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Comment se perpétue la tradition des poyas

Portrait de Francis Oberson dans son atelier swissinfo.ch

Depuis bientôt deux siècles, les poyas immortalisent des scènes de la vie paysanne des Préalpes fribourgeoises. Mais, aujourd'hui, cet art populaire n'est plus l'apanage des traditionalistes. Pour perpétuer la tradition, une toute nouvelle génération a pris le pinceau.

«Lorsque j’ai exposé ma première poya à Bulle, les traditionalistes ont commencé par jeter un regard critique sur ma toile, se souvient Francis Oberson. Mais, dans le fond, je sentais bien qu’ils étaient contents de voir qu’un jeune s’intéressait à cet art populaire».

Depuis, Francis Oberson a fait du chemin. Et ses poyas sont aujourd’hui éparpillées aux quatre coins du monde. «Cela ne m’empêche pas de travailler pour les paysans de la région», s’empresse d’ajouter fièrement le peintre.

«J’adore ça, poursuit-il. Quand je livre la toile qui m’a été commandée, mes clients invitent généralement leurs amis pour célébrer l’événement».

Francis Oberson sourit dans sa barbe. Des poyas, il en fait depuis 1974. Et ça n’a pas été simple de se faire accepter parmi les «barbus de la Gruyère», comme il se plaît à les nommer.

Question peinture, les puristes n’ont rien à lui reprocher. Il respecte en tout point la hiérarchie et les symboliques des poyas populaires. Un détail toutefois: ses toiles sont généralement destinées à la décoration intérieure plus qu’à celle des façades des fermes.

Mais ce n’est pas ce point qui chagrine les esprits. Non. Ce qui choque les puristes, c’est plutôt la démarche artistique de Francis Oberson.

«Comme tous les peintres de poyas qui se respectent, je connais la vie des paysans d’ici», raconte Francis Oberson. «Moi aussi, j’ai vécu dans les alpages. Mais, en ce temps-là, j’avais des cheveux longs et des idées libertaires. Bref, je faisais partie de ces jeunes qui voulaient revenir à l’essentiel».

Autrement dit, Francis Oberson est de la génération de ces soixante-huitards qui, l’espace d’une utopie, ont investi les montagnes environnantes. Et, pour lui, ça n’a pas été facile d’adopter les valeurs paysannes. Pas simple non plus de dessiner sa première vache.

Mais Francis a réussi. Au point qu’il est considéré, aujourd’hui, dans les Préalpes fribourgeoises, comme l’un des rares détenteurs du savoir ancestral de la poya.

C’est pour cela qu’on lui pardonne même certaines fantaisies, telles que ces poyas d’inspiration ésotérique qui ornent les murs de son atelier.

«A mes yeux, confie Francis Oberson, les poyas représentent toujours une sorte de paradis perdu. Il y a une dimension spirituelle dans cette peinture. D’ailleurs, dans bon nombre de civilisations, les vaches restent des animaux sacrés.»

Vanda Janka

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