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Coup dur pour le secret bancaire

Reuters

Malgré les craintes émises sur l'avenir du secret bancaire suisse, le gouvernement helvétique a relativisé la portée de l'accord conclu entre UBS et la justice américaine. Cette dernière a cependant annoncé jeudi soir vouloir en savoir plus sur 52'000 clients américains titulaires de comptes UBS.

Les déboires économiques et juridiques d’UBS aux Etats-Unis n’ont pas fini de faire parler d’eux. Jeudi soir, le ministère de la Justice américain a en effet annoncé qu’il avait porté plainte contre UBS à Miami en Floride.

Cette fois, ce sont 52’000 clients américains titulaires de comptes qui sont dans le collimateur de la justice et du fisc américains. L’ensemble de ces avoirs représenteraient quelque 14,8 milliards de dollars d’actifs (environ 17,35 milliards de francs).

La nouvelle tombe alors que la place financière et le secret bancaire suisses se trouvent ébranlés par les retombées des problèmes juridiques du numéro un bancaire helvétique aux Etats-Unis après l’annonce mercredi d’un accord entre UBS et les autorités américaines.

En réalité, il y a plusieurs mois déjà qu’UBS était dans le viseur de la justice américaine. Tout avait été révélé par un ancien gérant de fortune et la première banque suisse avait rapidement dû faire son mea culpa, déjà devant une cour de Floride: oui, UBS a bel et bien incité certains de ces clients à frauder le fisc des Etats-Unis.

Depuis cet aveu, la banque était en attente d’un règlement de l’affaire et de sanctions. Elle a finalement trouvé un accord avec la justice, échappant ainsi au risque de se voir retirer son autorisation d’exercer aux Etats-Unis.

Levée du secret bancaire

Cet accord, qui permet à UBS de différer de 18 mois toute poursuite pénale à son encontre, prévoit que la banque suisse paie à la justice américaine une amende de 780 millions de dollars (916 millions de francs).

Cette somme se divise en fait en deux parties. La première (380 millions de dollars) représente la restitution des profits liés au maintien d’activités transfrontalières aux Etats-Unis. La seconde (400 millions) représente l’impôt anticipé ainsi que diverses pénalités, intérêts et retenus en liens avec des «structures frauduleuses, fictives et écrans», explique UBS dans un communiqué.

Mais l’aspect le plus important de l’accord n’est pas financier. En effet, l’Autorité suisse de surveillance des marchés financiers (FINMA) a ordonné la remise immédiate des noms de quelque 300 clients d’UBS à la justice américaine.

Dans son communiqué, l’autorité de surveillance indique qu’il s’agit d’une «nombre limité de données» sans en préciser de nombre. La FINMA a justifié sa décision par le fait que celle-ci permet de «prévenir par le biais d’un accord les conséquences dramatiques d’une poursuite pénale pour UBS et garantir la stabilité du système financier suisse.»

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Secret bancaire

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Hans-Rudolf Merz relativise

Mais une telle décision pourrait constituer une première étape dans le démantèlement du fameux secret bancaire suisse. Pour Hans-Rudolf Merz, il ne faut cependant pas dramatiser la situation.

Devant les médias, le ministre suisse des Finances a expliqué jeudi que le secret bancaire visait à protéger la sphère privée des clients, mais en aucun cas à couvrir des fraudes fiscales. Or, dans le cas d’UBS, il s’agissait bel est bien de fraude fiscale. Et le grand argentier de conclure que «le secret bancaire est maintenu».

Le ministre a par ailleurs affirmé que la pression mise par la justice américaine dans ce dossier n’allait pas mettre à mal les relations entre la Suisse et les Etats-Unis. «Cela ne devrait pas gâter nos relations; ce cas est certes problématique, mais particulier», a-t-il assuré.

Par ailleurs, Hans-Rudolf Merz s’est félicité de l’accord. Sans lui, UBS aurait pu voir son existence menacée, ce qui aurait eu des conséquences très graves pour l’ensemble de l’économie suisse.

Pluie de critiques

Les propos rassurants de Hans-Rudolf Merz n’ont cependant pas convaincu tout le monde. Le monde politique – à droite comme à gauche – reproche au gouvernement et à la FINMA d’avoir cédé trop rapidement aux pressions américaines.

Ainsi, pour le président du Parti socialiste Christian Levrat, ces pressions sont «inacceptables». Pour le porte-parole du Parti radical (PRD / droite) Damien Cottier, «la force l’a emporté sur le droit.»

Mais la gauche et la droite divergent sur la question du secret bancaire. Si la gauche estime généralement qu’il est temps de revoir cette pratique, la droite entend en revanche la défendre coûte que coûte.

L’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) s’est montrée tout particulièrement virulente. Le parti à une nouvelle fois rappelé sa proposition d’ancrer le secret bancaire dans la Constitution fédérale. Il a également indiqué qu’une plainte pénale pourrait être déposée contre ceux qui ont dévoilé les noms des clients d’UBS.

Les milieux économiques et bancaires dénoncent également les pressions exercées par les Etats-Unis. L’avis le plus sévère est cependant celui de Carlo Lombardini. Sur les ondes de la Radio Romande, ce spécialiste genevois du droit bancaire a qualifié cet accord de «désastre total».

swissinfo, Olivier Pauchard

Ennuis. L’accord ne met pas UBS totalement à l’abri de nouveau ennuis.

Pression. En effet, il ne couvre pas les agissements de l’autorité fiscale américaine (IRS), ce qui maintiendra la pression afin que la banque suisse livre davantage de données de clients.

52’000 comptes.
La plainte déposée jeudi en Floride par le ministère de la Justice américain contre UBS en témoigne. Cette fois, ce sont 52’000 comptes sur lesquels le fisc américain souhaite être renseigné.

Mardi. De plus, le Sénat américain tiendra une audience spéciale mardi sur l’affaire.

Attention. L’accord passé entre UBS et la justice américaine n’a pas manqué de retenir l’attention de Bruxelles.

Années. En effet, il y a des années déjà que l’Union européenne demande la levée du secret bancaire – et tout spécialement à la Suisse – afin de pouvoir lutter contre l’évasion fiscale.

Equivalent. La Commission européenne a d’emblée réclamé un traitement équivalent pour les Etats membres de l’Union européenne à celui réservé aux Américains.

Fraude. Pour l’heure, Hans-Rudolf Merz a rappelé que la politique de la Suisse consistait à lutter contre la fraude fiscale mais pas contre l’évasion fiscale.

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