Des perspectives suisses en 10 langues

«Le bilinguisme à l’école, c’est un peu compliqué»

Martine Brunschwig Graf, directrice de l'enseignement genevois, donne la priorité à l'apprentissage des langues nationales.

Trois questions à celle qui est aussi vice-présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de l’Instruction publique.

swissinfo: Il existe des écoles privées bilingues français-allemand et français-anglais. Ce bilinguisme-là a-t-il un avenir dans l’enseignement public?

Martine Brunschwig Graf: Le bilinguisme à l’école, c’est un peu compliqué. Actuellement à Genève, une bonne partie des élèves (plus de 40%) font de l’immersion linguistique toute la journée.

Leur première langue n’est pas le français. Toute leur vie ils apprennent dans une autre langue que la leur. Pour eux, d’une certaine façon, c’est déjà du bilinguisme.

Nous prévoyons des enseignements bilingues pour la maturité gymnasiale, en anglais et bientôt en allemand dès la rentrée 2003, et ça va fonctionner.

A l’école primaire, les expériences sont plus mitigées dès lors qu’il s’agit d’apprendre une autre discipline dans une langue étrangère. Zurich a tenté l’exercice, le résultat est mi-figue mi-raisin. Cela nous rend assez prudents.

Vu que la langue maternelle de bon nombre de jeunes écoliers genevois est le portugais, l’italien ou l’espagnol, comment prendre en compte cette diversité linguistique?

M. B G.: Cela nous donne plus d’obligations que nous devons également appliquer plus tôt. Concrètement, cela veut dire qu’il faut agir dès que l’élève arrive à l’école, de manière à lui faciliter l’acquisition de la langue française.

Jusqu’à présent, nous avions des structures d’accueil à partir de la deuxième année primaire. Il faudrait les avoir dès l’école enfantine. J’ai donc demandé qu’on développe cette stratégie.

Car plus vite les enfants peuvent maîtriser le français, plus vite ils sont à l’aise dans leur apprentissage. Sans cette maîtrise, ils n’arriveront pas à progresser dans les autres disciplines.

Si vous regardez au-delà des frontières suisses, que vous inspirent les pratiques des pays voisins?

M. B G.: L’Union européenne dit qu’il faut privilégier la langue du voisin. Si en Suisse on décide de commencer par l’anglais plutôt que par une langue nationale, on ne respecte donc pas ce que disent les Européens.

Par ailleurs, si j’étais de langue maternelle anglaise, je serais révoltée par ce qu’on est en train de faire avec cette langue. Chacun croit que l’anglais est facile à apprendre et triturable à merci.

Cela devient une sorte de langage courant à l’usage de tout le monde, mais ça n’a plus grand-chose à voir avec la qualité de la langue anglaise. Je pense que c’est aussi une façon de tuer les langues sans s’en apercevoir.

swissinfo/Propos recueillis par Bernard Weissbrodt

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