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Aller-retour entre libertinage et calvinisme

Détail de la couverture de «Un été chez Voltaire». (Albin Michel)

Voltaire à Ferney, Rousseau à Genève. Par-delà la frontière, les deux écrivains s'observaient comme des chiens de faïence.

Jacques-Pierre Amette, prix Goncourt 2003, s’amuse de leur confrontation dans son dernier roman «Un été chez Voltaire», paru chez Albin Michel.

Voltaire contre Rousseau. L’inimitié des deux écrivains fit, en son temps, couler beaucoup d’encre. Le patriarche de Ferney n’aimait pas le citoyen de Genève, qui le lui rendait bien. Quelques kilomètres séparaient les deux hommes. Un échange de lettres assassines les unissait dans l’adversité.

C’est dans ces lettres que le Français Jacques-Pierre Amette a puisé, en partie, la matière de son dernier roman, «Un été chez Voltaire», paru ces jours-ci chez Albin Michel.

Libre et libertin

Juillet-Août 1761. Deux mois d’un été orageux qui composent et structurent les deux grands chapitres du roman. Caprices du ciel et tempêtes des cœurs s’y mêlent pour le meilleur et pour le pire. Voltaire est vieux, mais il aime la chair fraîche. L’écrivain reçoit dans son château de Ferney -où se déroule l’action- jeunes artistes et émissaires politiques.

L’année 1761 n’est pas à négliger non plus. Une date chaude pour la France. La guerre de Sept Ans bat son plein. Louis XV et son royaume perdent de leur influence dans le monde et laissent la Prusse jouer un rôle prééminent sur le théâtre européen.

Dans son petit théâtre de verdure, installé au cœur de son château, Voltaire répète, quant à lui, une tragédie polémique: «Le fanatisme ou Mahomet». Une charge contre l’Islam et les monothéismes.

C’est lui qui a écrit cette pièce et c’est lui qui la met en scène. Deux comédiennes italiennes sont à l’affiche. Deux beautés que Voltaire a engagées pour bien se rincer l’œil.

Sur fond de machinations politiques, donc, d’intrigues de cour et de cœur, se déroulent les répétitions de «Mahomet». Jacques-Pierre Amette en fait l’argument de son roman. Belle occasion pour lui de projeter dans notre époque les propos de Voltaire sur les turpitudes des fanatiques.

Aigri et fielleux

Belle occasion également de dresser le portrait -trop mou et léger à notre goût- d’un Encyclopédiste éclairé, d’un Voltaire libre et libertin, diamétralement opposé à son voisin Jean-Jacques Rousseau.

A deux pas de Ferney, Rousseau, «ce cornichon de philosophe suisse», triomphe avec son roman épistolaire «La Nouvelle Héloïse». L’écrivain genevois y prône l’amour, sans pouvoir ou savoir en jouir. Sa plume est trempée dans le fiel calviniste. Horreur: il veut la mort du théâtre et des comédiens.

Voltaire en prend ombrage. Son «Mahomet», trop musclé, déplaît. Alors que «La Nouvelle Héloïse» est un succès. Le Patriarche de Ferney bouillonne et tempête. Mais il sait également composer.

Et cela donne «Un été chez Voltaire» aussi ludique qu’orageux.

swissinfo, Ghania Adamo

Romancier, journaliste au Point et auteur dramatique, Jacques-Pierre Amette a reçu en 2003 le Prix Goncourt pour La Maîtresse de Brecht, traduit dans plus de vingt pays.

Il publie son premier roman à vingt-deux ans. Très vite, il est engagé à ‘La Nouvelle Revue française’ puis devient directeur de collection au Mercure de France quelques années plus tard. En 1972, il entre au ‘Point’.

Il écrit des pièces de théâtre pour la radio, des scénarios pour la télévision, mais c’est à ses talents de romancier qu’il doit ses plus grands succès. Parmi la vingtaine de romans qu’il a signés figure ‘La maîtresse de Brecht’, pour lequel il reçoit le Prix Goncourt en 2003.

«Un été chez Voltaire» de Jacques-Pierre Amette
Editions Albin Michel. 171 pages.

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