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Pas d’entraide judiciaire dans l’affaire Ioukos

Des puits pétroliers de la compagnie Ioukos en Sibérie, là où coule l'or noir russe. Keystone

Le Tribunal fédéral a rejeté la demande d'entraide judiciaire des autorités russes dans l'affaire des fonds du géant pétrolier Ioukos encore bloqués en Suisse.

6,2 milliards de francs avaient été déposés dans des banques helvétiques par des dirigeants de la société russe. Aujourd’hui, seuls quelques dizaines de millions restent gelés.

L’affaire du groupe pétrolier Ioukos a commencé en mars 2004 en Suisse avec le blocage provisoire de quelque 6,2 milliards de francs suite à une demande d’entraide judiciaire de la Russie. C’était un montant record dans les annales judiciaires helvétique.

En juin 2004, le Tribunal fédéral a toutefois admis plusieurs recours déposés par les avocats de Ioukos et libéré plusieurs milliards de francs. A ce jour, selon la société mère de Ioukos, GML, quelque 125 millions de dollars (159,5 millions de francs) sont encore bloqués en Suisse.

La procédure d’entraide judiciaire a suivi son cours et le Ministère public russe a complété sa demande une vingtaine de fois.

Finalement, le 14 juillet 2005, le Ministère public de la Confédération (MPC) a ordonné la remise de quelque 90 classeurs renfermant des documents de sociétés et de banques.

Des comptes bancaires bloqués

Dans trois arrêts publiés lundi, le Tribunal fédéral admet partiellement les recours déposés par les sociétés concernées. Il désavoue ainsi le Ministère public de la Confédération et lui demande de compléter ses investigations.

Quant aux comptes bancaires – contenant au moins 48 millions de dollars (61 millions de francs) selon les arrêts – ils resteront bloqués jusqu’à ce qu’une décision définitive tombe.

Les juges fédéraux ont souligné le contexte tout à fait particulier de cette affaire. Les faits sont d’une grande complexité et les infractions portent sur des sommes d’argent considérables.

En outre, complétée à une vingtaine de reprises, la demande d’entraide expose les faits dans une certaine confusion.

Dans ce contexte, les autorités suisses ne peuvent pas ignorer les réserves émises dans le cadre du Conseil de l’Europe à propos des poursuites intentées contre les anciens responsables de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev, tous deux condamnés et envoyés en Sibérie.

Une connotation politique

L’ensemble de ces circonstances «impose à l’autorité suisse de se départir exceptionnellement de sa réserve habituelle dans l’examen de l’état de fait qui lui est soumis par l’autorité requérante», écrit la Haute Cour.

Les juges fédéraux ont observé que l’action de l’Etat russe ne se limitait pas à la simple poursuite de l’action pénale. Au moment des faits, il régnait une campagne d’intimidation visant à affaiblir un adversaire politique déclaré.

Cette même campagne cherchait en outre à intimider d’autres personnes riches et à reprendre le contrôle d’actifs économiques stratégiques.

Plusieurs analystes politiques avaient en effet décrit cette affaire comme une tentative du président russe Vladimir Poutine de mettre au pas Mikhaïl Khodorkovski en raison de ses ambitions politiques.

Pour le Tribunal fédéral, il est clair que la justice suisse n’a pas à apporter son concours à de telles pratiques et doit donc procéder à un examen critique des faits.

En conclusion, le Ministère public de la Confédération va devoir remettre l’ouvrage sur le métier. Il devra notamment se procurer les jugements rendus en Russie et se les faire traduire, avant d’entamer un examen critique.

Enfin, sur le fond, le Tribunal fédéral ne cache pas ses doutes concernant l’intérêt même de la procédure, puisque les deux ex-oligarques ont déjà été condamnés, indépendamment des renseignements que la Suisse aurait pu fournir aux magistrats russes.

swissinfo et les agences

Le Tribunal fédéral représente l’ultime instance judiciaire suisse.
La Cour suprême est généralement appelée à s’exprimer en cas de recours présenté contre les décisions des tribunaux cantonaux.
Le Tribunal fédéral exerce par ailleurs un contrôle sur les décisions émanant des autorités cantonales et fédérales.

– En mars 2004, les autorités suisses ont bloqué 6,2 milliards de francs, déposés dans les banques helvétiques par des ex-dirigeants du géant pétrolier russe Ioukos.

– En juin 2004, une grande partie de ces fonds ont été restitués à la Russie dans le cadre de l’entraide judiciaire.

– Lundi, le Tribunal fédéral a rejeté une nouvelle demande d’entraide judiciaire. Elle portait sur les fonds encore gelés en Suisse et différents documents bancaires et financiers.

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