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Une âme russe bien traduite

La fille Ira est interprétée par l'excellente Julia Batinova (photo tirée du site). photo tirée du site

Présenté à Locarno dans la section 'Cinéastes du présent', «La Traductrice» est aujourd'hui à l'affiche des salles romandes.

Réalisé par Elena Hazanov, une jeune femme russo-suisse, ce long métrage cache sous des allures de thriller une recherche identitiare troublante.

De l’enquête judiciaire à la quête des origines il n’y a qu’un pas qu’Elena Hazanov franchit sans peine dans son dernier film «La Traductrice».

Tout commence par un dîner bien arrosé dont le rythme syncopé annonce les embrouilles à venir et s’en va titiller un instant Tchekhov. Tchekhov et son joyeux désenchantement qui aimante souvent les confrontations familiales.

On parle beaucoup russe dans «La Traductrice». On y boit aussi de la vodka – forcément – à l’occasion d’un repas d’anniversaire qui réunit parents et amis.

La jeune Ira et sa mère reçoivent donc chez elles, dans leur appartement genevois. Leur Russie natale, elles ne l’ont pas oubliée, d’autant qu’elles y ont laissé un mari et un père qu’Ira croit mort. C’est en tout cas ce que sa mère lui laisse entendre.

Une trame policière

Sur cette soirée, flotte donc un petit air de nostalgie emmené par Oleg, un Russe massif au sourire carnassier, fraîchement débarqué à Genève.

L’alcool aidant, les aigreurs se diluent. Et voilà qu’Oleg drague la mère et propose à sa fille, quelque peu diaphane, un boulot terre à terre: Ira servira de traductrice à un certain Ivan Tashkov, un Russe arrêté à Genève par les autorités suisses qui le soupçonnent d’activités mafieuses.

Une trame policière, donc, sur laquelle Elena Hazanov greffe une recherche identitaire des plus justes et des plus angoissantes.

Elle-même Russe, la cinéaste (29 ans), établie depuis plusieurs années en Suisse, porte à l’écran une partie de sa vie. A la fin des années 1990, elle a travaillé comme traductrice pour l’avocat genevois de Sergueï Mikhaïlov, arrêté à Genève pour blanchiment d’argent, puis libéré.

Un chuchotement subtil

A l’époque, l’affaire avait fait beaucoup de bruit. A l’écran, il en reste un chuchotement, tant le film est subtil dans la narration de la douleur. Elena Hazanov s’éloigne du fait divers pour ne garder que la part obscure des désirs qui agitent, d’un côté, le clan des mafieux, et de l’autre celui des deux femmes tiraillées entre deux cultures.

La mère (Elena Safonova, très classe) est projectionniste. Le cinéma semble lui offrir l’occasion d’une échappée par le rêve. Quant à sa fille Ira, incarnée par l’excellente Julia Batinova, elle est tout simplement bouleversante.

D’abord âme solitaire, elle passe son temps à parcourir la rade de Genève à bord d’une Mouette, îlot de paix pour une jeune fille qui croit encore que la vie est une promenade au cours paisible. C’est à son corps défendant qu’elle apprendra par la suite à biffer d’un coup, parfois bas, ses illusions d’enfant.

Comme son personnage, Julia Batinova est une immigrée. Elle est arrivée à Genève il y a une dizaine d’années. Elle avait à peine 20 ans. Elle y a suivi des cours d’art dramatique au Conservatoire. Puis elle est montée sur les planches romandes avant de tourner pour le cinéma et de trouver avec «La Traductrice» un rôle taillé pour elle.

Le film a été présenté l’an dernier à Locarno dans la section ‘Cinéastes du présent’. Il était alors passé inaperçu. A croire que parfois les grands rendez-vous laissent le soin au public de reconnaître les jeunes talents.

swissinfo, Ghania Adamo

Elena Hazanov est née à Moscou, en Russie le 1er Juin 1977.

A l’âge de 12 ans, elle arrive avec sa famille en Suisse, à Genève.

Après avoir passé le baccalauréat, elle part pendant plusieurs mois aux Etats Unis, dans le Maine, où elle suit les cours d’Ecriture de Scénario et de Direction d’Acteurs au Film and Television Workshop à Rockport.

Stages d’écriture de Pico Bercowitch à Genève et stage d’écriture de scénario de Roberto McKee.

Assistante de réalisation sur des tournages de longs et courts métrages

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