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Un regard sans concession sur l’affaire Phonak

Serge Demierre alors directeur sportif du Post swiss team. Keystone

Ancien coureur et directeur sportif, le Genevois Serge Demierre juge sévèrement l’unique équipe cycliste professionnelle suisse exclue mardi du ProTour.

Ecartée du futur circuit professionnel, Phonak n’a, selon lui, pas su prendre ses responsabilités le moment venu.

Au cœur du peloton international durant près de quatorze ans, le Genevois Serge Demierre a également dirigé deux équipes cyclistes suisses aujourd’hui disparues.

Tout d’abord celle d’Helvetia en 1992, puis celle de Post swiss team dans les années 2000.

Bien que déçu de voir une nouvelle équipe cycliste suisse risquer de disparaître du devant de la scène, il ne peut s’empêcher de trouver fondée la sanction de la commission des licences de l’Union cycliste internationale (UCI).

Selon lui, si Phonak avait pris ses responsabilités à temps, elle aurait pu espérer figurer l’an prochain parmi les vingt équipes du ProTour, le nouveau circuit cycliste professionnel. Interview.

swissinfo: Serge Demierre, est-ce que la décision de la commission des licences de l’UCI est un coup dur pour cyclisme suisse?

Serge Demierre: Un coup dur pour ce sport et pour l’image du cyclisme sans aucun doute. Lorsque j’ai appris cette nouvelle, je ne vous cache pas que j’ai été déçu.

Mais il est impossible de lutter contre le dopage sans prendre des décisions douloureuses. Aujourd’hui, c’est malheureusement une équipe suisse qui fait les frais de cette lutte. Demain, il s’agira peut-être d’une équipe belge ou française car les coureurs de Phonak ne sont pas les seuls à jouer avec le feu.

Cela ne signifie pas pour autant que tout est perdu pour le cyclisme suisse. Premièrement, l’équipe Phonak ne va pas forcément mettre définitivement la clef sous le paillasson.

Et en quatre ans – soit la période durant laquelle les licences ProTour sont accordées – il est possible de repartir à zéro et de reconstituer une équipe compétitive.

swissinfo: Cette décision de ne pas donner le droit à Phonak de courir parmi l’élite l’an prochain peut tout de même paraître sévère…

S.D.: Depuis la fameuse «affaire» Festina qui avait éclaté sur le Tour de France, les dirigeants de l’UCI se sont mis au travail et se sont appliqués à mettre des gardes-fous en place pour lutter plus efficacement contre le fléau du dopage.

Désormais, si une équipe franchit les limites, elle est sanctionnée et c’est tant mieux. C’est comme pour le conducteur d’un autobus qui passe au rouge, il doit s’attendre à un retrait de permis, à des sanctions.

L’équipe Phonak avait d’ailleurs déjà reçu plusieurs avertissements. Lors de la dernière course du Dauphiné libéré notamment où tous ses coureurs présentaient des taux d’hématocrite suspects. Mais personne n’a voulu voir les problèmes.

Et au lieu de prendre rapidement les sanctions qui s’imposaient, les dirigeants ont préféré tergiverser et soutenir publiquement leur coureur avant de le licencier en catimini. Elle en paie aujourd’hui le prix.

swissinfo: L’équipe Phonak peut-elle tout de même continuer de faire du business dans le cyclisme sans son sésame pour le ProTour?

S.D.: C’est difficile à dire. Je ne sais pas comment elle va réagir. Phonak peut encore vivre en dehors du ProTour et, théoriquement, se voir attribuer des invitations lors de certaines épreuves. Mais c’est peu probable.

Une chose est sûre: il faudra qu’une autre équipe suisse prennent le relais pour offrir des perspectives aux jeunes espoirs helvétiques. Ceux-ci ont besoin d’un encadrement sain, de débouchés et d’un but à poursuivre.

swissinfo: Mais ce n’est pas si simple de réussir dans une telle entreprise. D’ailleurs, vous-même, vous n’avez pas réussi à trouver les fonds nécessaires en 2002 pour créer une nouvelle équipe…

S.D.: Je n’ai pas trouvé les fonds nécessaires car le cyclisme a une mauvaise image et les sponsors ont peur de voir leur nom associé à des tricheurs.

Mais la volonté affichée de l’UCI de combattre le dopage et d’appliquer des sanctions, comme dans le cas de Phonak, vont peut-être permettre au cyclisme de redevenir plus propre.

Si les coureurs roulent à nouveau à des vitesses normales dans les cols, ce beau sport peut repartir sur de nouvelles bases.

Cela va peut-être redonner de l’espoir et du courage à des coureurs, des managers et des sponsors. Et ceux-ci vont peut-être à nouveau investir dans le milieu du cyclisme, car c’est un sponsoring qui ne coûte pas très cher par rapport aux retombées publicitaires potentielles.

Interview swissinfo: Mathias Froidevaux

– Serge Demierre est né le 16 janvier 1956

– Le Genevois a été coureur cycliste professionnel de 1977 à 1991 et a notamment porté les maillots des équipes Bianchi-Campagnolo, Cilo et Helvetia.

– Il a, entre autre, été champion de Suisse amateur en 1976, premier du Trophée Baracchi (en 1981 avec Daniel Gisiger) et Champion de Suisse sur route en 1983.

– Il a remporté plusieurs étapes du Tour de Suisse et une étape du Tour de France (Roubaix-le Havre lors 71eme Tour de France en 1983

– Serge Demierre a également été le directeur sportif de deux formations suisses : Helvetia en 1992 et Post swiss team (2000-2001)

– En 2002, il a tenté de reformer un nouveau team suisse «Swiss Team 2002», mais sa tentative a malheureusement avortée faute de moyens financiers.

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