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Procès Al-Qaïda: défaite de l’accusation

Deux accusés à leur arrivée au Tribunal pénal fédéral. Ils ressortiront libres. Keystone

Le premier procès portant sur le soutien d'activités terroristes liées à la mouvance Al Qaïda ayant lieu en Suisse s'est terminé par l'acquittement des sept accusés yéménites, somalien et irakien.

Le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone les a simplement reconnus coupables de violations de la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers. La Cour a accordé des indemnités aux sept hommes.

Les légères peines infligées à six des sept prévenus pour violation sur la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (des peines pécuniaires allant de 30 à 90 jours-amende et des peines privatives de liberté comprises entre huit et onze mois avec sursis) sont entièrement compensées par la détention préventive.

Pour certains, celle-ci a duré plus d’une année, précise l’arrêt du Tribunal pénal fédéral publié mercredi.

Tous les autres chefs d’accusation ont été abandonnés, à la grande surprise du procureur général suppléant de la Confédération Claude Nicati.

Le Tribunal pénal fédéral et le Ministère public ont, de toute évidence, des conceptions différentes de ce qu’il faut comprendre par organisation criminelle, estime ce dernier.

Lors de son réquisitoire, il avait demandé des peines allant de six mois de détention avec sursis à quatre ans et demi de réclusion pour avoir entretenu des liens avec la mouvance d’Al-Qaïda.

Principes du droit d’abord

L’avocat commis d’office du principal accusé s’est au contraire réjoui de ce que les principes du droit aient primé.

Son client, un Yéménite de 59 ans, avait certes reconnu devant la Cour avoir eu des contacts avec le terroriste présumé Abdullah Al Rimi, actuellement emprisonné au Qatar. Mais il avait refusé de lui procurer un faux passeport.

Dans leurs plaidoiries, les défenseurs des sept hommes n’avaient d’ailleurs pas manqué de souligner que dans cette affaire, «on utilise des canons pour tirer sur des moineaux».

Dans ses considérations, le président du tribunal Bernard Bertossa précise que les prévenus n’ont soutenu aucune action terroriste.

Il les a de même libérés des accusations d’entraves à l’action pénale, de faux dans les titres et dans les certificats, de corruption d’agents publics suisses et étrangers, de mise en circulation de fausse monnaie, d’escroquerie et de recel.

La Cour a accordé aux sept hommes des indemnités comprises entre 9000 et 93’000 francs pour le temps qu’ils ont passé en détention préventive.

La Confédération devra également prendre à sa charge leurs frais d’avocats, qui se montent pour certains jusqu’à 100’000 francs.

Pas étonnant

Spécialiste du terrorisme et auteur de plusieurs ouvrages sur la question, Jacques Baud ne se montre pas étonné de l’issue du procès.

«Le concept d’Al-Qaïda reste encore très flou dans l’esprit de beaucoup de gens. Il est en effet difficile de définir les contours de la menace, donc de savoir ce que l’on cherche. Or, cet acquittement reflète à sa manière les incertitudes sur cette menace», explique-t-il à swissinfo.

«Sans connaître le détail des chefs d’accusation, je ne peux m’exprimer sur leur bien-fondé, conclut-il. En revanche, je constate que l’absence d’une définition précise d’Al-Qaïda et de son réseau contraint de soupçonner des activités qui sont le plus souvent anodines.»

swissinfo et les agences

Plus de cinq ans après les attentats terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis, les principales enquêtes menées en Suisse sur des personnes liées au groupe radical Al-Qaïda se comptent sur les doigts d’une main.

En Suisse, cinq enquêtes ont été ouvertes contre des personnes soupçonnées de liens avec Al-Qaïda. Le procès des sept prévenus qui s’est déroulé à Lugano constitue le premier cas de terrorisme traité par le Tribunal pénal fédéral (TPF).

La justice suisse a mené quatre autres enquêtes, selon les données du Ministère public de la Confédération (MPC). L’une d’entre elles a débouché sur le dépôt d’une mise en accusation du MPC auprès du TPF, à Bellinzone, dont l’acte date de ce lundi 26 février.

Outre ces enquêtes, la Suisse a accordé l’entraide judiciaire à de nombreux pays, dont les Etats-Unis, la France et l’Espagne.

Sept personnes âgées de 24 à 59 ans étaient accusées (cinq Yéménites, un Irakien, un Somalien).
L’acte d’accusation comportait 17 pages contre l’accusé principal.
Frais de procédure prévus: 1,05 million de francs

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