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«La montagne offre un clin d’oeil espiègle au plat pays qu’est la Belgique»

En raison de la pandémie de coronavirus, la Foire du livre de Bruxelles se déroulera cette année dans plusieurs lieux culturels de Bruxelles et de ses alentours. Bruno Fahy/AFP

La Foire du livre de Bruxelles est, avec Genève et Paris, l’un des salons les plus importants de l’aire francophone. Son invitation adressée à la Suisse offre aux écrivains et éditeurs helvètes une très belle vitrine. Entretien à cette occasion avec Olivier Babel, secrétaire général de LIVRESUISSE. 

L’an passé, la Foire du livre de Bruxelles adressait une invitation à la Suisse, lui proposant d’être hôte d’honneur de son édition 2021. L’invitation s’est faite via l’association LIVRESUISSE. Mais en raison de la crise sanitaire, l’édition 2021 a été reportée à 2022. Les organisateurs de la Foire n’ont pas pour autant baissé les bras. Ils ont mis sur pied une mini-foire, rebaptisée Festival hors-les-murs. Celui-ci se tient du 6 au 16 mai et essaime dans plusieurs lieux culturels de Bruxelles et de ses alentours.

Association professionnelle sans but lucratif, LIVRESUISSE a pour objectif de représenter les intérêts de ses membres et d’œuvrer en faveur du marché du livre francophone en Suisse, et du livre suisse à l’étranger

Organisée en trois domaines professionnels distinctsLien externe (diffuseur/distributeur, éditeur, libraire), elle regroupe quelque 120 membresLien externe. Elle est dirigée par un comité central composé de deux représentants de chaque domaine professionnel. Elle est établie à Lausanne. Son secrétaire général est Olivier Babel.

La Suisse reste aujourd’hui à l’honneur avec une délégation d’auteurs composée de sept écrivains et dessinateurs romands dont Léonie Bischoff, Laurence Boissier, Frédéric Pajak, Bruno Pellegrino, Alex Baladi… Les performances, rencontres et débats à l’affiche peuvent être suivis en ligne et en direct. La Foire, qui privilégie cette année le format numérique, les rediffuse en différéLien externe.

Olivier Babel est secrétaire général de l’association LIVRESUISSE. Xavier Karlen

swissinfo.ch: Pourquoi des auteurs uniquement romands pour cette édition 2021?

Olivier Babel: Bon, c’est une délégation d’auteurs réduite, forcément, vu la situation sanitaire. L’année prochaine, elle s’agrandira et réunira 35 écrivains issus de toutes les régions linguistiques du pays. Un grand stand suisse est d’ailleurs prévu à cet effet. Mais pour l’édition de ce mois de mai, nous avons surtout voulu répondre présents. Notre choix se trouve lié à l’activité éditoriale des écrivains et à l’actualité de leurs livres. Ce choix changera forcément l’année prochaine, mais pas totalement. Quelqu’un comme Frédéric Pajak, par exemple, fera toujours partie de la délégation.

Pouvez-vous déjà nous donner quelques noms d’auteurs alémaniques et tessinois prévus pour 2022?

Je peux vous citer (mais sous réserve) les noms d’écrivains qui nous avaient déjà donné leur accord l’an dernier. Côté tessinois, il y aura entre autres Fabiano Alborghetti, Yari Bernasconi, Pierre Lepori; côté alémanique, Noëmie Lerch, Anna Sommer, Lukas Bärfus, Peter Stamm; côté romanche, Arno Camenisch. Tous les âges seront représentés, avec une attention particulière accordée aux jeunes auteurs, déjà confirmés. J’ajoute que l’on vise la parité entre femmes et hommes et les ouvrages de fiction plutôt que les essais. Même si nous représentons l’ensemble des littératures suisses, la majorité de nos auteurs invités (une vingtaine) reste francophone; normal, la Foire de Bruxelles l’est également.

