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«Un fédéralisme miniaturisé à l’extrême»

La couverture de l’ouvrage de Hansjörg Blöchliger. nzz-buchverlag.ch

Pour les milieux économiques, le fédéralisme à la mode helvétique entrave le développement économique. Ils appellent à une réforme.

«Avenir Suisse» lance le débat avec un livre: «Le fédéralisme en chantier». swissinfo a rencontré son auteur, Hansjörg Blöchliger.

Le fédéralisme était jusqu’à présent vu comme un système pourvu de grandes vertus, notamment parce qu’il permet aux minorités de s’exprimer et parce qu’il est proche des citoyens.

Mais, en multipliant les pouvoirs de décision, ce même fédéralisme peut aussi se révéler être un frein au développement. En effet, les structures décisionnelles sont bien plus nombreuses que les zones de développement économique.

Hansjörg Blöchliger rappelle que plus de 80% des richesses du pays sont produites dans six grandes régions métropolitaines (Genève, Lausanne, Berne, Bâle, Zurich, Tessin). Pour lui, ces régions devraient donc à l’avenir disposer de compétences aujourd’hui dévolues aux cantons.

swissinfo: Que reprochez-vous au fédéralisme tel qu’il est aujourd’hui vécu en Suisse?

Hansjörg Blöchliger: Nous vivons un fédéralisme miniaturisé à l’extrême. La Suisse est très décentralisée, mais elle est aussi très fragmentée dans le sens où ses unités territoriales sont de taille très petite.

Or la vie économique se situe aujourd’hui dans un cadre beaucoup plus large. Au cours des dernières décennies, les grandes régions métropolitaines ont énormément grandi, non seulement en Suisse mais également à l’étranger.

Le problème, c’est que la structure économique ne correspond plus du tout à la structure politique.

swissinfo: Zurich est un très bon exemple. La zone économique zurichoise déborde très largement du cadre du seul canton de Zurich.

H.B.: C’est juste, mais Zurich ne représente même pas le meilleur exemple. L’exemple le plus frappant est celui de la région de Bâle.

Cette région regroupe sept ou huit cantons et trois pays (Suisse, France et Allemagne). Vous avez donc une région économique très intégrée, mais composée de cantons qui ont tous leur propre économie et leur propre stratégie qui ne correspond pas forcément à la stratégie de la région métropolitaine.

swissinfo : Quelles pistes préconisez-vous pour améliorer cette situation?

H.B. : Il y a différentes pistes. Nous avons déjà commencé à suivre la première avec la nouvelle péréquation financière acceptée en votation en novembre dernier. Il s’agit d’une réforme très importante des relations financières entre la Confédération et les cantons.

Une deuxième piste très importante est celle de la réforme territoriale. Il ne s’agit pas forcément de fusions de cantons, car de telles fusions ne correspondent pas forcément à ces régions fonctionnelles économiques.

L’idée serait d’avoir des régions politiques fonctionnelles qui correspondraient plus ou moins aux régions fonctionnelles économiques. La région métropolitaine de Zurich aurait des institutions telles qu’elles existent déjà aujourd’hui au niveau cantonal et communal.

Une telle politique irait beaucoup plus loin que les actuels concordats passés entre les cantons ou la collaboration entre les communes.

swissinfo: Le fédéralisme est un point très sensible de la politique suisse. Le réformer n’est pas une mince affaire…

H.B.: Effectivement, réformer le fédéralisme est une tâche de longue haleine. Une réforme de la territorialité peut prendre 10, 20 ou même 50 ans.

Mais il existe des réformes qui pourraient se faire beaucoup plus rapidement. Je pense surtout à la réforme du marché intérieur.

Car rappelons que le problème, ce n’est pas seulement que ces unités territoriales sont trop petites. Le problème, c’est aussi qu’elles sont trop repliées sur elles-mêmes. En Suisse, il n’existe pas de marché intérieur comme c’est le cas dans l’Union européenne.

Il faut donc une réforme qui permette d’ouvrir complètement le marché intérieur, qui garantisse à tout Suisse le libre accès à toutes les infrastructures et à tous les services publics du pays.

swissinfo: A vos yeux, le fédéralisme peut donc être discriminant?

H.B.: Le fédéralisme suisse tel qu’il se présente aujourd’hui est parfois extrêmement discriminant. Ce n’est pas seulement la question de la reconnaissance mutuelle des formations, mais surtout du droit d’accès aux services publics.

Un citoyen n’est par exemple pas libre de choisir l’hôpital dans lequel il veut être soigné. Il est obligé de se rendre dans un hôpital de son canton. Un habitant du Tessin ne peut ainsi pas être soigné à Zurich.

C’est toute la question des droits individuels par rapport aux droits collectifs d’un canton.

swissinfo: Quel est votre but en publiant ce livre?

H.B: Le but est clairement de lancer le débat. Un but plus spécifique est d’illustrer avec un grand nombre de statistiques le problème du fédéralisme suisse.

Mais le problème des zones métropolitaines fragmentées n’est pas propre à la Suisse. Ce livre montre également ce que d’autres pays, comme le Canada, la France ou la Finlande, ont fait pour le résoudre.

Interview swissinfo, Olivier Pauchard

L’auteur, Hansjörg Blöchliger, fait partie de l’Institut de recherches économiques BAK à Bâle
Edité par Avenir Suisse et Verlag Neue Zürcher Zeitung, son livre «Baustelle Föderalismus» n’existe qu’en allemand
Cet ouvrage de 416 pages coûte 58 francs
Il est disponible en librairie ou peut être commandé à l’adresse www.nzz-buchverlag.ch

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