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Barrage d’Ilisu en Turquie: l’obligation morale de Berne

40 000 Kurdes devront quitter leurs terres à Hasandkeyf quand le barrage sera mis en eau. Keystone

En Turquie, les opposants au barrage d´Ilisu dénoncent l´inondation d´Hasandkeyf, l´une des villes les plus anciennes de Mésopotamie. On invoque moins en revanche le sort qui sera réservé aux milliers de villageois kurdes qui perdront leurs maisons.

«Il faut que Berne refuse d’accorder la garantie à l’exportation aux entreprises suisses. Parce que nous, à Hasandkeyf, on ne veut pas de ce barrage», explique le maire qui veut sauver cette cité de l’antique Mésopotamie.

Or c’est une véritable course contre la montre pour les archéologues turcs. Tous ont en tête la disparition au printemps dernier d’un exceptionnel site romain et hellénistique noyé sous les eaux d’un autre barrage, situé sur l’Euphrate.

Les villageois de la région, eux, s’inquiètent moins pour les vieilles pierres que pour leur avenir. 40 000 Kurdes devront quitter leurs terres quand le barrage sera mis en eau. «J’ai toujours vécu ici avec mes deux femmes et mes dix enfants, je vais devoir aller vivre dans la ville. Que voulez vous que j’y fasse, je ne sais ni lire ni écrire!», raconte Hussein, 55 ans, assis sur le pas de la misérable maison où il est né.

Dans quelles conditions le départ de ces villageois se fera-t-il? Quels dédommagements leur seront accordés? Berne aurait obtenu des assurances d’Ankara pour que le déplacement de ces milliers de Kurdes se fasse dans de bonnes conditions.

A Hasandkeyf, on aimerait y croire tout en se souvenant de la récente mise en eau du barrage de Birlecik sur l’Euphrate: dans leur fuite éperdue, les villageois kurdes avaient creusé de leurs mains les tombes de leurs ancêtres pour en emporter les ossements.

Les Allemands et les Français, membres du consortium responsable de ce barrage, n’avaient sans doute pas pensé à informer à temps les populations locales de l’ouverture des vannes. L’avenir dira si les Suisses feront mieux.

Ariane Bonzon, Istanbul

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