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Le racisme est une réalité, en Suisse aussi

Au cours de sa visite, Doudou Diène a rencontré le ministre de l'Intérieur Pascal Couchepin. Keystone

Le Rapporteur spécial de l'ONU sur le racisme, Doudou Diène, constate que la Suisse «connaît une situation de racisme, de xénophobie et de discrimination».

Après cinq jours de visite à travers le pays, où il a pu s’entretenir avec les instances politiques et administratives, il a souligné que le racisme était de plus en plus banalisé, y compris dans la politique.

«Mes conclusions préliminaires sont que, oui, la Suisse connaît une situation de racisme, de xénophobie et de discrimination», a déclaré Doudou Diène, vendredi à Berne face à la presse, au terme de cinq jours d’enquête.

Le Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme a dit avoir rencontré des communautés étrangères qui jugent la situation comme étant grave, alors que les autorités fédérales tendent à considérer le problème comme mineur.

Après le Brésil et le Japon, Doudou Diène a expliqué avoir choisi la Suisse parce que c’est une société multiculturelle et qu’il a été frappé par les nombreuses votations qui touchent aux étrangers. «C’est la preuve que c’est une question lourde», a-t-il souligné.

Terrain fertile


De nombreux facteurs tendent à montrer que le racisme et la xénophobie trouvent un terrain fertile en Suisse.

Il y a, en effet, d’abord les votations et débats marqués par la question des étrangers et de l’asile. «La tendance marquée de criminaliser les questions relatives à l’immigration et à l’asile, le traitement de ces questions d’un point de vue strictement sécuritaire, sont des indicateurs troublants», a-t-il souligné.

Il a également évoqué la carte de la marginalisation économique, qui cadre avec celle des communautés étrangères. L’absence de recours à la justice des personnes victimes d’actes racistes tend également à assurer l’impunité des actes dont elles sont victimes.

Enfin, ses interlocuteurs ont aussi fait allusion au haut niveau de violence verbale de certaines polices. Il y a donc de quoi s’inquiéter quand ces actes proviennent justement de ceux qui sont censés protéger les droits des citoyens.

Les étrangers d’origine africaine noire sont les plus touchés par les discriminations, suivis par les gens en provenance des Balkans.

Doudou Diène constate que même si la Suisse a créé des institutions et des commissions pour s’occuper des questions liées au racisme, ces instances n’ont ni les moyens, ni l’autorité pour changer la situation.

«Le racisme est un mutant, un iceberg; là où il se forme, dans les valeurs, les sentiments, il y a un travail important à faire», a relevé Doudou Diène.

Il s’est déclaré inquiet par la banalisation du racisme et de la xénophobie qui imprègne les programmes des partis politiques: «Ils se banalisent parce que les partis démocratiques baissent la garde».

Accueil ouvert et courtois

Doudou Diène a reçu un accueil «positif et ouvert» du ministre de l’Intérieur Pascal Couchepin (PRD, droite). L’entretien avec le ministre de la justice Christoph Blocher (UDC, droite dure) a été «courtois».

Le Rapporteur spécial a visité les villes de Bellinzone, Berne, Bâle et Neuchâtel et s’est entretenu avec des représentants des autorités cantonales, des communautés étrangères (africaines, balkaniques, juive et asiatiques), religieuses et des syndicats.

Le but de sa visite était d’enquêter sur les manifestations de racisme, de xénophobie ou d’intolérance et sur les mesures adoptées pour lutter contre ces phénomènes.

Pour lui, la lutte ne doit pas seulement être législative, mais aussi culturelle et intellectuelle pour arriver à construire une société multiculturelle. Un défi présent partout dans le monde, où racisme et discriminations montent de manière générale, a-t-il noté.

Doudou Diène soumettra un rapport provisoire à la prochaine session de la Commission des droits de l’homme en mars 2006 et un rapport final en 2007.

Le Rapporteur spécial a également souligné qu’il n’était «ni un procureur, ni un juge»: «Les Nations Unies sont là pour accompagner les pays et ce sont aux pays visités qu’il appartient de trouver une solution».

swissinfo et les agences

Selon les chiffres de la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme:
89 incidents racistes ont été relevés en Suisse en 2005.
Parmi ceux-ci: racisme verbal (32), négation de l’holocauste, graffiti et vandalisme, voies de fait, incendie volontaire, refus d’accorder la nationalité pour motifs racistes.
105 incidents avaient été relevés en 2004, 116 en 2003 et 128 en 2002.

– Le Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, Doudou Diène, a effectué une visite de cinq jours en Suisse pour constater si des problèmes de racisme et de discrimination y surviennent, et dans quelle mesure.

– Il a fait part de ses «observations préliminaires» aux autorités suisses avant de rendre un rapport provisoire à la prochaine Commission des droits de l’homme de l’ONU en mars. Il rendra son rapport final en 2007.

– En 2002, la Suisse avait invité les rapporteurs de l’ONU à visiter le pays.

– Doudou Diène s’est entretenu avec des représentants des autorités fédérales, cantonales, des communautés étrangères, religieuses et des syndicats.

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