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Arrogants, les Français ? En Chine, pas tant que ça

Alliance française de Pékin: une médiathèque très fréquentée. Alain Arnaud

La langue française jouit en Chine d'une aura exceptionnelle, entretenue par le vaste réseau des Alliances françaises. Comment la communauté francophone s'accommode-t-elle du rôle central que joue la France, jugé un rien arrogant par certains? En fait, plutôt bien.

«C’est vrai que les Français, parfois, ils sont un peu grande gueule». C’est un Français qui l’affirme, il s’appelle Laurent Croset et officie à Pékin en tant que délégué général de l’Alliance française en Chine. Il confirme que l’arrogance «est une réputation française», tout en la regrettant. Mais pour lui, «c’est le mot Alliance qui est de loin le plus important.» Dans toutes les Alliances françaises de Chine, précisément, si vous demandez leur avis aux étudiants chinois, certains attesteront une certaine arrogance aux Français. Mais ils vous diront surtout qu’ils sont follement romantiques.

Pour l’ambassadeur de Suisse en Chine Blaise Godet, les Français «nous les connaissons, il y a parfois ce côté un peu cocardier.» Mais ça ne les rend que plus attachants. Et le Neuchâtelois d’ajouter que «nous pouvons être contents d’avoir une France qui se bat pour la défense de la langue. Je me félicite de voir de temps en temps le quai d’Orsay prendre son bâton de pèlerin et partir en croisade pour la langue française. Au nom avant tout de la diversité culturelle.»

Bien vivante

A Pékin, la francophonie est bien vivante. Elle s’illustre lors de la semaine de la francophonie, des rencontres francophones ou du réseau des Alliances françaises, qui se veulent lieu de rencontre de toutes les cultures. Pour Laurent Croset, «la francophonie, c’est promouvoir toute la diversité du monde francophone.» Des propos que confirme Terence Billeter, responsable des affaires culturelles à l’ambassade de Suisse: «l’ambassade de France et les Alliances françaises sont très avides de collaborer avec d’autres pays justement pour montrer la francophonie dans sa diversité.»

En Chine comme ailleurs, la France fournit le gros des effectifs francophones, avec, loin derrière, la Suisse, la Belgique et le Canada. Cette toute puissance française intimide parfois. «Il y a un premier sentiment d’infériorité», constate Julie Poirier, vice-consul à l’ambassade du Canada. «Par ailleurs, poursuit-elle, les Français ont une assurance naturelle qu’on n’a pas en Amérique du nord. On est beaucoup plus simples, beaucoup plus vrais, on ne se cache pas derrière des titres, donc ça peut être intimidant lorsqu’on côtoie la communauté française. Mais une fois passé le premier choc des cultures, c’est facile à surmonter.»

Grain de folie

«Et moi je revendique le grain de folie des Belges», clame Marc Kohen, délégué en Chine pour la Wallonie – Bruxelles. «Nous rions et nous moquons de nous-mêmes, ça nous permet de nous adapter aux réalités. Nous avons beaucoup de chance à Pékin, nous travaillons avec une France ouverte, ce qui n’est pas toujours le cas partout dans le monde. Donc nous parvenons à avoir de réels échanges et une dynamique commune». En définitive, les pays francophones représentés en Chine se félicitent tous des efforts considérables déployés par la France pour promouvoir et entretenir leur langue commune.

Aucun sentiment d’infériorité linguistique chez l’ambassadeur Godet, même «s’il est vrai que les Français ont peut-être ce talent de l’exposition précise et concise, que l’expression orale est peut-être davantage soignée dans les écoles françaises qu’elle ne l’est chez nous, par exemple dans le canton de Neuchâtel.» Plus encore, avec son accent du terroir dont il est «plutôt fier», le diplomate se dit bienheureux d’être né francophone. «Cela fait quatre décennies que je suis entré au Département des affaires étrangères, or je considère rétrospectivement que je me suis plutôt bien et mieux porté d’être francophone.»

Deuxième langue diplomatique

Blaise Godet rappelle que le français demeure après l’anglais la langue diplomatique la plus parlée au monde, grâce aux efforts d’une France «qui se bat pour la défense de la langue». Et il précise qu’une fois sorti des frontières nationales, le Suisse romand est mieux loti que son compatriote germanophone. «La majorité suisse alémanique perçoit très bien qu’à l’extérieur des frontières, c’est elle qui se retrouve dans un véritable statut de minoritaire.»

Reste à savoir si le centralisme français ne va pas, à terme, pousser la langue française vers le déclin, en raison d’un manque de souplesse et de capacité d’adaptation. Mais là encore, l’ambassadeur de Suisse réfute l’argument, et chante les louanges du système scolaire français centralisé. «Il a beaucoup d’avantages quand – comme moi – vous déménagez d’un continent à l’autre. Cela facilite énormément l’intégration des enfants.»

Quelque 3700 ressortissants suisses résidant en Chine continentale sont enregistrés auprès des services diplomatiques de Suisse en Chine. Parmi eux, quelque 660 sont inscrits à l’ambassade à Pékin (les autres le sont aux consulats de Shanghai, Canton et Hong Kong). Et 100 résidents suisse de Pékin sont enregistrés en tant que francophones.

En comparaison, l’ambassade de France compte quelque 7000 Français inscrits à Pékin, et environ 30’000 sur l’ensemble de la Chine.

L’intérêt des Chinois pour le français ne cesse d’augmenter. Il y avait fin 2009 plus de 80 départements de français officiellement reconnus dans les universités de Chine. De plus en plus d’écoles primaires proposent le français en option.

Les Alliances françaises disposent de 15 antennes en Chine. Elles y représentent 25’000 étudiants, 2’500’000 heures de cours dispensées par an, 250 professeurs, 140 employés administratifs, une progression de 10% du nombre d’étudiants par an, 12’000 m2 de surface d’enseignement.

Le français est la langue européenne la plus enseignée en Chine après l’anglais.

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