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14 juillet, fête nationale de la basse

Marcus Miller, de retour à Montreux. Keystone

Avec Stanley Clark et Jaco Pastorius, Marcus Miller a propulsé la basse électrique sur les devants de la scène. Scène qui se trouvait être montreusienne jeudi.

Un crochet symbolique par le Montreux jazz Festival, l’un comme l’autre ayant été intimes du grand Miles.

A Montreux, Miles Davis est omniprésent. Un buste du génial trompettiste – l’un des musiciens essentiels de 20e siècle tous genres confondus – trône sur les quais de la cité Lémanique.

“Miles Davis Hall”: le Montreux Jazz Festival lui-même propose un bon quart de son programme In dans une salle dédiée à celui que Claude Nobs manque rarement d’évoquer lorsqu’il parle de son festival.

Miles a imprimé sa marque. Un peu à cause de son foutu caractère, ses desiderata (la Ferrari. Et noire, la Ferrari!), les chemises piquées à Nobs, ses postures de diva, dos au public. Grâce à sa musique surtout.

Après plusieurs années de maladie, à partir de son retour à la création musicale au début des années 80, Miles Davis donnera de très nombreux concerts à Montreux.

Jusqu’à cette dernière apparition, peu avant sa mort en 1991, où le maître revisite des morceaux de ses vieux “Miles ahead” ou “Sketches of Spain” en compagnie d’un big band dirigé par Quincy Jones.

Tapis dans l’ombre

Durant toute cette décennie et jusqu’à la mort de Miles, un homme tapis dans l’ombre naîtra à la lumière. Marcus Miller était déjà présent sur le disque du retour du trompettiste (“Man with the horn”).

Il le sera sur la plupart des suivants, jusqu’à l’avant-dernier album studio de Miles avant que ce dernier n’entame une exploration du Hip-hop.

Miles Davis-Marcus Miller, Macus Miller-Miles Davis, c’est surtout l’album Siesta (Musique de film faisant écho à “Sketches of Spain”), et plus encore “Tutu”, sans doute la plus belle réussite de la fin de carrière du trompettiste. Un album en grande partie composé, produit et arrangé par Marcus Miller.

La rencontre Davis-Miller a marqué la basse électrique. Sous l’impulsion du premier, le second s’est escrimé à devenir à la fois accompagnateur et soliste-mélodiste.

Efficace et roboratif

Avant “quand un bassiste improvisait, tout le monde s’arrêtait. Alors j’ai appris à jouer le rythme, le tempo et la mélodie en même temps”, explique Marcus Miller.

Et jeudi, le New-Yorkais ne s’est pas gêné. Il s’en est même donné à coeur joie, proposant un concert aussi efficace que roboratif, qui a eu pour résultat de mettre le public à deux doigts de la transe.

Contrairement à celle de Miles, la musique de Marcus Miller n’est pas le miroir d’une forte interiorité. C’est une musique funky guidée par le fun. Une musique très maîtrisée, zapeuse aussi.

Les improvisations d’abord se caractérisent par leur brièveté. Assumées en solo, en duo, en trio, ces brèves plages d’impro se succèdent à un rythme effreiné.

Marcus Miller lui-même renforce cet impression de zaping, passant de la basse à la clarinette basse, du sax soprano au chant.

De Wonder à Beethoven

C’est à la basse que Miller a fait le plus d’étincelles jeudi. Le public était venu pour cela et en a eu pour son argent – slapping dépassant Mach 2, velouté mélodique, fondation en béton…

Ses sept musiciens évoluaient au même niveau d’efficacité. L’harmoniciste suisse Grégoire Maret a ému sur tempo moyen. Avec son sax agressif, radioactif, Keith Anderson a propagé plusieurs vagues de frissons. Quant au guitariste Dean Brown – sorte d’Iggy Pop hanté – il s’est laissé allé au point de croix sur ses solos désarticulés.

Pas de surprise côté répertoire, tous les titres étaient tirés de l’album sorti cette année (“Silver rain”). Le “Boogie on reggae woman” de Stevie Wonder comme la sonate au clair de lune de Beethoven figurant tôt sur le menu.

De Miles? Juste une phrase, citée par Michael Stewart lors de son premier mini-solo à la trompette. Et il fallait dresser l’oreil.

swissinfo, Pierre-François Besson à Montreux

Le 39e Montreux Jazz Festival a lieu jusqu’au samedi.
Il se décline en une multitude de lieux: le coeur de la manifestation, le Centre des congrès (Auditorium Stravinsky et Miles Davis Hall), mais aussi le Casino Barrière pour les concerts plus spécifiquement jazz.
La fête se prolonge en général au ‘Montreux Jazz Café’ ou au ‘Montreux Jazz Club’.
Et c’est sur plusieurs scènes le long des quais que se tient le festival off, gratuit, rebaptisé depuis peu ‘Montreux Jazz Under The Sky’.
Parallèlement aux concerts proprement dits, des concours instrumentaux et des workshops ont lieu chaque année.

– Né à Brooklyn en juin 1959, Marcus Miller est un poly-instrumentiste accompli. Plus connu pour son jeu de basse électrique, grand maître du slapping, il est aussi l’un des tous premiers à offrir les devants de la scène à son instrument, avec un sens consommé de la mélodie.

– Le New-Yorkais maîtrise avec beaucoup de grâce aussi la clarinette – basse surtout – dont il joue depuis l’âge de dix ans. Professionnel à quinze ans, il est également à l’aise aux claviers, à la guitarie, au saxophone et au chant.

– Producteur et compositeur inspiré, Marcus Miller a promené sa basse sur plus de 400 albums, dont neuf parus sous son nom. Son dernier, sorti cette année, s’intitule “Silver rain”.

– Parmi ceux à avoir croisé sa route: Aretha Franklin, Roberta Flack, Grover Washington Jr., Bob James, David Sanborn, Joe Sample, McCoy Tyner, Mariah Carey, Bill Withers, Elton John, Bryan Ferry, Frank Sinatra, LL Cool J, Al Jarreau, the Crusaders, Wayne Shorter, Take 6, Chaka Khan, Kenny Garrett et, évidemment, Miles Davis.

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