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Genève, boulevard du crime

Ceppi / Le Lombard

Après le Stade de Genève sous la plume de Corinne Jaquet, c'est au quartier des banques de devenir scène de crime sous celle de Thedi Landis. Quant à Ceppi, il continue de peindre Genève en ville interlope, haut-lieu de trafics internationaux divers.

Quelques semaines avant l’Euro 2008, Corinne Jaquet nous faisait découvrir les cadavres du Stade de Genève. Pas les cadavres politiques ou financiers, non, de vrais macchabées que son imagination de romancière avait placés dans ce qui allait devenir l’un des hauts-lieux de la Coupe d’Europe de football.

Un récit qui permettait à la journaliste de se plonger dans l’une de ses passions, le foot, mais aussi de raconter avec beaucoup de sensibilité le quartier de son enfance, celui de La Praille.

Quelques mois plus tard, et chez le même éditeur (Slatkine), voici que Genève devient à nouveau le cadre d’un meurtre sordide dans un premier roman cette fois-ci, «Le pouvoir du hasard», dû à Thedi Landis. Un jeune auteur qui se lance? Pas vraiment, puisqu’il est signé par un professeur en neurologie né en 1945, médecin-chef du Service de neurologie des Hôpitaux Universitaires de Genève, connu officiellement sous le nom de Theodor Landis.

Politicien douteux

«Genève, 23 heures 30. La caméra vidéo d’un passage mal éclairé du quartier des banques filme en direct le meurtre d’un ténor de la vie politique genevoise. Et cet assassinat a un témoin: une jeune femme d’une vingtaine d’années qui entre dans le passage. Non seulement, elle se comporte comme si elle n’avait rien vu mais reste introuvable». C’est ainsi que commence le résumé de la ‘4e de couv’.

Sale affaire. Le commissaire Bernard Levasseur et Saskia, charmante juge d’instruction, vont donc enquêter sur ce politicien genevois, son entourage et ses relations, notamment quelques représentants de cette nouvelle Russie amatrice de blanchiments divers apparemment si bien implantée dans la ville du bout du lac. Affaires de fric? Affaire de mœurs?

Par chance pour Bernard et Saskia, il seront aidés par le très coloré Yankele, l’homme qui finalement démêlera l’intrigue… A tout hasard, devinerez-vous la profession de Yankele? Ex-professeur de neurologie!

Pour un premier roman, mieux vaut parler de ce qu’on connaît, effectivement, et Thedi Landis nous fait donc part de son savoir quant à l’«héminégligence spatiale gauche», terme médical qui peut paraître rebutant, mais qui, dans le contexte, s’avère être un intéressant ressort dramatique.

Si on lit «Le pouvoir du hasard» jusqu’au bout, c’est en bonne partie à cause de cette intrigue inattendue. Par contre, si certaines remarques témoignent d’un regard humain aiguisé («Tous les éléments du mensonge étaient là: l’hésitation, le regard fuyant, une précision inutile»), on est déçu par l’absence de relief stylistique, voire l’utilisation régulière de formules d’une étonnante platitude: «Cette nuit-là, brûlant de se perdre dans des rythmes endiablés, elle était aller danser avec Alain (…)».

On regrette aussi que la description de Genève soit un peu lisse, aseptisée, et pas toujours très convaincante: «Une ville où la violence se limite généralement aux grandes manifestations antimondialistes» écrit ironiquement le professeur, qui, dirait-on, ne quitte pas souvent les quartiers sages.

Quoi qu’il en soit, un livre qui est une curiosité genevo-neurologico-policière…

Blanchiment, suite

Autre ambiance, plus proche du bitume, moins bien rasée et plus sexuée, avec «Nom de code: Mata Hari», 3e tome de la série BD «CH Confidentiel» que signe Daniel Ceppi.

Si Ceppi est un passionné de voyages comme en témoigne la saga «Stéphane Clément», il adore également lorgner les dessous peu nets de sa ville. Ville de Calvin? Oui, mais aussi des banques, par lesquelles transiteraient des millions peu avouables. En l’occurrence, il s’inspire de la très réelle affaire Noroeste, jugée à Genève en 2003, pour en imaginer une autre guère plus reluisante.

Au cœur de l’affaire, Pasquier, un banquier très doué qui a beaucoup investi à titre personnel, mais avec l’argent des autres, dans le pipeline BTCF, allant de Bakou à Ceyhan, en Turquie – Ceppi ancre volontiers ses intrigues dans le réel. Mais Pasquier risque de devenir le pion de gros blanchisseurs d’argent sale.

Il contacte donc la B.E.R., la «Brigade des Enquêtes Réservées», cœur de la série «CH confidentiel». Banquier corrompu, azéris blanchisseurs, police fédérale, taupe de l’Est, brigade spéciale… il faut parfois s’accrocher pour suivre les développements de l’affaire.

A noter que dans cet épisode, l’enquêtrice Chloé Zemp prend clairement le dessus sur son collègue Ethan. Et qu’elle n’a jamais été aussi sexy. Entre ex-prostituée de l’Est prise en otage et clubs échangistes de France voisine, on se déshabille d’ailleurs pas mal dans cette aventure.

Pourquoi clubs échangistes ‘de France voisine’? «Il n’existe rien de ce genre ici?», demande Chloé. «Dans la Genève calviniste! On s’exprime en privé dans des appartements cossus. Mais au bout d’un moment, on se connaît tous. Ça n’a plus rien d’excitant», répond une adepte de la chose.

Joyeux anniversaire, Calvin, qui fêtera ses 500 ans en 2009.

swissinfo, Bernard Léchot

«Nom de code: Mata Hari», 3e tome de la série BD «CH Confidentiel» de Daniel Ceppi (Editions Le Lombard)

«Le pouvoir du hasard», de Thedi Landis (Editions Slatkine)

«Maudit foot!» de Corinne Jaquet (Editions Slatkine)

Selon la police genevoise, sept meurtres ont été commis cette année à Genève.

Né en 1945, Theodor Landis est professeur de neurologie, spécialiste en neurologie comportementale et amateur de polar. Il est Chef de service de la Clinique de Neurologie de Genève.

Daniel Ceppi est né en 1951 à Genève. Arts décoratifs, publicité, puis changement de cap vers la bande dessinée. Il est notamment l’auteur et le dessinateur de la série «Stéphane Clément» (11 titres parus) où s’affiche son goût pour le voyage et la géopolitique. Mais Genève inspire sa veine policière à travers le diptyque «Corps diplomatique» ou la série «CH confidentiel».

Corinne Jaquet est née à Genève en 1959. Licence en sciences politiques en 1983, journaliste à «La Suisse», chroniqueuse judiciaire, elle a publié plusieurs romans ancrés à Genève, de «Bain fatal aux Pâquis» à «Maudit Foot!» en passant par «Les larmes de Saint-Gervais» ou «Genève la noire».

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