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«Six personnages en quête d’auteur»

Le jeune metteur en scène Emmanuel Demarcy-Mota (image tirée du site)

Cette pièce de théâtre de Luigi Pirandello est donnée à la Comédie de Genève. Très belle performance d'acteurs.

«L’enfer c’est les autres» disait Jean-Paul Sartre, prolongeant en cela l’idée de l’auteur sicilien Luigi Pirandello. Lequel a montré dans plusieurs de ses pièces que l’enfer c’est aussi d’être condamné par les autres à revivre sans cesse un instant qu’on ne peut plus modifier.

Aujourd’hui, lorsqu’un drame advient dans la vie d’un individu, on lui recommande, s’il ne parvient pas à s’en sortir, un psychanalyste qui lui ferait évacuer ce drame-là. En sera-t-il forcément guéri? Pas sûr.

Dans «Six personnages en quête d’auteur», donné à la Comédie de Genève dans la très belle mise en scène du Français Emmanuel Demarcy-Mota (31 ans), il n’y a pas de psy. Mais c’est tout comme. Jugez-en plutôt par la fable qui met en abyme le théâtre pour mieux dépeindre des êtres penchés sur leurs propres abîmes.

Un enfer

Des comédiens sont donc en train de répéter, sous la houlette d’un directeur (Alain Libolt), une pièce de théâtre. Surgissent sur le plateau six personnages à la recherche d’un auteur capable de mettre en scène leur drame. Autrement dit, de dissoudre leur tragique réalité dans le jeu.

Le directeur et ses comédiens finissent par céder aux six personnages qui sont en fait les membres d’une même famille traumatisée, entre autres, par un viol que le père (Hugues Quester, impressionnant) a jadis tenté de pratiquer sur sa propre fille (Valérie Dashwood).

Le viol constitue le point focal de la pièce, car c’est lui qui induit l’idée d’enfer. Un enfer que subit le père condamné involontairement par sa fille à revivre son acte déshonorant. Qui donc l’aidera à s’en libérer? A cette question Emmanuel Demarcy répond par un spectacle qui baigne dans une atmosphère fantasmagorique, comme pour dire que l’évacuation d’un drame est une hallucination.

Harmonie et dissonance

L’interprétation de ses acteurs atteint à une fluidité que l’on pourrait considérer comme une harmonie de la dissonance. Scènes pseudo-réalistes et théâtre d’ombres se télescopent donnant le vertige d’une comédie de la vie où tout est faux car tout est jeu.

Le directeur et ses comédiens censés jouer la scène du viol s’avèrent être des «psychanalystes» maladroits parvenant difficilement à délivrer de son trauma le père; qui reste «éternellement suspendu» à cette «minute honteuse» de sa vie.

Ghania Adamo

«Six personnages en quête d’auteur», à la Comédie de Genève; jusqu’au 24 novembre. Tel: 022/320 50 01

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