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L’octogénaire Robert Frank à l’honneur

Robert Frank lors de son passage sur l’Arteplage mobile du Jura en août 2002 Keystone Archive

Le photographe Robert Frank, compagnon de route de la ‘beat generation’, fête ce mardi son 80e anniversaire.

Emigré aux USA en 1947, ce Zurichois d’origine est actuellement exposé à la très prestigieuse ‘Tate Gallery Modern’ à Londres.

A l’occasion du 80e anniversaire du photographe zurichois, la Tate Modern lui consacre une large rétrospective, inaugurée fin octobre en présence du ministre suisse Pascal Couchepin.

Il faut dire que le musée londonien possède la plus importante collection de clichés du photographe. Intitulée «Robert Frank: Storylines», l’exposition présente, jusqu’au 23 janvier, 270 photographies, dont 150 n’ont jamais été montrées hors des Etats-Unis.

De la ‘Landi’ à Kerouac

Robert Frank a vu le jour le 9 novembre 1924 à Zurich. Il se consacre à la photographie dès son plus jeune âge, mettant notamment en images la «Landi», l’exposition nationale de 1939. En 1947, il part pour New York. Il travaille notamment pour le magazine de mode «Harper’s Bazaar», puis en indépendant.

Dans les années 50, il fréquente les principaux animateurs de la Beat Generation, tels Jack Kerouac et Allen Ginsberg. En 1958, après un périple de deux ans aux Etats-Unis, il publie le livre qui va le rendre célèbre, «Les Américains».

Livre culte

Les 83 photographies de cette série en noir et blanc reflètent la réalité, dure, sombre, derrière la façade d’une Amérique prospère.

«Son idée était d’en finir avec l’esthétique photographique», nous expliquait un jour Daniel Girardin, conservateur au Musée de l’Elysée, à Lausanne. «Et ce qui est intéressant, c’est que cette non-esthétique est devenue, après la publication des «Américains» et son succès, une esthétique en tant que telle, une école de la photographie».

«Il a saisi quelque chose de fondamental: le vide. Le vide spirituel» analyse quant à lui le directeur William Ewing. «Et les Américains ont été choqués que ce soit un étranger qui ait eu la sensibilité de le leur faire découvrir. Néanmoins, avec la parution des ‘Américains’, il a semé une graine: il est considéré aujourd’hui comme le père de la photographie américaine, ou en tout cas l’un des fondateurs».

L’ouvrage, fêté comme l’équivalent visuel des romans de la ‘Beat Generation’, devient vite un livre culte.

«Cocksucker Blues»

Robert Frank se met alors au cinéma. En 1959, il tourne «Pull my daisy» avec Alfred Leslie. Ce film de 28 minutes montre l’adaptation du troisième acte d’une pièce non jouée de Jack Kerouac, commentée par l’auteur lui-même. Robert Frank opte ensuite pour la vidéo. Son travail prend de plus en plus un aspect expérimental.

Au début des années 70, le chemin de Robert Frank croise le chemin des – alors – très sulfureux Rolling Stones. C’est lui qui signe les photos de la pochette du double album «Exile on Main Street», et lui que les Stones sollicitent pour tourner un documentaire sur leur tournée américaine de 1972.

Le résultat s’appelle «Cocksucker Blues», et donne corps à la fameuse Trinité rock’n’rollienne: sexe, drogue et rock n’roll. A un tel point que Jagger et sa bande interdiront la publication du film.

Un film qui deviendra donc nécessairement ‘culte’, et qui sortira de l’ombre de temps en temps: ainsi, en 1999, lors du festival ‘Visions du réel’ de Nyon, ou, ces jours à la Tate Modern. Inutile de préciser que, par ailleurs, Internet en propose des versions DVD à la légalité sans doute discutable…

Repli sur soi

Avec les années 70, Robert Frank revient également à la photo. C’est désormais sa propre existence qu’il fixe sur pellicule, retiré avec l’artiste June Leaf, sa deuxième épouse, à Mabou, un endroit isolé de Nouvelle-Ecosse (Canada). Il publie «The lines of My Hand», un livre rétrospectif qu’il retravaillera en 1989.

Il donne du volume à ses images, dont certaines se transforment en sculptures. Tas de photos percées par un long clou, clichés peints ou couverts d’inscriptions, collages, montages: ces travaux sont marqués par des éléments de sa vie privée, comme la mort accidentelle de sa fille en 1974.

Des honneurs à la pelle!

En 1994, Robert Frank est le premier photographe à connaître de son vivant l’honneur d’être exposé à la National Gallery of Art de Washington avec «Moving Out». Après une escale à Yokohama, cette rétrospective s’arrête au Kunsthaus de Zurich (qui lui consacre déjà en 1976 un exposition), avant Amsterdam, New York et Los Angeles.

Frank, qui garde le contact avec son pays, fait don de plusieurs images à la Fondation suisse pour la photographie.

De temps à autre, il fait des apparitions remarquées en Suisse, comme au Festival ‘Visions du Réel’ à Nyon en 1999, ou, en 2002, invité par l’Arteplage mobile du Jura d’Expo.02 pour illustrer avec Jean-Luc Godard et Dieter Roth le chapitre «Gloire et misère de la Suisse».

Fera-t-il le déplacement de Winterthour lorsque le Musée de la photographie reprendra l’exposition de la Tate Modern, en la complétant avec ses propres archives? Réponse en septembre 2005.

swissinfo et les agences

A l’occasion des 80 ans de Robert Frank, la ‘Tate Gallery Modern’ à Londres propose «Robert Frank: Storylines», à voir jusqu’au 23 janvier.
270 photographies, dont 150 n’ont jamais été montrées hors des Etats-Unis.
Une exposition qui sera reprise et complétée au Musée de la photographie de Winterthour du 3 septembre au 20 novembre 2005.

– Robert Frank, né à Zurich en 1924 et émigré aux USA en 1947, a marqué l’histoire de la photographie avec son ouvrage «The Americans».

– Il s’est également consacré au cinéma : «Pull my daisy» (1959) ou le sulfureux «Cocksucker Blues» (1972).

– Il est revenu plusieurs fois en Suisse, par exemple lors du festival ‘Visions du Réel’ (1999) ou d’Expo.02 (2002).

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