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«En matière de sport, l’initiative privée prime»

Matthias Remund a notamment pour objectif d'améliorer la qualité des leçons de sport à l'école. Keystone

Une nouvelle loi sur l’encouragement au sport va être prochainement adoptée par le Parlement suisse. Pas de révolution en vue, mais quelques évolutions, notamment dans la reconnaissance du sport d’élite. Le point avec Matthias Remund, directeur de l’Office fédéral du sport.

«La Confédération alloue à l’encouragement du sport et, plus particulièrement du sport d’élite, des ressources très limitées en comparaison internationale. De nouveaux modèles de collaboration devront donc être mis au point entre la Confédération et le secteur privé. C’est à cette seule condition que l’on pourra renforcer l’efficacité de l’encouragement du sport.»

Le paragraphe, qui figure dans le message adressé par le Conseil fédéral (gouvernement) aux chambres fédérales concernant la révision complète de loi sur l’encouragement du sport, résume bien la limite de l’exercice.

Sans moyens financiers supplémentaires, impossible de «faire des miracles», comme l’affirme lui-même Matthias Remund, directeur de l’Office fédéral du sport (OFSPO). Si la Suisse espère rester un terreau favorable pour l’éclosion de champions de la trempe de Roger Federer, Fabian Cancellara ou autre Didier Cuche, ces derniers devront avant tout compter sur leurs propres ressources et sur celles de leurs fédérations pour y parvenir.

La Confédération, même si elle reconnaît pour la première fois explicitement le rôle joué par le sport d’élite, continuera à s’occuper essentiellement de la promotion du sport de masse.

swissinfo.ch: Les déclarations en faveur d’un soutien accru aux sportifs d’élite se multiplient, y compris de la part du ministre Ueli Maurer. Va-t-on véritablement passer de la parole aux actes?

Matthias Remund: Pour la première fois, une loi mentionnant explicitement le sport de haut niveau comme une tâche relevant de la Confédération va certainement être adoptée par le Parlement. Le sport de haut niveau bénéficie d’un soutien important de la part de la population, mais aussi des politiciens.

Grâce aux deux centres sportifs que possède la Confédération et à la haute école du sport de Macolin, des progrès ont été réalisés ces dernières années. Je ne peux toutefois pas vous annoncer de miracles. Une situation comme en Italie, où l’Etat est employeur de 1000 athlètes, est impensable chez nous. Nous ne pouvons pas nous le permettre financièrement.

La Suisse a toujours avancé pas à pas. Le concept du sport du Conseil fédéral, établi en 2000 et qui mentionne spécifiquement un meilleur soutien à la relève, a apporté des résultats, comme nous avons pu le voir dans le football, le hockey sur glace ou lors des derniers Jeux olympiques d’hiver.

swissinfo.ch: L’accession au plus haut niveau ressemble pourtant encore souvent au parcours du combattant. La Confédération en fait-elle réellement assez pour la relève?

M.R.: Il est toujours possible de faire des progrès. Je rappelle toutefois que le système suisse donne la priorité à l’initiative privée, aux fédérations et aux clubs. La Confédération, mais avant tout les cantons et les communes, sont chargés de mettre à disposition des installations et de définir des conditions-cadre, notamment en matière de sport à l’école. Nous accordons par ailleurs d’importantes subventions à la formation des entraîneurs et des moniteurs via le programme «Jeunesse+Sport».

swissinfo.ch: Nos voisins investissent massivement dans la formation des champions. Pourquoi ne le fait-on pas en Suisse?

M.R.: Dans notre pays, le sport est situé au même niveau que l’économie. L’initiative privée prime. Ca fait partie depuis longtemps de notre politique, de notre façon de vivre. Nous sommes néanmoins conscients que le sport d’élite est un moteur pour le sport de masse. C’est pour cela que nous devons également nous occuper du haut niveau.

swissinfo.ch: L’un des objectifs prioritaires pour la Confédération est de faire davantage bouger les Suisses. Les programmes d’encouragement portent-ils leurs fruits?

M.R.: De récents sondages ont montré que la population suisse fait de plus en plus de sport. Un quart de la population est toutefois complètement inactive, ce qui pose des problèmes de santé publique.

Nous avons notamment constaté que les jeunes étrangères vivant en Suisse ne faisaient pas assez de sport. Après l’école obligatoire, la plupart d’entre elles ne pratiquent plus d’activité physique. C’est pour cela qu’un nouveau volet du programme «Jeunesse + Sport» a été mis sur pied afin de promouvoir le sport facultatif à l’école chez les 5-10 ans. Lorsqu’un jeune a un bon souvenir d’une activité sportive, il va davantage continuer à la pratiquer par la suite.

