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Johanna Spyri, une célèbre inconnue

Johanna Spyri à l’époque de son mariage. Une huile due à son amie Anna Fries (archives: Institut suisse de littérature pour la jeunnesse) swissinfo.ch

Heidi est de retour cet été à l'occasion du 100ème anniversaire de la mort de son auteur, la Zurichoise Johanna Spyri. Durant toute cette semaine, nous suivons les traces de la petite montagnarde suisse. En nous penchant aujourd'hui sur la vie et la personnalité de sa «maman».

C’est anonymement, à la fin de 1879, que paraît chez un éditeur allemand «Heidi’s Lehr- und Wanderjahre». Le livre connaît rapidement le succès, tout comme sa suite, parue deux ans plus tard. Son auteur: une Zurichoise de 52 ans, Johanna Spyri, qui allait devenir, grâce à Heidi, l’un des plus grands auteurs, pour la jeunesse, de la littérature mondiale.

Mais connaît-on vraiment Johanna Spyri? Il faut dire que le succès de l’héroïne a, dans le cas de Heidi, presque complètement éclipsé sa créatrice. En outre, les biographes de Johanna Spyri ont longtemps cherché à l’identifier à ses personnages – et en particulier, bien sûr, avec Heidi – à lire sa vie dans ses romans. Mais depuis une vingtaine d’années, l’image se fait plus précise et plus vraie.

Une mère poétesse

Johanna Spyri naît en 1827, à Hirzel, un village situé au-dessus du lac de Zurich. Son père, fils de paysan, est médecin. Sa mère, fille du pasteur, est connue dans tout l’espace germanophone pour ses poèmes piétistes. C’est dans un environnement familial très vivant que Johanna grandit. Car outre ses deux frères et trois sœurs, la maison familiale abrite également deux tantes et deux grandes-tantes. Sans compter les patients que son père héberge régulièrement.

Pour ses études, Johanna est envoyée à Zurich, puis elle passe un an à Yverdon. Vient ensuite son mariage avec le juriste Johann Bernhard Spyri, de six ans son aîné. Le couple s’installe en ville, en 1852. Trois ans plus tard, Johanna donne naissance à son unique fils, Bernhard Diethelm.

Dix ans de dépression

C’est une période sombre de son existence. Visiblement, la maternité ne la comble pas. Elle en développe d’ailleurs un sentiment culpabilité et s’enfonce dans une dépression qui durera dix ans. Son mari, de son côté, est accaparé par sa carrière. Car outre son métier d’avocat, Spyri est rédacteur au journal «Eidgenössischen Zeitung». Et il devient en 1868 un personnage public en accédant à la fonction de greffier de la ville.

Johanna vit alors l’existence d’une femme de la bonne société zurichoise, dans une cité que l’industrialisation transforme et développe rapidement. Elle est en contact avec le milieu intellectuel et culturel, notamment la famille du grand écrivain Conrad Ferdinand Meyer. Son mari est l’un des meilleurs soutiens de Richard Wagner, lors du long séjour du musicien allemand à Zurich.

La bilbiothérapie de Johanna Spyri

C’est dès 1871 que Johanna Spyri se met à écrire et à publier. Elle a 44 ans. Une activité qui l’aide sans doute à surmonter ses souffrances psychiques. «On pourrait presque parler d’une bibliothérapie, avance Denise von Stokar, de l’Institut suisse de littérature pour la jeunesse. Elle a écrit pour surmonter ses problèmes et ses états sombres.»

La reconnaissance arrive rapidement. Puis le succès, après la publication de «Heidi». Mais, en 1884, Johanna est durement frappée par le destin. Coup sur coup, meurent son fils – gravement malade depuis plusieurs années – puis son mari. Pour elle néanmoins s’ouvre une période extrêmement fertile sur le plan littéraire. Coïncidence? Denise von Stockar dresse le parallèle avec la comtesse de Ségur, en France.

Surprise par le succès

«Comme elle, Johanna Spyri fut d’abord fille, mère et épouse. Son écriture, ce fut son hobby personnel, auquel elle osa se consacrer surtout après la mort de son mari et de son fils. Et elle a elle-même été surprise par son succès.» Mais si la vie de l’auteur de «Heidi» n’est pas vraiment un modèle pour les féministes, il n’en va pas tout à fait de même pour les personnages de ses romans.

Denise von Stockar: «Il y a là des femmes, surtout dans «Heidi», capables de créer un monde contraire à celui, économique et de pouvoir, des hommes. On retrouve cette image dans le féminisme protestant, par exemple en Suisse romande.» Jusqu’à sa mort, le 7 juillet 1901 à Zurich, Johanna Spyri aura écrit en tout une trentaine de livres. Sa célébrité mondiale elle la doit pourtant à un seul personnage: la petite montagnarde suisse.

Pierre Gobet, Zurich

Pour en savoir plus, vient de paraître en allemand une toute nouvelle biographie, bien illustrée, de Johanna Spyri: «Johanna Spyri, verklärt, vergessen, neu endeckt”, Georg Escher, Marie-Louise Strauss, Verlag NZZ

A voir: l’exposition consacrée à Johanna Spyri à l’Institut suisse de littérature pour la jeunesse, à Zurich, jusqu’au 5 août.

Enfin, le Musée Johanna Spyri, à Hirzel, près de Zurich, propose une exposition sur l’ensemble de l’œuvre de l’auteur de Heidi, jusqu’au 5 août.

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