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Ces Suisses qui ont marqué Bergame

Le Palazzo Nuovo, à Bergame. wikipedia.org

Un peu à l'écart des traditionnels circuits touristiques internationaux, la petite ville lombarde a été marquée par l'empreinte des artistes et commerçants suisses qui s'y sont installés à partir du 16ème. Un livre - « Svizzeri a Bergamo » - en retrace l’histoire.

Baignée par les fleuves Adda et Oglio, sur une position stratégique entre Milan et Venise, Bergame surprend par la richesse des monuments de sa ville haute: l’imposant «Palazzo Nuovo», l’église de Santa Maggiore, la tour, la chapelle Colleoni ou encore le dôme et le baptistère.

Les Suisses qui la visitent ignorent peut-être que quelques-uns des monuments les plus importants de la ville ont été construits par des architectes, des sculpteurs et des tailleurs de pierre tessinois. Ils ne savent sûrement pas non plus que la présence des Suisses a été déterminante pour le commerce de la soie et les banques notamment.

L’histoire de l’émigration suisse vers Bergame remonte à plus de 500 ans. Consul général de Suisse à Milan, David Vogelsanger la connaît bien. C’est lui qui est à l’origine du livre «Svizzeri a Bergamo», le sixième volume d’une série dédiée à la présence helvétique en Italie et publié par la revue tessinoise «Ticino Management» dans sa collection «Arte e storia».

Les protestants suisses accueillis à Bergame

«Aucune autre ville italienne n’est aussi liée à la Suisse que Bergame», soulignait David Vogelsanger lors de la récente présentation du livre à Lugano. «A l’époque de l’arrivée des premiers Suisses vers la fin de 1500, Bergame était une ville beaucoup plus tolérante que Milan, alors sous la domination espagnole. Elle était donc toute désignée pour accueillir nos compatriotes protestants que les cantons catholiques ne voulaient pas.»

C’est ainsi que les marchands tessinois protestants Ronco et Orelli, chassés de Locarno à cause de leur foi et qui s’étaient d’abord réfugiés à Zurich, étaient arrivés à Bergame pour y acheter de la soie et du coton. Ils y étaient restés et avaient fait venir d’autres familles comme les Pestalozzi et les Von Muralt. Ces pionniers suisses ont implanté les premières fabriques de soie et, dès le 19ème siècle, de coton. Originaires des Grisons, de Zurich, Berne et Glaris, ils ont écrit l’histoire industrielle de la ville.

«Le premier consul de Suisse à Bergame a pris ses fonctions en 1609, il y a donc juste 400 ans, explique David Vogelsanger. Il s’agissait d’un général zurichois qui demanda d’emblée trois choses aux autorités bergamasques pour ses concitoyens: l’autorisation du port d’armes, l’exemption d’impôts et la liberté de culte.»

Le consul général de Suisse à Milan – dont dépendent aussi Venise et Bergame justement – raconte ainsi que la première requête a été accueillie, qu’il n’y a pas eu de réponse à la seconde et que la troisième a fait l’objet d’un compromis: «Les autorités ont répondu que les Suisses pouvaient pratiquer leur culte comme bon leur semblait, mais chez eux!»

Les protestants suisses de Bergame ont en effet du attendre 1876 pour avoir leur église en ville.

Les Frizzoni, une famille de mécènes

«Aujourd’hui encore, explique l’avocat Gianfranco Ceci, maire adjoint de Bergame, la communauté suisse de Bergame a su conserver son identité tout en s’intégrant parfaitement dans notre ville. Je me suis passionné pour l’histoire des Suisses à Bergame dès que je suis entré au siège de l’administration communale, le superbe Palazzo Frizzoni.»

Propriété de la famille du Grison romanche Giovanni Frizzoni qui participa, en 1848, à la révolte de Bergame contre la domination autrichienne qui écrasait Milan, le palais a été légué à la ville en 1927 par Enrico Frizzoni, un descendant de Giovanni. La famille Frizzoni s’est aussi distinguée à Bergame par ses œuvres de charité. Un de ses membres, Teodoro Frizzoni, avait fondé la maison d’accueil pour enfants «Salute del fanciullo».

C’est un Suisse encore, Cesare Ginouilhiac qui avait fondé la principale banque de Bergame, la «Banca Popolare di Bergamo», qu’il avait présidée de 1869 à 1879.

