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Charlot se promène aux Baléares

SP

Après une tournée européenne de trois ans, l'exposition «Chaplin et les images» débarque à Palma de Majorque en pleine saison touristique. Histoire de faire concurrence aux mordus de la bronzette.

On ne s’attend pas à voir Charlie Chaplin dans un musée. Et pourtant, c’est bien sur les cimaises des grandes institutions européennes que l’homme au chapeau melon et à la redingote fanée déploie sa démarche chaloupée de vagabond triste et drôle.

Depuis trois ans, l’inventeur des «Temps modernes» circule donc de ville en ville et de salle en salle, régalant de son art un public toujours ravi de voir ou de revoir celui qu’on appelle ici «Tcharloté».

Ici, c’est Palma de Majorque où la fondation «La Caixa» accueille, depuis le 12 juin (et jusqu’au 20 septembre), l’exposition «Chaplin en imàgenes» («Chaplin et les images»). Après donc un début très apprécié au Musée de l’Elysée à Lausanne, en 2006, puis un passage par Paris, Bruxelles, Hambourg, Bologne, Lisbonne… Et après une halte à Barcelone et Madrid, voici Charlot débarquant en pleines vacances d’été dans la capitale des Baléares.

Le Manoir de Ban… en parallèle

La saison balnéaire n’étant pas vraiment une saison culturelle, la présence de nombreux touristes à la fondation La Caixa étonne. Plus étonnante encore la réponse de certains visiteurs interrogés, qui ne savent pas que Charlot a fini ses jours en Suisse. Il faut dire qu’à Palma, la partie consacrée à la vie veveysane du comédien a été sacrifiée, faute de place.

Les films sur le Manoir de Ban, près de Vevey, où résidaient les Chaplin, font donc l’objet de projections prévues parallèlement à la manifestation majorquine. Documents plutôt intimistes, ces films avaient été intégrés à l’exposition de Barcelone et de Madrid où le «phénomène» Chaplin attira, respectivement, 160’000 et 220’000 visiteurs.

«Un succès extraordinaire», selon Sam Stourdzé, commissaire de l’exposition, qui nous explique que le public catalan et castillan «n’était pas tant intéressé par le séjour helvétique de Chaplin que par la Suisse en tant que pays d’exil pour un immense artiste poursuivi par la plus importante démocratie du monde. C’est-à-dire l’Amérique, celle de McCarthy et de la chasse aux sorcières».

Processus de création

Dans cette exposition, «nous avons souhaité montrer le processus de création chez l’artiste et l’évolution de son personnage», explique Sam Stroudzé.

Du «Kid» au «Dictateur» en passant par «Les Temps modernes», c’est toute l’histoire du cinéma muet et comique, parlant et engagé qui se lit ici. Mais pas seulement. Car si photos et posters décomposent la gestuelle du mime, la démarche du clown, détaillent son costume légendaire et laissent entrevoir l’héritage artistique du comédien (Chaplin a eu beaucoup de suiveurs), les extraits de films astucieusement choisis montrent, quant à eux, combien le propos du cinéaste reste actuel.

«Les Temps modernes», film que Chaplin a tourné durant la Grande dépression des années 1930 en Amérique, résonne comme une satire de la crise économique qui sévit aujourd’hui. Dans la séquence projetée, on voit Chaplin ouvrier manipulé autant par la machine sociale que par celle réelle qu’il croit pouvoir maîtriser mais dont le fonctionnement lui échappe.

Un père spirituel

Moins connu que «Les Temps modernes», «Charlot soldat», film muet sorti en 1918, mène une attaque aussi sévère que bouffonne contre les guerriers de tout acabit. Lesquels sont moqués par un Charlot déguisé en arbre dont les branches sont des armes. Le flash est immédiat: on pense ici à «Un rêve plus long que la nuit», film réalisé et joué bien des années plus tard par Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, entre autres. Là aussi, c’était l’histoire militaire qui était tournée en dérision par une joyeuse bande de surréalistes inspirés de Chaplin peut-être (qui sait?!), car comme lui, ils portent un habit sylvestre.

Chaplin, père spirituel de milliers d’artistes dans le monde! Le clown a aussi ses épigones, comédiens de rue ou vagabonds, heureux de pouvoir, dans leurs souliers retroussés, chausser un peu de sa notoriété.

A ceux-là aussi l’exposition rend hommage dans une photo de groupe superbe, prise en 1921 à l’occasion d’un concours d’imitateurs de Charlot. Petits, grands, gros, minces, jeunes et moins jeunes, ils posent devant l’objectif, quelque part aux abords d’une rue commerciale. Dans l’ouverture d’une fenêtre qui surplombe la rue, on voit la tête de Chaplin. Il observe la scène, sourire au coin des lèvres. Tout Chaplin est là, dans cette hauteur de vue amusée.

Ghania Adamo, Palma de Majorque, swissinfo.ch

«Chaplin en imàgenes» («Chaplin et les images»), à voir à la Fondation «La Caixa», Palma de Majorque, jusqu’au 20 septembre.

Londres. De son vrai nom, Charles Spencer Chaplin, acteur, réalisateur, scénariste et compositeur anglais, est né en 1889 dans un quartier pauvre londonien. Ses parents sont artistes de music-hall.

Les débuts. Très vite il est confronté aux difficultés de la vie, avec un père alcoolique et une mère atteinte de trouble mental. A l’âge de cinq ans, il fait sa première apparition sur scène, remplaçant au pied levé sa mère qui ne peut plus chanter.

USA. En 1908, il rejoint la troupe anglaise comique de Fred Karno, avec laquelle il part en tournée aux Etats-Unis. Repéré par le cinéma hollywoodien, il entame alors une carrière fulgurante en Amérique.

Charlot. Son personnage de Charlot apparaît pour la première fois, en 1914, dans un film court «Kid Auto Races at Venice», tourné aux Etats-Unis.

Politique. Charlot évolue par la suite pour donner lieu à un personnage plus complexe, dans des films socialement et politiquement engagés, comme «Le Dictateur» ou «Les Temps modernes».
Expulsion. Réalisateur et producteur également, il crée à Los Angeles son propre studio de cinéma. Mais l’aventure américaine s’arrête en 1952, lors de «la chasse aux sorcières».

Vevey. Expulsé des Etats-Unis, il débarque alors en Suisse et s’installe à Vevey avec sa famille. Il y mourra en 1977.
Controverse. Sa vie publique et privée fera l’objet d’adulation comme de controverse.

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