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«Sainte Jeanne» entre Robinson et Tintin

Barbara Tobola dans le rôle de Sainte Jeanne. SP

A la Comédie de Genève qu'elle dirige, Anne Bisang crée la pièce de l'écrivain irlandais Bernard Shaw.

La metteuse en scène édulcore la témérité de la Pucelle d’Orléans en donnant à ses opposants des allures de fantoches.

Telle que vue par Anne Bisang, «Sainte Jeanne» de Bernard Shaw, centrée sur le procès de la Pucelle d’Orléans, échappe au Moyen-Age.

Son ancrage se fait dans les temps modernes où les pouvoirs spirituel et temporel, aveuglés par leur fanatisme, se confondent avec quelques figures de l’actualité. Ou encore avec des icônes sorties de l’imaginaire collectif et des albums de bande dessinée.

Théâtralisés jusqu’à plus soif, les détracteurs de Jeanne dévoilent au public leurs visages de dignitaires grotesques.

Etrange galerie

Le dauphin (futur Charles VII) est un Robinson lunaire; l’archevêque de Reims, une fée carabosse affublée de son légendaire balai; le capitaine La Hire, un Tintin avant l’heure; et l’évêque Cauchon – qui porte si bien son nom – un mollah en noir dont le crâne s’écrase sous un bonnet blanc.

Quant aux aristocrates et prélats anglais, ennemis mortels de la France, ils ont l’allure de mafieux qu’aucun Parrain n’aurait renié.

Face à tout ce monde, Jeanne (Barbara Tobola) agit en femme téméraire dont la lutte va, tel un nénuphar, prendre racine dans des fonds quelque peu brechtiens.

C’est du moins le profil qu’en donne Shaw. Lequel montre le passage de son héroïne de la candeur naïve à la maturité combative. Transformation qui s’accomplit au sein d’une société profondément intolérante.

Tragédie bouffonne

Le malaise que cette société provoque est toutefois moins lié à son intolérance qu’à sa capacité de manipulation idéologique. Ce qui rend le combat de Jeanne d’autant plus difficile. «Je suis un soldat. Je ne veux pas qu’on pense à moi comme à une femme», dit-elle.

Soit. Pourtant, cette figure de guerrière libre s’estompe petit à petit dans le spectacle. Sa quête de liberté perd de sa force. Et son drame devient une tragédie bouffonne.

Pourrait-il en être autrement quand ses opposants sont des contempteurs de pacotille offrant leur résistance de polichinelles à celle qui sur scène n’est plus, hélas, qu’une aventurière de plus?

swissinfo, Ghania Adamo

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