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«Dois-je peindre ou écrire?»

Les toilettes chez Friedrich Dürrenmatt, appelées la "Chapelle Sixtine". www.cdn.ch

Ouverture du Centre Dürrenmatt, ce week-end à Neuchâtel. Friedrich Dürrenmatt est sans conteste l´un des écrivains majeurs du 20e siècle helvétique. Mais à côté du mot, l´image tenait également une grande place dans sa vie.

Il y a le dramaturge: «Les fous de Dieu», «Romulus le Grand», «Les physiciens», «Achterloo» ou bien sûr «La visite de la vieille dame». Mélange de comédie et de tragédie, projection grotesque du monde, où le quotidien prosaïque se prend à tutoyer les cieux.

Il y a le romancier, qui dissimule ses interrogations existentielles derrière l’habit du polar: «Le Juge et son Bourreau», «Le Soupçon»… Et l’essayiste qui, avec notamment «Stoffe, Labyrinth» et «Turmbau», donne chair à ses réflexions sur la connaissance, les sciences, la philosophie de l’existence…

Dans une lettre adressée à son père, alors qu’il entamait ses études, le jeune Dürrenmatt avait écrit cela: «Il ne s’agit pas de décider si je vais devenir un artiste ou non, car cela ne se décide pas, on le devient par nécessité. […] Pour moi, le problème est ailleurs. Dois-je peindre ou écrire? Je me sens appelé par les deux».

A ce double appel, il répondra tout au long de sa vie: «Par rapport à mes œuvres littéraires, mes dessins ne sont pas un travail annexe, mais des champs de bataille, faits de traits et de couleurs, où se jouent mes combats, mes aventures, mes expériences et mes défaites d’écrivain » écrit-il en introduction au premier volume illustré de ses œuvres.

Les techniques qu’il emploie sont multiples. Le dessin à la plume est la plus immédiate, la plus spontanée, celle qui, lorsqu’il se trouve à son bureau, lui permet de passer rapidement des mots à l’image. Des thèmes religieux, historiques et mythologiques parcourent ses dessins, comme ils parcourent ses toiles, surtout des huiles et des gouaches, aux couleurs vives.

Et puis il y a également la caricature, un genre qu’il a abordé très tôt, et la lithographie, à laquelle il s’est au contraire intéressé à la fin de sa vie, se lançant dans de vastes séries: «Soliloque», «Prométhée en train de façonner l’homme», «Les noces de Cana»…

Tiraillé entre la terre et le ciel, mélangeant avec génie ses préoccupations profondes et un sens réel de l’humour, Dürrenmatt aimait également peindre les pièces dans lesquelles il séjournait… Que ce soit sa mansarde d’étudiant à Berne, ou, plus tard à Neuchâtel, les toilettes de sa maison. Un lieu que l’artiste et sa famille désigneront ensuite du joli nom de «Chapelle Sixtine». L’un des buts du Centre Dürrenmatt étant de réunir l’ensemble de l’œuvre peinte et dessinée de l’écrivain, cette fresque aussi étonnante qu’unique fait partie intégrante des salles d’exposition du Centre.

Bernard Léchot

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