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Jean-François Balmer, d’Henri IV à Pompidou

Jean-François Balmer, acteur "considérable". AFP

Au théâtre, à la télévision comme au cinéma, le comédien suisse, établi en France, fait revivre des figures illustres. Avec fougue et malice. Retour sur presque quarante ans de carrière.

Un Suisse incarne ces jours-ci les grands personnages de l’Histoire de France. Au théâtre des Mathurins à Paris, Jean-François Balmer, barbe blanche et cheveux au vent, joue tous les soirs un Henri IV malicieux et coléreux, à la veille de son assassinat.

Pour la télévision publique, le comédien vient de tourner un film sur les derniers jours de l’ancien président Georges Pompidou, décédé d’une maladie du sang en avril 1974.

La voix cassée

Ne demandez surtout par à Jean-François Balmer pourquoi c’est lui qu’on a choisi pour interpréter ces personnages considérables. «Mais parce que je suis un acteur considérable !», répond-il, un brin agacé.

«Et voyez, j’ai joué bien d’autres noms illustres, Racine, Malesherbes, Mitterrand, sans que personne ne se demande pourquoi. Et même Louis XVI ! D’Henri IV à Louis XVI, on peut dire que j’ai fermé la parenthèse Bourbon de l’Histoire de France», s’amuse l’acteur, la voix légèrement cassée par les centaines d’heures passées sur les planches à prêter son bouillonnant talent au roi chéri des Français.

Henri IV et Pompidou: deux hommes bien enracinés dans leur pays natal – le Béarn pour l’un, le Cantal pour l’autre. Peut-être fallait-il être né loin de Paris, dans un petit village perdu du canton de Neuchâtel, pour comprendre ces deux terriens. «Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que quand j’interprète un personnage historique, l’imitation, la ressemblance purement physique ne m’intéressent pas. J’essaie de m’approcher du personnage. Pour moi il s’agit plutôt d’une évocation. »

Très convaincant

Pari gagné, si l’on en croit les spécialistes du XVIe siècle, qui ont trouvé son Henri IV très convaincant. Son Pompidou sera diffusé le samedi 2 avril sur France 3. «Avant le tournage, j’ai dit aux producteurs que j’étais suffisamment dodu et “chloroformé” pour jouer le Pompidou des derniers mois. Mais la transformation physique s’est imposée. Car le sujet du film, poursuit Balmer, c’est justement ce président malade, grossi par la cortisone. Et cette mort annoncée que personne, ni les médias ni les politiciens, n’ose évoquer. Chaque jour de tournage, j’ai donc dû subir cinq heures de maquillage. C’était terrible, mais le résultat est vraiment hallucinant.»

Né dans le Val-de-Ruz

Jean-François Balmer est né à Valengin, dans le Val-de-Ruz. «J’ai gardé beaucoup d’attaches dans le canton de Neuchâtel, ma mère y vit toujours. J’aime être en Suisse, il y a une gentillesse et une proximité qu’il n’y a pas dans cette rude ville de Paris. D’ailleurs, tous les gens du théâtre vont diront que le meilleur public, c’est le public suisse, et aussi le belge.» Parce qu’en Suisse, les gens vont moins au théâtre ? «Au contraire, parce qu’ils y vont davantage! Paradoxalement, c’est à Paris qu’on va le moins au théâtre.»

Son lien avec la Suisse s’est pourtant légèrement distendu. «Que voulez-vous, cela fait plus de 40 ans que je vis en France». Le cinéma suisse ? «Je n’ai pas connu la grande période du cinéma helvétique, les années 1968-1975. A l’époque, j’étudiais le théâtre à Paris. J’ai croisé parfois Claude Goretta et fait une voix off dans un film d’Anne-Marie Miéville, la compagne de Jean-Luc Godard. C’est tout. Mon film suisse préféré ? «L’Inconnu de Shandigor», de Jean-Louis Roy, un film très drôle, avec Serge Gainsbourg.»

