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A Sierre, le monde version Ceppi

Ceppi devant ses oeuvres. swissinfo.ch

Le Centre suisse de la BD consacre une exposition au scénariste et dessinateur genevois Daniel Ceppi. 30 ans ou presque de 9e Art en prise avec la planète.

«Oui, il y a trente ans de boulot, là!» constate Ceppi, songeur. Et de se réjouir qu’en l’occurrence, l’exposition soit constituée d’originaux et non de copies: «c’est rare, car il y a peu de gens qui veulent engager des frais d’assurances… Là, ce sont des originaux, et c’est marrant de voir l’évolution de mon travail!»

«Le Guêpier», premier tome des «Aventures de Stéphane Clément» est paru en 1977. Daniel Ceppi, alors graphiste, y avait travaillé plusieurs années auparavant. Encore fallait-il qu’un éditeur s’y intéressât. Les démarches furent nombreuses, mais Ceppi, chantre d’un récit à propos social, ne coïncidait pas, au début des années 70, avec les attentes des éditeurs d’alors. Mais sa patience paya.

Clément le voyageur

L’exposition sierroise suit tout le parcours de Ceppi. Et celle de Stéphane Clément, son personnage central. Du «Guêpier» à «L’or bleu», paru en 2001. De la Suisse, d’où s’enfuyait le jeune héros lors de sa première aventure, au Kurdistan ou à la Syrie, en passant par la Turquie, l’Inde, ou l’Irlande. Sans oublier Genève, puisque l’intrigue de «Vanina Business», le 12e tome, se déroulait dans la ville du bout du lac.

Intelligemment, les organisateurs ont placé nombre de photos prises par Ceppi lors de ses voyages de repérages à côté des dessins dont elles ont inspiré les décors. On peut donc s’amuser au jeu des dix erreurs, sans beaucoup de succès d’ailleurs: le dessin de Ceppi est précis, fidèle, quasiment journalistique, qu’il s’agisse d’une demeure abandonnée en Irlande, de la rue bruyante d’une métropole indienne ou d’un quai de la gare de Sierre.

Autres sources, visibles à Sierre: une maquette d’hélicoptère russe, dûment réalisée par le dessinateur («depuis gamin, j’ai toujours adoré faire des maquettes!» dit Ceppi), mais aussi des pochettes d’allumettes ou des billets de banque, qu’on retrouvera au gré des pages de ses albums. Et puis, ses «carnets de route»…

Les contrariétés du dessinateur

«Ce que je constate, c’est qu’au début, c’était beaucoup plus graphique que ce que je fais aujourd’hui. Parce qu’à l’époque, je manquais de moyens en tant que dessinateur. J’avais donc des difficultés, que j’arrivais à contrecarrer en mettant des noirs, ou des grandes ombres un peu partout!» s’amuse Ceppi.

Au fil des albums, sa patte s’est affirmée, les mouvements se sont fait plus fluides, les cases plus complexes. Cela voudrait-il dire que le Ceppi de 2002 n’a plus de problèmes en matière de dessin? Loin de là. Il admet peiner sur les mains et les pieds de ses personnages – comme de nombreux confrères ès BD, semble-t-il.

Autre source de contrariété pour le dessinateur genevois: les voitures. «Comme je fais des BD réalistes et que cela se passe en général en ville, il est évident qu’à chaque fois, je dois me taper des trams, des bagnoles, des trucs que je déteste dessiner. Mais je n’ai pas le choix, sinon, ce ne sera pas une ville!» constate-t-il en se moquant de son malheur. La solution serait d’engager un nègre, non? Réponse sans appel: «Je ne vais pas faire ça».

Quand le peintre préfère écrire…

Au hasard des salles, on s’arrête soudain devant de superbes aquarelles, chaudes. Et un magnifique fusain, illustrant quelques silhouettes dans une rue de Jogjakarta. «Comme il faut tout de même un an et demi pour faire un album, cela fait du bien de s’évader de temps en temps de ces petites cases pour travailler à l’aquarelle ou au fusain. C’est une liberté qui n’est pas négligeable», constate modestement Ceppi.

N’a-t-il jamais eu la tentation d’abandonner la BD pour privilégier la toile? «Non… parce qu’en fait, je préfère écrire que dessiner. Donc j’écris mes histoires, et je les dessine par nécessité. Mais avec plaisir aussi».

Ses qualités d’auteur, de scénariste préoccupé par la réalité géopolitique, c’est dans ses albums que vous les trouverez, tous édités – ou réédités aux Humanoïdes Associés. A Sierre, c’est le dessinateur qui retiendra votre attention. Et celui-là déjà vaut le détour.

Bernard Léchot

«Stéphane Clément, chroniques d’un voyageur», à voir au Centre suisse de la bande dessinée, Sierre, jusqu’au 12 avril.

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