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«L’Heure d’hiver» contre l’abêtissement

Détail de la couverture

Trente-huit chroniques impitoyables signées Michel Thévoz pourfendent la mondialisation, la religion, le football, la télévision, la mode, la publicité...

Elles sont regroupées dans un essai, «L’Heure d’hiver», paru aux Editions Favre, Lausanne. A lire sans hésiter.

L’époque est au cynisme, remède efficace à la satisfaction béate des sociétés occidentales gavées et repues. C’est du moins un remède consommé – à fortes doses – par certains écrivains, artistes ou intellectuels qui voudraient toujours garder sur les événements une longueur d’avance. Toujours déboulonner les illusions et détrôner les certitudes bien assises.

Pour s’en convaincre, quelques noms: le metteur en scène argentin Rodrigo Garcia (qu’on a souvent vu à Genève), inlassable pourfendeur de la mondialisation; le journaliste français Eric Zemmour qui a écrit un livre incendiaire («Le premier sexe») sur la «dévirilisation» des hommes par les femmes actuelles.

Un livre de salubrité publique

Et voici, aujourd’hui, l’essayiste lausannois Michel Thévoz, auteur de l’impitoyable «L’Heure d’hiver». Soit 38 chroniques pour décongeler les idées reçues. Un livre de salubrité publique, malgré quelques défauts, que l’on recommande chaleureusement en cette période de fêtes où la religion croule sous les dictats de la société de consommation. Où les cadeaux au pied du sapin sont l’expression édulcorée de nos démons totalitaires. Ces démons qui nous gouvernent et qui s’appellent presse, publicité, télévision, mode, magasins…

Bref, tout ce qui fait partie du «Grand Marché», selon la formule de Thévoz, largement responsable de «la névrose collective», du nivellement des goûts de «l’homogénéité amorphe» et de l’endormissement de l’esprit critique.

Cet esprit dont s’arme précisément l’auteur pour chasser à grands coups de cynisme toute envie de somnolence devant ce qu’il appelle «l’abêtissement du peuple par le peuple».

Car au-dessus des masses consommatrices, il y a un autre peuple, celui-là constitué de chefs: les dirigeants politiques, les directeurs de multinationales, de banques, les journalistes de tout acabit et, surtout, les faiseurs d’opinion et leurs satanés sondages cause de toutes les aliénations.

On le sait, les cyniques disposent en général d’un potentiel de mauvaise foi non négligeable. C’est même sur la mauvaise foi qu’ils bâtissent leur discours au risque de verser dans la caricature.

La réforme urgente du football

Michel Thévoz le sait bien lui qui dresse un tableau grand-guignolesque de notre époque en s’appuyant sur l’ironie. Et en évitant parfois le rapport de cause à effet qui donne en général à tout raisonnement sa légitimité.

D’où le côté par moments absurde, toujours drôle et ô combien salutaire de sa démarche. Comme dans cette chronique consacrée au football «cauchemar de la mondialisation», cause de criminalité (le hooliganisme), de prostitution (le tiers-monde qui vend ses joueurs au plus offrant) et de xénophobie (les chants patriotiques des supporters).

Un sport qui, selon l’auteur, nécessite une réforme urgente. Voici donc ce qu’il propose: «Qu’on commence le match par les incontournables tirs au but; qu’on passe ensuite directement aux choses sérieuses, c’est à dire à la castagne dans les tribunes et dans toute la ville; et qu’on aille se finir dans les mégabordels».

Rebattre les cartes avec sarcasme, c’est ce que fait Michel Thévoz. Dans son mécanisme délirant, son «Heure d’hiver» ne fait que suivre, après tout, le fonctionnement de notre époque.

swissinfo, Ghania Adamo

Michel Thévoz est né en 1936 à Lausanne. Après des études de lettres à l’Université de Lausanne, il suit les cours de l’Ecole du Louvre à Paris. Il travaille comme assistant puis comme conservateur à mi-temps au Musée cantonal vaudois des beaux-arts.

Il rassemble et prend la direction de la Collection de l’Art brut à Lausanne et du musée du même nom lors de sa création. Spécialiste de l’art contemporain, il est nommé professeur d’histoire de l’art à l’Université de Lausanne. Il prend sa retraite de ces deux fonctions en 2001.

Il a publié plusieurs ouvrages, notamment «L’Aléatoire», «Requiem pour la folie», «Le corps peint», «Plaidoyer pour l’infamie», «L’esthétique du suicide», «Tout va bien».

«L’heure d’hiver» constitue le 3e volet de sa trilogie commencée avec «Tout va bien» et «Le syndrome vaudois».

«L’Heure d’hiver» de Michel Thévoz, éditions Favre, Lausanne, 201 pages.

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