral de la santé publique. Keystone Archive

L'adoption de la convention antitabac par l'OMS marque un tournant dans la lutte contre le tabagisme.

Frédéric Burnand a interrogé l’un de ses plus ardents défenseurs, le Suisse Thomas Zeltner, responsable de l’Office fédéral de la santé publique.

En approuvant à l’unanimité le premier traité international antitabac, les 192 Etats membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont franchi une étape historique de la lutte contre le tabagisme.

Cet évènement comble d’aise le chef de la délégation helvétique à l’assemblée annuelle de l’OMS. Thomas Zeltner s’est depuis plusieurs années fortement engagé dans ce combat.

L’OMS l’avait chargé de rédiger un rapport sur les pressions exercées par les cigarettiers sur les gouvernements et l’OMS.

Publié en 1999, ce rapport a permis, notamment, de démontrer que les multinationales du tabac ont réussi à corrompre certains experts de l’OMS.

En 2001, l’OMS a également demandé à Thomas Zeltner de diriger le comité en charge de la convention antitabac. Une offre qu’il a déclinée, en raison de la surcharge de travail que cette tâche impliquait.

swissinfo: Comment avez-vous vécu l’adoption de ce texte?

Thomas Zeltner: Je suis extrêmement satisfait. Ce traité est une étape déterminante dans la lutte contre le tabagisme.

Cette convention est en effet plus musclée que prévu. Il ne s’agit pas d’un catalogue de bonnes intentions. C’est un instrument légalement contraignant.

swissinfo: Comment expliquez-vous ce succès?

T.Z.: Cela tient en premier lieu à une meilleure perception du danger que fait courir le tabagisme et les coûts qu’il engendre en matière de santé publique.

La récente prise de position de la Banque mondiale a joué un rôle important. Elle a montré que le tabagisme provoquait des ravages dans les pays en développement.

swissinfo: Quelles sont les retombées de ce traité pour la Suisse?

T.Z.: La position du gouvernement en matière de lutte antitabac est conforme à l’esprit de la convention. Mais notre législation en la matière devra subir des modifications.

swissinfo: Quand cette convention sera-t-elle ratifiée par le Parlement?

T.Z.: Cela prendra deux à trois ans. Mais, cette année déjà, nous allons proposer l’adoption d’une nouvelle ordonnance sur l’étiquetage des paquets de cigarettes.

Nous voulons par exemple interdire les indications telles que «light» ou «mild». Ces qualificatifs trompent le consommateur.

swissinfo: Quelles sont les mesures qui seront débattues par le Parlement?

T.Z. : Il s’agit essentiellement de l’interdiction de la publicité en faveur du tabac. Nous savons déjà que ce débat sera difficile.

swissinfo: Quelles résistances attendez-vous?

T.Z.: Les opposants seront les mêmes que par le passé, à savoir l’industrie du tabac, les publicitaires et les restaurateurs.

Ils ont déjà conclu une alliance et prévoient de lancer cet été une première campagne contre l’interdiction de la publicité en faveur des cigarettes.

swissinfo: Etes-vous optimiste sur l’issue de ces débats au Parlement?

T.Z: Oui. Les temps ont changé. Aujourd’hui, une majorité de la population est favorable à l’interdiction de la publicité en faveur du tabac.

Le Parlement, lui, ne reflète pas encore cette évolution. Je suis également quasi certain qu’un référendum sera à nouveau lancé contre cette mesure.

swissinfo: Quelle est la place du tabagisme dans l’ensemble des problèmes de santé publique?

T.Z.: Les maladies chroniques telles que le cancer ou les problèmes cardio-vasculaires constituent l’essentiel de nos préoccupations. Les cigarettes sont pour nous l’ennemi n°1.

Il faut aussi souligner qu’une baisse du tabagisme permettrait de réduire les coûts de la santé.

swissinfo: L’alcoolisme n’a-t-il pas des effets plus négatifs que le tabagisme?

T.Z.: L’alcoolisme et le tabagisme sont deux problèmes majeurs de santé publique.

Il est vrai que – contrairement au tabagisme – l’alcoolisme entraîne souvent des comportements violents. D’une manière générale, l’abus d’alcool a des conséquences néfastes pour la famille et le milieu dans lequel vit la personne qui souffre de cette maladie.

Je tiens également à souligner ceci: les dégâts causés à la société par l’alcoolisme et le tabagisme sont beaucoup plus grands que ceux causés par les drogues illicites.

Interview swissinfo: Frédéric Burnand, Genève

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