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Décès de Freddy Buache, turbulent passeur de la Cinémathèque suisse

Freddy Buache
Freddy Buache en 2012 devant le Casino de Montbenon qui abrite la Cinémathèque suisse. Carine Roth / Cinémathèque suisse

Décédé mardi à l'âge de 94 ans, Freddy Buache ne se considérait pas comme un cinéphile, du moins pas comme un annuaire filmographique ambulant. Il envisageait le cinéma comme arme d'un combat politique et poétique visant à réveiller les consciences.


Au panthéon de ses films préférés Les lumières de la ville de Chaplin, L’aurore de Murnau et Vivre de Kurosawa. Le Vaudois appréciait le travail de Visconti, Buñuel, Antonioni, Risi, Godard, John Huston, Woody Allen ou Jim Jarmusch.

Lucide, il confiait au début des années 2000 avoir vu «beaucoup de films, beaucoup trop hélas!» Il déplorait la démagogie et le manque d’originalité de nombreux scripts. «Les films sont plus souvent considérés comme des produits, des divertissements, que comme des œuvres d’art.»

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Résumant un demi-siècle dédié au cinéma, Freddy Buache citait l’écrivain français Georges Duhamel. «Pour lui, le cinéma était un divertissement d’ilote, d’imbécile heureux si vous préférez. J’ai passé ma vie à combattre cette idée, mais j’en arrive maintenant à penser qu’il n’avait peut-être pas tort!»

Montreur de films

Né le 29 décembre 1924, Freddy Buache grandit à Villars-Mendraz dans le canton de Vaud. Ses parents tiennent l’auberge du village. A 7 ans, il fait sans le savoir une rencontre décisive. Un montreur de films lui révèle que les images mouvantes peuvent être émouvantes et que les étoiles ne brillent pas qu’au ciel.

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Jovial, quoique timide par nature, Freddy Buache s’intéresse d’abord à l’écriture. Journaliste et critique d’art, il publie aussi des poésies. Dès 1948, il explore le chemin de l’art dramatique et s’associe au metteur en scène Charles Apothéloz Lien externepour fonder la troupe de théâtre des Faux-Nez.

Apostolat à la Cinémathèque

Durant ces années d’après-guerre, il a fait la connaissance du père de la Cinémathèque française Henri Langlois. Ce dernier va soutenir ses activités au sein du ciné-club de Lausanne, puis de la Cinémathèque suisseLien externe.

C’est lui qui aide à faire connaître le nouveau cinéma suisse à l’étranger, notamment grâce à ses liens avec les directeurs successifs du Festival de Cannes. Grâce à lui, les premiers films de Tanner, Soutter, Goretta, Reusser et Daniel Schmid y sont montrés.

«A Cannes, longtemps, au premier ou au deuxième rang, un siège lui était réservé lors des projections», se souvient Lionel Baier, cinéaste et enseignant à l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL).

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En parallèle, Freddy Buache a aussi été co-directeur du Festival de Locarno de 1967 à 1970. Il entretenait de solides amitiés avec des personnalités du cinéma et de la culture, parmi lesquelles Charles Apothéloz, Henri Langlois, Georges Franju, Jean Grémillon, Michel Simon, Luis Buñuel, Jacques Chessex, Michel Soutter, Miloš Forman ou encore Daniel Schmid.

«Il a défendu les premiers films de Jean-Luc Godard, de Theo Angelopoulos qui étaient ses amis”, ajoute Frédéric Maire. Godard lui a d’ailleurs dédié un court métrage: Lettre à Freddy Buache en 1982.


A propos de la Cinémathèque, le Lausannois d’adoption dira: «Je ne l’ai pas bâtie par passion de collectionneur. Je l’ai voulue comme un poème dans la société avec une fonction révélatrice et perturbatrice du système.»

Il rénove aussi la critique de cinéma en Suisse romande dès les années 1950 en mettant sa plume volontiers polémique au service de la presse romande et de publications culturelles. Il admettait écrire parfois «des articles incompréhensibles» et s’être beaucoup trompé dans ses jugements.

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Regard critique

Homme de gauche, sans être encarté à un parti, il irrite les milieux conservateurs. La Cinémathèque se voit accusée d’être un centre de propagande communiste pour avoir montré du cinéma de pays de l’Est et édité un ouvrage sur le néo-réalisme italien écrit par deux auteurs de gauche.

«Je l’ai eu comme professeur quand j’étais étudiant à l’Université de Lausanne», ajoute Lionel Baier. Il vivait, il narrait l’histoire du cinéma de l’intérieur et toujours avec rigueur. Lionel Baier se souvient de Freddy Buache, assis au premier rang, dans la salle du Cinématographe, qui demandait d’un geste à l’opérateur de lancer un extrait et qui criait lorsque ce dernier se trompait: «Il connaissait les extraits, à l’image près». La Cinémathèque suisse organisera cet automne un hommage public au Lausannois.

A l’occasion des 50 ans de la Cinémathèque suisse en 1998, la conseillère fédérale d’alors, Ruth Dreifuss, avait déclaré: «Il m’a ouvert les yeux sur le cinéma.»

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L’hommage de la RTSLien externe


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