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A l’école de Peter Baumgartner

Peter Baumgartner, du journalisme à l'aide au développement. swissinfo.ch

Correspondant en Afrique pendant dix ans pour le quotidien alémanqiue «Tages Anzeiger», Peter Baumgartner dirige aujourd'hui une école au cœur des bidonvilles de Nairobi au Kenya.

Fort de son expérience, l’ancien journaliste pose un regard sobre et réaliste sur le contexte africain. Mais pour autant, il ne jette pas l’éponge.

«Je refuse que les enfants de l’école chantent et dansent devant des touristes blancs. Ils l’ont fait pour le président de la Confédération mais, il s’agissait d’une exception», précise Peter Baumgartner, directeur de Gentiana Primary School.

Comme d’autres confrères formés à la «vieille école», Peter Baumgartner n’a pas sa langue dans sa poche. Le journaliste aime dire à haute voix ce qu’il pense et apprécie les formules percutantes.

275 enfants

Suite à la visite de Moritz Leuenberger, l’école qu’il dirige a eu les honneurs de la presse helvétique. La ‘Gentiana Primary School’, située dans l’un des plus grands bidonvilles de Nairobi, la zone de Kawangare, accueille actuellement 275 enfants.

Après ses études en Science politique à l’Université de Zurich, Peter Baumgartner a consacré sa vie professionnelle au journalisme. «L’idée de changer le monde a toujours été au centre de mes préoccupations. Je suis favorable à un journalisme d’opinion, qui ose prendre position.»

«Par contre, j’apprécie beaucoup moins le nombrilisme journalistique. D’ailleurs, je crois pouvoir affirmer n’avoir jamais rédigé de texte conjugué à la première personne, au cours de ma carrière », lance le journaliste alémanique.

L’espace d’un instant, il épie son interlocuteur du coin du regard. Ses yeux semblent scruter l’effet produit par ses paroles. Peut-être tente-il de comprendre si il se trouve précisément face à l’un de ces journalistes «nombrilistes».

Vert avant l’heure

Pendant des années, Peter Baumgartner a été chargé de la politique nationale au «Tages Anzeiger», en accordant une attention particulière aux questions environnementales.

Dans les années ’80, son travail l’avait conduit à suivre au plus près les péripéties des activistes environnementalistes qui s’opposaient aux grands projets hydroélectriques prévus dans les vallées alpines.

«Il y avait des gens extraordinaires parmi ces groupes », se souvient Peter Baumgartner.

Des Alpes à…l’Afrique

D’ailleurs, les Alpes reviennent souvent dans ses propos. Elles permettent à l’ex journaliste d’établir une série d’analogies pour expliquer la réalité africaine. Et, c’est aux Alpes encore que l’école de Nairobi doit son nom.

Des posters du glacier d’Aletsch sont accrochés sur plusieurs parois de la ‘Gentiana Primary School’. Peut-être y a-t-il un lien entre le caractère de l’ancien journaliste et la rudesse du paysage montagnard.

Jusque dans les années nonante, la carrière journalistique de Peter Baumgartner semblait destinée à rester confinée à l’actualité nationale. Mais, des conflits avec la rédaction de son journal l’ont conduit à proposer sa candidature pour un poste de correspondant à l’étranger.

Les atrocités au Rwanda

«J’étais attiré par l’Amérique latine, et en particulier à ses mouvements de libération mais, le poste n’était pas disponible. C’est ainsi que je suis parti pour l’Afrique », raconte-t-il.

Peter Baumgartner a posé le pied sur le continent africain en mars 1994. Peu après, le 8 avril, il se trouvait déjà au Rwanda où se déroulait le terrible génocide qui avait mis à sang le pays.

«Aujourd’hui encore, j’éprouve beaucoup de difficulté à me rendre dans ce pays et je suis toujours soulagé lorsque je le quitte. Le souvenir des atrocités qui y ont eu lieu est trop violent», se souvient-il.

Pendant dix ans et jusqu’au seuil de la retraite en 2005, le reporter a parcouru le continent noir en long et en large. Et, parmi la quantité d’articles rédigéd, il y en a un, publié dans la revue ‘Wendekreis’, qui parlait précisément d’une école fondée en 1994 par un groupe de femmes de Kawangware.

« Suite à la parution du papier, certaines personnes ont envoyé des dons. Cela m’a poussé à faire quelque chose à mon tour», dit Peter Baumgartner. Et, en 1996, il devenait responsable de ce même institut scolaire.

Au cœur des bidonvilles

Au début, l’école louait des baraquements de tôle. Depuis le 9 juillet 2006, elle a trouvé un nouvel emplacement, dans un complexe d’édifices construits grâce aux dons d’une association suisse.

Aujourd’hui, la ‘Gentiana Primary School’ attache toujours plus d’importance aux enfants frappés par des difficultés d’apprentissage. Non sans succès, à en croire les instituteurs engagés par l’institut.

« L’enseignement au Kenya suit un modèle très traditionnel. Le maître d’école dit une chose et la classe la répète », explique Peter Baumgartner. Dans son école, les classes sont plus petites et les enfants travaillent en groupe. Chaque semaine, les enseignants et les écoliers discutent ensemble pour aborder les problèmes vécus en classe.

Pas de préjugés

Suivant son esprit critique et son tempérament rebelle, Peter Baumgartner accorde une grande attention à tout ce qui peut stimuler la liberté d’opinion des membres de son l’école. «J’ai beaucoup travaillé pour faire en sorte que les instituteurs s’autorisent à me contredire », tient-il à souligner.

A terme, Peter Baumgartner sait qu’il quittera Nairobi pour revenir en Suisse. Des dix années passées sur le continent africain, il a hérité un certain scepticisme quant à la société africaine et, il craint pour l’avenir de l’école.

«Mais, je ne partage pas les préjugés qui ont récemment ponctué le débat en Suisse sur l’aide au développement. L’Afrique a surtout besoin d’investissements afin de créer des emplois ».

swissinfo, Andrea Tognina, Nairobi
(Traduction de l’italien: Nicole Della Pietra)

Près de 275 élèves fréquentent actuellement cet établissement. L’école emploie 13 instituteurs, un concierge, deux gardiens de nuit et deux cuisinières.

Grâce à l’aide fournie par l’Ambassade suisse de Nairobi, l’école est parvenue à financer la formation des enseignants, tous titulaires d’un diplôme.

En plus du programme d’enseignement en tant que tel, l’école propose plusieurs services sociaux, parmi lesquels le soutien aux familles en difficulté qui accueillent des orphelins de parents décédés des suites du Sida.

L’institut accorde aussi des bourses d’étude à ces enfants, lorsqu’ils accèdent au degré secondaire. De plus, l’école propose un service de conseil pour les cas difficiles ainsi qu’un programme d’apprentissage spécial pour les élèves qui ne parviennent pas à franchir le cap du niveau secondaire.

Près de 770 citoyens suisses sont enregistrés auprès de l’Ambassade suisse à Nairobi.

La communauté helvétique se réparti en trois groupes, selon les explications de l’attaché d’affaires de l’Ambassade, Arthur Matti. Il s’agit des représentants de l’économie, du personnel rattaché aux ONG et des retraités, installés pour la majeure partie, le long de la côte.

L’Ambassade suisse est responsable d’autres territoires. Il s’agit de l’Ouganda, du Burundi, du Ruanda, de la Somalie et des Seychelles. De plus, elle représente la Suisse auprès des agences des Nations Unies de Nairobi.

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