Néanmoins, dans ce domaine également, il revient prioritairement aux cantons, aux communes et aux organisations sportives de prendre des mesures. Les initiatives privées, hors clubs et organisés par les jeunes eux-mêmes, comme le «midnight basket», sont également essentielles.

swissinfo.ch: Une commission de la Chambre basse veut obliger les cantons à dispenser trois heures de sport hebdomadaire à l’école. Le fédéralisme a-t-il des limites en matière de promotion du sport?

M.R.: Je suis convaincu que les cantons prennent au sérieux la problématique du sport. Le Parlement décidera s’il suit l’avis du Conseil fédéral, qui veut laisser le choix aux cantons de définir la qualité et la quantité des heures de sport à l’école, ou, comme le préconise la commission de la Chambre basse, si cela est du ressort de la Confédération. C’est une question purement politique.

Ce qui importe, au final, c’est la qualité des leçons dispensées. Et là, je ne suis pas tellement satisfait de l’évolution observée ces dernières années. Nous menons actuellement des discussions avec les cantons afin de mieux définir les buts du sport à l’école. Il faut offrir des exercices adaptés aux enfants très actifs mais aussi à ceux qui le sont un peu moins, afin qu’ils ne quittent pas l’école avec un souvenir horrible du sport. Tous les écoliers doivent avoir du plaisir à jouer avec une balle, aimer nager ou faire du vélo. C’est important pour leur intégration dans la communauté.

swissinfo.ch: La violence dans et autour des stades a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. Certains se plaignent du temps mis pour résoudre le problème. Le fédéralisme est-il coupable de cette situation?

M.R.: Nous aimerions bien sûr avancer plus rapidement. Certaines nations centralisées, comme la France ou l’Italie, connaissent les mêmes problèmes que nous. Il faut à la fois axer sur la prévention et le travail social mais aussi se montrer très durs avec les fauteurs de trouble. Le sport s’est beaucoup développé et médiatisé ces dernières années.

Certaines personnes cherchent une plateforme publique pour être présentes dans les médias. Le sport n’est pas une niche, il fait partie de notre vie quotidienne. Mais nous sommes sur le bon chemin et je suis persuadé que nous réussirons à éradiquer la violence autour des stades.

Samuel Jaberg, swissinfo.ch

Ressources. En comparaison internationale, la Confédération alloue des ressources très limitées à l’encouragement du sport, et particulièrement au sport d’élite. L’Office fédéral du sport (OFSPO), placé sous l’égide du département fédéral de la Défense, dispose de près de 200 millions de francs pour assurer ses missions en matière de promotion du sport.

Jeunesse et sport. En 2009, 86,6 millions de francs de subventions ont été versés. 71 millions (82 %) sont destinés au programme «Jeunesse et sport», dont 20 millions au tout nouveau programme «J+S-Kids», qui vise les écoliers de 5-10 ans.

Autres. 6,7 millions (7,7 %) ont été accordés à Swiss Olympic, l’organe faîtier des fédérations sportives, 5,4 millions (6,2 %) au plan national des infrastructures sportives, 1,7 million (2 %) à la fondation Antidopage Suisse et 1,8 million (2,1 %) à la formation continue des enseignants d’éducation physique, l’encouragement du sport des adultes et les grandes manifestations sportives internationales.

Centres. La Confédération possède une haute école de sport, ainsi que deux centres sportifs, à Macolin, dans le canton de Berne, et à Tenero, au Tessin.

En novembre 2009, le Conseil fédéral (gouvernement) a transmis au Parlement son message concernant la loi sur l’encouragement du sport et la loi fédérale sur les systèmes d’information de la Confédération dans le domaine du sport.

La nouvelle loi renforce notamment les dispositions pénales contre le dopage et l’encouragement de l’activité physique chez les enfants et les adolescents.

Le caractère subsidiaire de l’intervention de l’Etat y est maintenu.

La loi mentionne pour la première fois le sport d’élite comme un ressort important du développement du sport.

L’utilité du sport en termes de santé, de prévention, de développement de la personnalité, de formation et d’intégration y est reconnue.

L’apport économique du sport – près de 8 milliards de francs par année 80’000 emplois à temps plein, est souligné, tout comme l’importance des grandes manifestations sportives organisées sur territoire suisse.

Art. 68 Sport

1 La Confédération encourage le sport, en particulier la formation au sport.

2 Elle gère une école de sport.

3 Elle peut légiférer sur la pratique du sport par les jeunes et déclarer obligatoire l’enseignement du sport dans les écoles.

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