Une des rencontres programmées le 7 mai, en présence de Nicolas Feuz, écrivain et procureur du canton de Neuchâtel, pose un regard sur le polar. Son titre: «Noir de Noir, belge ou suisse». Quel «noir» préférez-vous?

Oh! j’avoue que je suis un piètre lecteur de polar! Je connais Nicolas Feuz néanmoins, il a été invité par les organisateurs de la Foire pour présider le jury d’un concours réservé aux écritures de prisonniers. La Foire en a profité pour l’insérer dans le programme des rencontres, dont celle que vous évoquez. Mais bon, s’il fallait à tout prix établir un parallèle entre le polar suisse et belge, j’éviterais la comparaison entre un Georges Simenon par exemple (je le cite parce que je l’ai lu) et un Nicolas Feuz: ils sont d’une envergure littéraire et d’époque différentes.

Une place est également accordée à le BD belge et suisse. Comment cela se traduit-il concrètement? 

On entend organiser une «bataille» de bédéistes et illustrateurs belges et suisses. En clair, il s’agit d’une confrontation entre deux écoles de BD. Ceci dit, la scène belge reste beaucoup plus dynamique que la nôtre. N’empêche… il émerge aujourd’hui en Suisse une scène jeune, inventive, remarquée et remarquable à laquelle appartiennent des artistes romands comme Alex Baladi, Léonie Bischoff, Hélène Becquelin, ainsi que des Alémaniques comme Anna Sommer et le tandem It’s Raining Elephants.

«Montagne de livres, montagne des possibles», c’est le thème qui cimente la présence suisse dans cette Foire, cette année et l’année prochaine. Que faut-il entendre par ce thème?

On a voulu jouer sur la géographie propre à notre pays. La Suisse est d’abord un paysage, on n’échappe pas à sa présence, il est fortement lié à l’identité helvète. La montagne en est l’élément constitutif. Le paysage a de tout temps été une terre d’accueil pour les écrivains et les traducteurs.

«Les maisons d’édition françaises très puissantes aspirent aussi bien nos auteurs que les auteurs belges»

Nous avons d’ailleurs déployé, en tant qu’hôte d’honneur, un bel effort pour l’architecture du stand suisse à la Foire. Il reprendra l’année prochaine l’idée de paysage qui constitue, comme je l’ai dit, la ligne directrice de notre présence. Et pour tout vous avouer, la montagne offre un clin d’oeil espiègle au plat pays qu’est la Belgique.

Différence de paysage entre les deux pays en effet, mais similitude du marché du livre. Peut-on dire cela?

Oui, bien sûr, puisque les deux pays se ressemblent de par leur caractère multiculturel. Vous avez en Belgique les francophones, les néerlandophones mais aussi une forte minorité de langue allemande. Chaque communauté a un marché lié à sa propre langue, que la Foire de Bruxelles  tente d’ailleurs de rapprocher. Ce qui est le cas chez nous aussi lors des grands salons. Mais la similitude la plus flagrante à mes yeux est celle qui existe entre le marché wallon et le marché romand, tous deux envahis par la production d’origine française.

En Suisse romande, plus de 80/% des livres vendus en librairie sont des ouvrages importés de France. En Belgique, cette proportion est presque la même.

Diriez-vous pour autant que le marché français noie le marché romand ?

Non, je n’irais pas jusqu’à dire qu’il le noie, mais la France garde quand même une position dominante, difficile à concurrencer. Les petites structures suisses ou belges ne peuvent entrer en compétition avec Gallimard, Christian Bourgois ou Albin Michel, par exemple. Les maisons d’édition françaises très puissantes aspirent aussi bien nos auteurs que les auteurs belges. Je pense ici au Zurichois Martin Suter et à la Bruxelloise Amélie Nothomb, pour ne citer que quelques grands noms séduits par l’importante diffusion française et les chances de reconnaissance qu’elle offre.

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