Harald Szeeman «In Progress», pour briser les murs
Locarno propose cette année une nouvelle section interdisciplinaire, qui permet au cinéma de croiser d'autres arts. Harald Szeemann est de la partie.
Le cinéma n’est pas un univers «en soi». Il est en liaison avec les autres arts, s’en inspire, les détourne, s’en nourrit ou les nourrit.
Ainsi, à l’heure des webcams et de l’animation flash, à Locarno, on s’interroge notamment sur les nouvelles relations que les gens d’images développent avec Internet.
Autre sujet d’investigation: la relation entre cinéma et littérature. Des écrivains ont été invités pour y rencontrer des réalisateurs et le public.
Parmi eux, l’Italien Antonio Tabucchi, le Britannique Arnold Wesker, l’Indien Arundhati Roy ou le Suisse Martin Suter.
S’arrêter ou déambuler?
La star suisse de la muséographie, Harald Szeeman, qui dirigea deux fois la Biennale de Venise, s’est occupé de la partie «video-art». Cela se passe dans deux cubes blancs, qui jouxtent le nouveau «Forum».
«Même les cinéastes, qui ont toujours exigé une salle noire, avec une heure de début et de fin, ont réalisé qu’ils pourraient être invités dans les expositions d’art, où on préfère la déambulation au fait de s’asseoir», commente Szeemann en rigolant.
L’année passée, quelques réalisateurs, dont Atom Egoyan et Chantal Akerman, ont participé à cette forme d’installations. «Le festival a pensé qu’il y avait des leçons à tirer de cette démarche», ajoute le muséographe.
Il propose cette année les vidéos de quatre artistes. Ainsi «Lasso» de la Finlandaise Salla Tikkä.
«Elle a réalisé un film sur une musique de Morricone, un film qui pourrait durer une heure et demi, mais qu’elle a fait sur 3 minutes et 40 secondes, explique Harald Szeemann. Dans ce laps de temps, c’est tout un drame nordique qui se joue! Ce n’est donc pas une concurrence au cinéma, mais une autre manière de voir».
Autre cas: «Oracle», de la Sud-Africaine Minnette Vári. Sur un fond noir, une femme nue, et rasée de la tête aux pieds, ingurgite goulûment une sorte de magma gluant constitué d’images d’actualités. Boulimie glauque et sauvage.
«L’Afrique du Sud, c’est la violence, l’insécurité, 25% de la population qui a le sida, commente Szeemann. Minnette Vári souffre vraiment de l’histoire de son pays».
Et d’expliquer: «Elle réduit tout ça à un acte physique, où elle se présente comme Kronos qui mangeait ses enfants, parce qu’il avait peur qu’ils le châtrent. C’est extraordinaire que ce soit l’œuvre d’une femme. A la différence d’un film traditionnel, là, tout est concentré dans une démonstration physique.»
L’intensité avant tout
Harald Szeemann, qui vit au Tessin, a choisi des œuvres qu’il avait déjà programmées dans le cadre de la Biennale de Venise. «Mais des vidéos qui touchent à des thèmes que le ‘grand cinéma’ traite aussi».
«Le fait que le festival veuille s’élargir avec des artistes qui ne sont pas des cinéastes, mais des artistes visuels, je trouve ça très bien. On parle toujours d’aller au-delà des frontières, là c’est le cas. Pour moi, ce n’est pas le médium qui est important, c’est l’intensité qui compte, dans l’art comme dans la vie.»
Une intensité que Harald Szeemann n’a pas trouvée dans le cadre de la Fondation MonteCinemaVerità, société de production basée à Locarno, dont il avait été nommé président l’année dernière et qu’il a quittée entre-temps.
On ne le consultait à propos de rien, affirme-t-il. Or Szeemann n’est guère le genre de bonhomme à se passionner pour une place strictement honorifique. On s’en doutait un peu.
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