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«Maître» Bernhard balayé par un souffle comique

L'humour d'un Autrichien vu par des Belges. (photo: Thomas Walgrave) Thomas Walgrave.

Invité pour la première fois en Suisse romande, le collectif belge tg STAN joue à Genève la pièce de Thomas Bernhard.

L’écrivain autrichien est ici très bien servi par des acteurs que les scènes européennes s’arrachent pour leur humour subversif.

Paradoxe heureux: la déflagration est au cœur de ce spectacle au titre apaisant: «Tout est calme (Maître)». On aurait dit la représentation balayée par un souffle comique qui déclenche, par vagues, le rire du public.

Ce rire-là, c’est le propre de l’homme Thomas Bernhard qui, dans la vie, savait amuser son entourage avec des histoires très drôles. Pourtant, l’écrivain qu’il fut a la réputation d’un imprécateur insupportable qui excelle dans la diatribe.

Une société vaniteuse

Sa cible première: l’Autriche, son pays natal, qu’il considérait comme lâche et insipide. Vient ensuite la société dans son ensemble, vaniteuse, stupide, hypocrite.

Bref, personne ne trouve grâce aux yeux de cet Autrichien misanthrope qui pratiquait l’art de «faire naître la comédie de la tragédie».

C’est aussi à cet art-là que se livrent, avec beaucoup d’efficacité, les comédiens belges de tg STAN. Lesquels avancent sans crainte sur le terrain miné du comique.

Ils font salle comble au Théàtre Saint-Gervais, à Genève, où ils jouent «Tout est calme (Maîte)», pièce de Bernhard parue sous le titre «Maître».

Dans les Préalpes allemandes, Moritz Meister, écrivain qui vient d’achever son grand oeuvre La Tétralogie, reçoit en compagnie de sa femme la visite d’une étudiante.

Celle-ci prépare un doctorat et veut interroger le Maître sur son travail. Soit, donc, une conversation à trois dont la teneur littéraire et historique tourne vite à la mascarade.

Fondée en Flandre à la fin des années 1980, tg STAN, qui se produit pour la première fois en Suisse romande, a sillonné l’Europe, toujours accompagnée d’une excellente réputation.

Cette compagnie atypique, ou plutôt typiquement flamande par sa capacité à marier ludisme et surréalisme, travaille sans metteur en scène attitré. Sans répétitions non plus – au sens conventionnel du terme.

Un souffleur dans le spectacle

D’où, sans doute, la présence dans ses spectacles d’un souffleur qui est sa marque de fabrique. Ce dernier joue le rôle à la fois symbolique et insolite d’aiguilleur. Il est chargé de remettre sur les rails les comédiens toujours au bord de la rupture, du mot incongru, du geste qui dérape.

On a ainsi le sentiment que le spectacle est constamment en équilibre précaire. Qu’il balance entre gravité et frivolité.

Sentiment accru par la douceur d’une atmosphère tchékhovienne (intérieur bourgeois sur fond de campagne idyllique) que semble irriguer la veine caricaturale d’un Hergé.

Moritz Meister (Damiaan De Schrijver) ressemble cruellement au professeur Tournesol, version tg STAN.

swissinfo, Ghania Adamo

«Tout est calme (Maître)». Genève, Théâtre Saint-Gervais; jusqu’au 10 avril. Tel: 022 908 20 20

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