La présence des artistes tessinois

Mais la présence suisse à Bergame est aussi et surtout artistique: la ville doit aux architectes, sculpteurs et ciseleurs tessinois, une bonne partie de ses œuvres d’art. Ainsi, la magnifique structure baroque du Dôme est-elle due à l’un des plus grands architectes tessinois, Carlo Fontana, élève de Bernini.

L’intérieur de l’église de Sainte-Marie Majeure, un exemple éclatant du baroque lombard, a été dessiné par les Sala, de Lugano, et l’une de ses plus imposantes sculptures, le «Monument à Gaetano Donizetti» est due à Vincenzo Vela de Ligornetto.

Citons encore les fresques de Carporo Tencalla dans une salle du Palais Terzi, antique demeure de la ville qui porte aussi la signature du sculpteur de Montagnola Muzio Camuzio – dont la maison familiale a été le refuge tessinois de l’écrivain allemand Hermann Hesse jusqu’à sa mort – et celle du dessinateur Vincenzo Angelo Orelli, de Locarno.

Les patronymes suisses sont encore nombreux aujourd’hui à Bergame: ceux des familles Legler, Honegger, Steiner, Blondel, von Orelli et Zavaritt, aujourd’hui à la double nationalité.
Originaires d’Engadine, les Zavaritt avaient ouvert la première fabrique de soie à Bergame.

Aujourd’hui, l’un de leurs descendants, Willi Zavaritt est le président de l’Académie Carrara, une des plus importantes pinacothèques d’Italie. «Comme beaucoup de Bergamasques qui ont émigré en Suisse, mon fils a fait le voyage en sens contraire et, de Bergame, est venu travailler à Lugano», plaisante Willi Zavaritt.

L’idylle entre Bergame et la Suisse qui s’est développée durant cinq siècles ne s’est pas encore conclue aujourd’hui: le célèbre architecte tessinois Mario Botta a réalisé plusieurs projets d’envergure dans la ville lombarde, dont une bibliothèque universitaire et une église.

Gemma d’Urso, Lugano, swissinfo.ch

Environ 50’000 Suisses dont nombre de doubles nationaux vivent actuellement en Italie. Une moitié d’entre eux réside au nord du pays, soit dans les régions de la Lombardie, de l’Emilie-Romagne, du Frioul, du Trentin et de la Vénétie

La Suisse compte une représentation consulaire à Bergame, laquelle dépend du Consulat général de Suisse à Milan et de son consul David Vogelsanger.

Chef-lieu de la province du même nom, Bergame compte 470’000 habitants. Elle a été fondée à l’époque pré-romaine par les Ligures, sur une colline, à 260 mètres d’altitude.

Longtemps sous domination de la République de Venise, la ville est caractérisée par sa division en deux parties bien distinctes, la Bergame haute et la Bergame basse. Les quartiers historiques sont connus notamment pour les restes de la muraille d’enceinte construite au 15ème siècle.

Bergame compte une université, une dizaine de musées et des instituts pour la recherche scientifique.

Edité par la revue «Ticino Management» dans sa collection «Arte e Storia» (Art et histoire) dirigée par Giorgio Mollisi, le volume «Svizzeri à Bergamo» (Suisses à Bergame) compte 400 pages.

Présenté à Bergame en octobre dernier à l’occasion du 400ème anniversaire de la présence consulaire suisse dans la ville lombarde, il l’a été le 19 janvier dernier à Lugano.

Préfacé par Hans-Rudolf Merz, président de la Confédération en 2009, par David Vogelsanger consul général de Suisse à Milan et par Franco Tentorio, maire de Bergame, l’ouvrage relate les relations de la Suisse avec la ville italienne dans les domaines artistique, culturel, industriel et économique.

Il a bénéficié du soutien de Pro Helvetia, du canton du Tessin, de la commune de Lugano et de plusieurs communes de la région luganaise, de banques et de privés.

«Suisses à Bergame» est le sixième volume d’une série consacrée à la présence helvétique en Italie après ceux dédiés à Gênes, Milan, Naples, Rome et Venise. Le prochain ouvrage qui devrait être publié d’ici l’automne 2010 relatera de l’histoire des Suisses à Palerme.

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