Accent ou pas d’accent ?

De son pays natal, il lui reste peut-être la trace d’un léger accent. «Non, je n’ai jamais eu l’accent, corrige Balmer. Plutôt une façon de parler un peu saccadée.» Et un jeu à l’instinct, varié et mobile, imprévisible, qui lui permet de s’approprier les personnages les plus différents. Wagner par exemple, qu’il interprète en ce moment dans un film de Jean-Louis Guillermou.

En France, Jean-François Balmer fait désormais partie du paysage. On l’a vu dans de nombreux films de Claude Chabrol. Depuis plus de 10 ans, il incarne, dans la série télévisée «Boulevard du Palais», le commandant de police Rovère. «Je joue ce personnage avec plaisir. J’ai réussi à imposer un personnage un peu décalé: un drôle de policier qui a peur des armes, poète à deux balles avec une légère tendance à boire.»

Balmer ne court pas les médias. «C’est difficile de parler de soi. Quand un film sort dans lequel j’ai joué, je fais le nécessaire, le minimum. Les acteurs se sont fourvoyés en se répandant dans les médias. Jadis, ils restaient en lisière de la société. On ne les voyait qu’au théâtre ou au cinéma et le reste du temps ils fermaient leur gueule. Aujourd’hui, à force de courir les médias, les acteurs sont devenus interchangeables. Moi pas.»

1946. Naissance le 18 avril à Vallangin. À 23 ans, il décide d’entamer des études d’art dramatique au Conservatoire de Paris. Il remporte le premier accessit en 1973, dans la promotion de Daniel Mesguich et Jacques Weber. Parmi ses camarades de classe au Conservatoire, on peut citer Isabelle Adjani, Francis Huster et Jacques Villeret.

1973. La même année donc, il décroche son premier rôle sous la houlette d’Yves Boisset dans le film «R.A.S.», et commence une longue carrière au cinéma, au théâtre et à la télévision.

Parmi les nombreux films dans lesquels il a joué: «Flic ou voyou», de Georges Lautner, «Le Sang des autres» et «Madame Bovary» de Claude Chabrol, «Le Temps retrouvé» de Raoul Ruiz, «Le Grand Appartement» de Pascal Thomas, «La Menace» d’Alain Corneau.

Au théâtre, il joue dans des mises en scène de Roger Planchon, Jacques Weber, Jérôme Savary et Jean-Marie Duprez, notamment.

«Henri IV le bien aimé», au Théâtre des Mathurins, une pièce écrite et mise en scène par Daniel Colas.

«Mort d’un président» de Pierre Aknine, diffusion prévue le 2 avril sur France 3.

L’authentification de la tête d’Henri IV, retrouvée après de multiples mésaventures chez un couple de retraités, fait l’objet d’une vive querelle entre un journaliste-historien et une équipe de scientifiques. L’annonce de l’authentification de la tête momifiée du bon roi Henri, réalisée grâce à des moyens dignes d’une enquête médico-légale par des scientifiques en collaboration avec des historiens, a été faite à la mi-décembre.

L’enquête a été validée par le British Medical Journal. Dans un article publié mercredi par l’hebdomadaire L’Express, le journaliste-historien Philippe Delorme, auteur d’un ouvrage sur le Vert-Galant («Henri IV, les réalités d’un mythe») et d’une enquête historique sur le cœur de Louis XVII, conteste toutefois cette découverte.

Il s’étonne notamment que le crâne examiné ne soit «ni scié, ni trépané comme cela se pratiquait systématiquement pour les embaumements royaux». Et fait état de témoins ayant déclaré que le crâne était ouvert, lors de la profanation de la nécropole des rois à l’abbaye de Saint-Denis, en 1793. Ce que réfute avec force Philippe Charlier, le médecin légiste qui a dirigé l’équipe de 20 spécialistes français, danois, italiens et américains, à l’origine de la découverte.

(source: AFP)

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