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La Suisse sur la sellette au Conseil des droits de l’homme

Doudou Diène avait mené l'enquête en Suisse en janvier dernier. Keystone

A quelques jours de la votation sur l'asile et les étrangers, le rapporteur spécial de l'ONU sur le racisme critique la Suisse devant le Conseil des droits de l'homme.

Mardi à Genève, Doudou Diène a dénoncé les tendances discriminatoires constatées en Suisse, où il a enquêté en janvier. Berne a donné une première réponse mais ne prendra pas position avant le rapport final.

Lors de son tour de Suisse en janvier dernier, l’ancien ministre sénégalais avait rencontré de nombreux responsables politiques, dont le ministre de l’Intérieur Pascal Couchepin.

Il avait déjà relevé que, «oui, la Suisse connaît une situation de racisme, de xénophobie et de discrimination».

Il avait aussi affirmé avoir rencontré des communautés étrangères qui jugent la situation comme étant grave, alors que les autorités fédérales tendent à minimiser le problème.

Une société multiculturelle

Pourquoi le rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme a-t-il décidé d’enquêter en Suisse?

En janvier déjà, il avait expliqué qu’après le Brésil et le Japon, il avait choisi la Suisse parce que c’est une société multiculturelle et qu’il a été frappé par les nombreuses votations qui touchent aux étrangers. «C’est la preuve que c’est une question lourde», avait-il alors souligné.

En présentant son rapport, lundi à l’occasion de la 2e session du Conseil des droits de l’homme qui s’est ouverte lundi à Genève, Doudou Diène a relevé une «instrumentalisation politique du racisme dans le débat politique».

Une rhétorique révélatrice

«J’ai constaté la place croissante, dans les discours politiques et les médias, de la rhétorique de la défense de l’identité nationale et de la menace de la présence allogène», a affirmé le rapporteur spécial de l’ONU, à quatre jours des votations suisses sur les lois sur l’asile et les étrangers.

«Cette rhétorique est révélatrice de l’existence, dans la société suisse, d’un courant politique favorable à un enfermement identitaire face à l’immigration et donc animé par des tendances xénophobes», a ajouté le rapporteur dans son exposé aux 47 pays membres du Conseil (dont la Suisse).

Une réponse politique

Doudou Diène regrette ensuite «la faiblesse de la stratégie politique et juridique actuelle» contre le racisme et la discrimination raciale.

«Cette faiblesse est notamment manifeste dans le traitement principalement sécuritaire des questions de l’immigration et de l’asile, dans la criminalisation de l’étranger, de l’immigré et du demandeur d’asile», a estimé Doudou Diène.

Il a critiqué aussi «le nombre élevé d’actes de violence policière à connotation raciste et xénophobe contre ces groupes, ainsi que l’impunité dont jouissent, selon les victimes, leurs auteurs».

Une tension identitaire

Le rapporteur de l’ONU a souligné «la remise en question de l’identité nationale par la diversité culturelle, ethnique et religieuse croissante de la société, notamment d’origine non européenne». Elle est «la source d’une tension identitaire», selon Doudou Diène.

Et d’appeler à «la prise de conscience, à la reconnaissance et au traitement politique, juridique et culturel» de cette tension, «facteurs déterminants de la construction du vivre ensemble multiculturel qui peut être favorisé par les riches traditions démocratiques» de la Suisse.

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Une réponse réservée

Le rapport complet et définitif de la visite en Suisse du rapporteur de l’ONU sera présenté lors de la quatrième session du Conseil des droits de l’homme, en mars 2007, a indiqué son auteur Doudou Diène.

Du reste les autorités helvétiques attendent ce rapport définitif avant de commenter. C’est ce qu’a indiqué à swissinfo l’ambassadeur Blaise Godet, qui représente la Confédération au Conseil des droits de l’homme.

Dans sa réponse devant le Conseil, Blaise Godet rappelle pour le moment les particularités du fédéralisme, qui empêchent toute «solution centralisatrice».

L’ambassadeur déclare également que «la Suisse se félicite de la reconnaissance par le rapporteur spécial de l’utilité des programmes gérés par le service de lutte contre le racisme du Département fédéral de l’intérieur».

Avant d’expliquer: «La Commission fédérale contre le racisme et l’Office fédéral des migrations ont pu, ces dernières années, intensifier leur collaboration avec les cantons et les communes dans les domaines de l’intégration et de la lutte contre la discrimination».

L’inquiétude d’Amnesty

«Avec l’article sur l’intégration de la nouvelle loi sur les étrangers, qui sera soumise au peuple suisse le 24 septembre, estime l’ambassadeur Blaise Godet, la base légale de cette politique d’intégration serait encore renforcée.»

Un point de vue que ne partage pas Daniel Bolomey, le secrétaire général d’Amnesty international Suisse.

«Devant le Conseil des droits de l’homme, dit-il, la Suisse prétend tout faire pour améliorer sa politique d’intégration et sa lutte contre le racisme.»

«Mais, conclut Daniel Bolomey, les propos du ministre de la justice Christoph Blocher lors de la campagne en faveur des nouvelles lois sur l’asile et les étrangers et ces lois elles-mêmes nous inquiètent au plus haut point.»

swissinfo et les agences

– Le Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, Doudou Diène, a effectué une visite de 5 jours en janvier 2006 pour faire un état des lieu du racisme en Suisse.

– Il avait alors fait part de ses «observations préliminaires» aux autorités suisses avant de rendre un rapport provisoire au Conseil des droits de l’homme de l’ONU lors de la session en septembre. Il rendra son rapport final en 2007.

– En 2002, la Suisse avait invité les rapporteurs de l’ONU à visiter le pays.

– Doudou Diène s’était entretenu avec des représentants des autorités fédérales, cantonales, religieuses, syndicales et des communautés étrangères.

Selon les chiffres de la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme:
89 incidents racistes ont été relevés en Suisse en 2005.
Parmi ceux-ci: racisme verbal (32), négation de l’holocauste, graffiti et vandalisme, voies de fait, incendie volontaire, refus d’accorder la nationalité pour motifs racistes.
105 incidents avaient été relevés en 2004, 116 en 2003 et 128 en 2002.

– La 2e session du Conseil des droits de l’homme s’est ouverte lundi 18 septembre pour trois semaines à Genève.

– Le Conseil, composé de 47 pays, dont la Suisse, a été créé le 15 mars 2006 par l’Assemblée générale de l’ONU pour remplacer la Commission des droits de l’homme, discréditée en raison de sa politisation.

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