Des perspectives suisses en 10 langues

Une aventurière relance le club suisse à Beyrouth

Astrid Fischer, dans son bureau de Jounieh, cité côtière à une vingtaine de kilomètres au nord de Beyrouth. swissinfo.ch

Relégué aux oubliettes durant 30 ans pour cause de guerre civile et d'occupation syrienne, le Club suisse vient de renaître de ses cendres à Beyrouth. A sa tête, Astrid Fischer, une passionnée tombée amoureuse du Liban aux pires heures de la guerre civile. Trajectoire.

Passions, risques et aventures, coups de foudre et de cœur, la vie d’Astrid Fischer est un roman. Soleuroise de père et jurassienne de mère, ce petit bout de femme à la cinquantaine flamboyante vient de lancer à Beyrouth « Les amis de la Suisse », un club qui avait connu une première mouture par le passé mais dont la guerre avait sonné le glas dès 1975.

Aujourd’hui, la nouvelle société ambitionne de devenir une vitrine culturelle de la Suisse. Concerts, expositions, projections de films, conférences, excursions et randonnées permettront aux Libanais de mieux connaître notre pays et de raffermir les liens entre les deux peuples.

Lancé à l’instigation du consul de Suisse Mauro Gobbo, et avec le soutien actif de l’ambassadeur suisse François Barras, «le plus dynamique des ambassadeurs que j’ai connu depuis 18 ans au Liban», insiste Astrid, le Club envisage même à terme d’organiser des échanges d’enfants entre des familles suisses et libanaises durant les vacances. Un projet des plus ambitieux donc, mais il n’en fallait pas moins pour intéresser Astrid Fischer.

Rêves d’aventure

C’est que la libano-suisse n’en est pas à son coup d’essai en termes de défis. Curieuse et passionnée, Astrid Fischer est tombée sous le charme du Pays du Cèdre en 1979 alors qu’il s’enfonçait toujours plus profondément dans une guerre commencée 4 ans plus tôt.

«Je venais de terminer mes études de lettres et mon école de recrue dans le repérage d’avions, raconte Astrid. Je rêvais d’aventure et j’ai vu une annonce de la compagnie d’aviation libanaise Middle East qui cherchait des hôtesses.» Peu impressionnée par l’écho des combats qui ensanglantaient déjà Beyrouth, Astrid se jette alors sur l’occasion au grand dam de son entourage.

Baptême du feu

Elle connaît son baptême du feu dès la première année à Beyrouth-Ouest, dans un hôtel Beaurivage subitement noyé dans les combats. Les trois années qui suivent se passent toutefois sans trop d’encombres jusqu’à l’invasion israélienne de 1982 et son cortège d’horreurs.

«J’ai pensé à ce moment-là que j’avais peut-être un peu trop tenté ma chance et j’ai quitté la MEA pour entrer chez Swissair, raconte Astrid. Mais au fond de moi je savais que c’est au Liban que je voulais vivre.»

Abonnée aux longs courriers vers le Moyen-Orient, Astrid vit alors une décennie de rêve au sein de Swissair. «Ce fut une époque formidable, s’enflamme-t-elle. Nous étions la meilleure compagnie du monde. Nous étions respectés pour cela et on le méritait. » Une pointe de tristesse dans la voix, elle confie éprouver encore « beaucoup de nostalgie » pour cette compagnie depuis son catastrophique « grounding».

Kidnapping

Les années passées chez Swissair lui permettent de s’offrir en 1989 une petite maison à Batroun, petite ville historique en bord de mer au nord de Beyrouth. Son destin libanais est désormais scellé. La même année pourtant, la guerre la rattrape d’une manière inattendue.

Alors que deux délégués du CICR sont enlevés à Saida, elle est elle-même kidnappée par une milice travaillant avec les services secrets syriens. « Ils m’accusaient d’espionnage au profit d’Israël et de trafic de drogue, se souvient Astrid, ça partait dans tous les sens et je ne savais pas ce qui m’arrivait. Ils menaçaient de m’envoyer dans un centre de torture si je n’avouais pas. »

Finalement, l’hôtesse de l’air est relâchée au bout de 10 jours d’enfer sans autre explication. Mais l’affaire est très médiatisée et, pour Swissair, plus question d’inscrire Astrid sur les vols à destination du Moyen-Orient. Lassée, elle donne donc sa démission et repart pour… le Liban où elle s’installe cette fois définitivement en 1990 alors que la guerre fait toujours rage.

Une succession de petits boulots dans l’enseignement lui permettent de vivre les premières années jusqu’à ce qu’elle trouve enfin sa place, en 1997, au Centre culturel allemand où elle travaille toujours. C’est aussi l’année où elle rencontre Ghassan, un général d’aviation libanais dont elle aura trois enfants.

En attendant le 1er août

Depuis lors, Astrid est aussi devenue la personne de contact de l’ambassade suisse pour le Nord Liban. En cas de problème, elle a donc pour mission d’accueillir les ressortissants helvétiques en difficultés. «Lors de la guerre de 2006, précise-t-elle, c’est surtout ma collègue du Sud qui a été mise à forte contribution.»

Pianiste émérite, elle veut pour l’heure donner une composante musicale importante aux activités du Club qu’elle préside désormais et qui organise mercredi soir le concert d’un quartette libano-suisse à Beyrouth pour célébrer sa naissance.

Parallèlement, Astrid planche déjà sur l’organisation des festivités du 1er août prochain. Reste à espérer qu’en ce Liban à l’avenir encore incertain, cette deuxième mouture des «Amis de la Suisse» ne sera pas elle aussi reléguée aux oubliettes à la force du canon.

swissinfo, Pierre Vaudan, Beyrouth

La création du Club «Les amis de la Suisse» intervient dans un climat encore tendu au Liban.

Le mois passé, des combats intenses ont opposés durant une semaine les miliciens du parti chiite Hezbollah, et de son allié Amal, aux paramilitaires pro-gouvernementaux du sunnite Saad Hariri.

Les affrontements, qui ont fait une soixantaine de morts, ont même gagné le Chouf du leader druze Walid Joumblatt.

Au terme de cette flambée de violence, les responsables libanais ont finalement conclu un accord au Qatar, à Doha, qui a permis l’élection, le 25 mai dernier, du général Michel Sleiman à la présidence alors que le poste était vacant depuis 5 mois.

Les 21 juin et 22 juin 2008, des combats très localisés ont encore éclaté à Tripoli entre des paramilitaires sunnites et les Alaouites d’un quartier voisin.

Quelque 800 Suisses vivent actuellement au Liban.

Hormis le Club créé par Astrid Fischer, il existe aussi à Beyrouth le Swiss Business Council Lebanon, sorte de chambre de commerce qui regroupe une septantaine de membres.

La présence helvétique au Pays du Cèdre est bien sûr complétée par les activités de l’Ambassade proprement dite.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision