Des perspectives suisses en 10 langues

La Suisse parle bien plus que quatre langues

Keystone

Allemand et français stables, italien et romanche en régression. Mais la Suisse parle aussi anglais au travail et bien d’autres langues à la maison.

En outre, on note une nette progression du dialecte alémanique dans les écoles, qui ne manque pas d’inquiéter les autorités responsables de l’instruction publique.

La Suisse tend à devenir une vraie Tour de Babel. C’est ce qui ressort de deux études présentées à la presse mardi à Berne sous l’égide de l’Office fédéral de la statistique et basées sur le recensement de la population 2000. La principale a été menée par une équipe de chercheurs des universités de Bâle et de Berne.

La part des langues majoritaires a légèrement augmenté de 1990 à 2000, l’allemand atteignant 63,7% (+0,1%) et le français 20,4% (+1,2%). Cette augmentation est surtout due à l’adoption de ces langues par les étrangers, grâce à l’intégration scolaire. Si l’on ne considère que la population de nationalité suisse, le français est stable mais l’allemand a légèrement reculé.

Les étrangers se mettent plus volontiers au français


Près des deux tiers des étrangers déclarent une langue nationale comme langue principale (+16,7%). Parmi les immigrés de la 2e génération originaires de pays d’autres langues, l’intégration est plus forte en Suisse romande (80% de francophones) qu’au Tessin (67% d’italophones) et en Suisse alémanique (60% de germanophones).

Ces différences entre régions s’expliquent par la parenté linguistique: les étrangers ayant une langue maternelle latine adoptent plus facilement le français ou l’italien que l’allemand. Quant à l’intégration des personnes d’une autre langue nationale, le Tessin la réussit encore mieux que la Suisse romande.

A la maison, on parle toutes les langues


A la maison, les langues parlées sont toujours plus nombreuses. L’usage des langues étrangères est passé de 13 à 16,6% de la population. Le serbo-croate et l’albanais ont dépassé le portugais et l’espagnol.

Alors que les Suisses sont très souvent monolingues, la plupart des étrangers maîtrisent, dès la première génération, la langue locale en plus de leur langue d’origine. Mais leurs compétences linguistiques sont mal exploitées dans le monde professionnel, ont relevé les chercheurs.

L’anglais au travail


Au travail, l’usage de l’anglais a passé de 15,9 à 21,7% de la population. Cette progression ne se fait toutefois pas au détriment de la langue locale, dont l’utilisation a aussi un peu augmenté. L’anglais a dépassé le français en Suisse alémanique et l’allemand en Suisse romande. Le plurilinguisme au travail est moins marqué dans cette dernière région.

L’anglais n’entre pas en concurrence avec les langues nationales, mais s’ajoute à elles, a souligné le professeur Georges Lüdi, de l’Université de Bâle. Il s’est inscrit en faux contre la tendance à privilégier l’anglais par rapport au français dans l’enseignement en Suisse alémanique, mouvement qu’il juge nuisible à la cohésion nationale.

L’italien et le romanche en recul


La part des italophones est tombée à 6,5% (-1,1%). Cela résulte des retours au pays et de l’intégration linguistique des immigrants d’origine italienne en Suisse romande ou alémanique. La langue de Dante s’est en revanche maintenue dans la population de nationalité suisse et s’est renforcée au Tessin.

Quant à la proportion des personnes parlant principalement romanche, elle s’est encore réduite à 0,5% de la population (-0,1%). Selon les chercheurs, la sauvegarde de la quatrième langue nationale est menacée: les vallées grisonnes où elle est parlée ont une capacité d’assimilation insuffisante pour les personnes d’autres langues.

Progression inquiétante du dialecte


Par ailleurs, ces études mettent en évidence la progression constante de l’usage du dialecte dans les écoles alémaniques. Au degré obligatoire, la part des élèves qui ne parlent que le suisse-allemand a augmenté de 6% depuis 1990, pour atteindre 39% en 2000.

L’allemand standard ne supplante le dialecte que dans les universités et les hautes écoles. De manière générale, plus le niveau de formation est élevé, plus l’on recourt à la langue de Goethe.

Et le dialecte progresse à l’école malgré les recommandations contraires de la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique. Ce phénomène touche avant tout les élèves étrangers, dont près de 45% ne parlent que le suisse-allemand à l’école. Ils ont d’autant plus de difficultés dans la vie professionnelle, relève le professeur Georges Lüdi, de l’Université de Bâle.

Eva Roos, responsable du Forum du bilinguisme de Bienne, regrette également la progression du dialecte alémanique, nuisible à la compréhension entre communautés linguistiques. Elle appelle les responsables alémaniques à prendre le problème au sérieux et à renoncer à privilégier l’anglais par rapport au français et à l’italien.

swissinfo et les agences

En 2000, 63,7% des personnes résidant en Suisse pratiquent l’allemand comme langue principale, contre 63,6% en 1990.
20,4% parlent d’abord le français, contre 19,2% en 1990.
6,5% parlent d’abord l’italien, contre 7,6% en 1990
Le romanche n’est plus la langue principale que de 0,5% des Suisses, contre 0,6% en 1990.
En 2000 encore, 16,6% des personnes résidant en Suisse parlent une langue étrangère, contre 13% en 1990.

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