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Bâle attend un demi-million de visiteurs pour Van Gogh

La rencontre entre Van Gogh et le public a lieu jusqu'en septembre à Bâle. Reuters

La grande exposition Van Gogh, «Entre terre et ciel» ouvre ce dimanche au Kunstmuseum de Bâle. Consacrée exclusivement aux paysages, elle compte 70 tableaux de 1883 à 1890. Un beau parcours.

L’exposition Van Gogh est «unique au monde». C’est en tout cas ce que promettent les prospectus, les publicités, les t-shirts et autres objets mis en circulation dans la ville au bord du Rhin avant l’ouverture des portes au public ce dimanche.

«De façon mystérieuse, jamais le paysage chez Van Gogh n’avait été traité dans une seule exposition», s’est étonné Bernhard Mendes Bürgi, le directeur du Kunstmuseum, jeudi lors de la présentation aux médias. Mais il ne fournit aucune explication à cette lacune.

Le nombre de tableaux est aussi souligné avec insistance: avec 70 toiles, c’est un ensemble «spectaculaire» qui est présenté. L’exposition se veut un «panorama complet du monde de Van Gogh». La barre est assurément placée très haut.

Les iris et les tournesols: ailleurs

Les visiteurs s’attendant à un accrochage grandiose permettant de passer de tableau connu en tableau célébrissime risquent d’être déçus. Il y a davantage de tournesols et d’iris sur les objets en vente au magasin du musée, spécialement installé au premier étage, que sur les tableaux exposés.

«Nous avons voulu mettre l’accent sur les nouvelles connaissances scientifiques à propos de l’œuvre de Van Gogh, a expliqué Bernhard Mendes Bürgi. Chronologique, le parcours d’exposition montre l’attachement de Van Gogh aux cycles de la nature – à la fin et au recommencement des choses, disait ce fervent croyant qui avait voulu devenir prêtre.

Le Kunstmuseum nous apprend aussi que Van Gogh a pensé à de nombreux tableaux en termes d’ensembles. C’est le cas du triptyique composé des «Bords de rivière au printemps», un des rares paysages de la période parisienne (1886-88) totalement dépeuplé, de «la Pêche au printemps» et de «Femme dans un jardin».

Arles et le suivi des saisons

Les trois tableaux sont conservés en des endroits différents (Dallas, Chicago et dans une collection privée). Leur réunion compte parmi les réussites de l’exposition. Un accrochage un tant soit peu plus rapproché – le catalogue y parvient avec une double page à droite – rendrait toutefois la lecture de l’ensemble plus aisée.

La période qu’il passe en Arles (1888-90) est révélatrice de sa volonté de suivre les saisons. Une salle contient pas moins de six champs de blé où le peintre expérimente différents types de touches.

Dans le sud de la France particulièrement, où, après la crise avec Gauguin, la maladie se manifeste avec une acuité telle qu’elle le pousse à rejoindre de lui-même un hôpital fermé, Van Gogh «recherche dans le paysage liberté et protection, un ressourcement contre la maladie», selon Bernhard Mendes Bürgi.

«Entre terre et ciel» – et non l’inverse

«Plus je deviens laid, vieux, méchant, malade et pauvre, et plus je cherche à réparer mon échec en rendant mes couleurs éclatantes et bien proportionnées, éclatantes», écrit le peintre dans une des fameuses lettres à son frère Théo. Des lettres qui permettent d’appréhender l’énorme souffrance de Vincent Van Gogh face à la solitude.

Mais la peinture lui offre parfois ces instants de réconciliation et d’équilibre. «Nous avons consciemment inversé l’expression «entre ciel et terre» pour le sous-titre de l’exposition, a précisé le directeur du musée. C’est dans un dialogue entre les deux, en partant du réaliste pour aller vers l’immatériel et le métaphysique, que Van Gogh a trouvé un équilibre.»

Avant cela, le peintre a abandonné sa palette sombre, typique de la période hollandaise (1883-85). Comme ses contemporains qui s’affranchissent des formes grâce à la couleur, celle-ci le préoccupe depuis ses débuts.

«Les champs de fleurs en Hollande», peu connus, issus d’une collection privée, l’illustrent à merveille. Il précède, dans l’exposition, une autre merveille, «Le bateau à tourbe» (1883), où Van Gogh n’est pas loin de l’abstraction – déjà.

Emerveillement final

C’est le séjour à Paris (1886-88) et sa découvre de l’art japonais, très en vogue à ce moment-là, et de l’impressionnisme (dont il nomme le style «japonais») qui changent sa palette.

Si l’exposition pèche, ça et là, par des choix étonnants (difficile de voir un paysage dans «La fête du 14 juillet à Paris» ou «Le restaurant de la sirène») et des absences regrettables (mais l’on comprend la difficulté à faire venir des œuvres), la dernière salle est un émerveillement à elle seule.

Peint, comme 75 autres tableaux (sans compter les dessins) dans les 70 jours ayant précédé son suicide à Auvers, chez le docteur Gachet, «Le jardin à Auvers», aux lignes abstraites et sans excès, montre un Van Gogh comme apaisé et réconciliant ses influences.

D’un format nouveau pour le peintre (50 sur 100 cm), «La plaine d’Auvers» suit une composition également empreinte d’accalmie, loin des tournoiements d’étoiles dans les ciels du sud de la France (non exposés). Mais le ciel est gris-bleu, annonciateur de tempête…

swissinfo, Ariane Gigon, Bâle

«Van Gogh. Entre terre et ciel: les paysages» présente du 26 avril au 27 septembre 2009 70 paysages réalisés par Van Gogh (1853-1890).

L’idée de l’exposition est née en 2002, lors du retour de la collection Staechelin au musée, comprenant 3 œuvres de Van Gogh. Avec ses propres œuvres, le Kunstmuseum a pu bâtir l’exposition sur la base de ce «fondement» de six tableaux.

C’est la première fois qu’une exposition se penche exclusivement sur le thème du paysage dans l’œuvre de l’artiste.

Quarante tableaux d’artistes contemporains à Van Gogh (Corot, Manet, Degas, Signac, Monet, Renoir, Sisley ou encore Pissarro), également des paysages, sont présentés en contrepoint.

La vente de billets a commencé l’année dernière déjà. Le musée n’a pas donné de chiffres, deux jours avant l’ouverture, sur l’état des ventes. Il est conseillé de réserver suffisamment à l’avance.

Le musée attend 500’000 visiteurs pour rentrer dans ses frais, soit 490 personnes par heure. La majorité des salles compte un ou deux murs sans tableaux pour éviter les cohues.

Le budget n’est pas connu – on parle d’un montant en millions, à deux chiffres.

La somme d’assurance atteint plus de 2 milliards de francs.

Un catalogue très instructif et pratique à consulter (notes en pleine page et non en fin de chapitres…) existe en allemand, en anglais et en français au prix de 59 francs.

Bâle sera à l’effigie de Van Gogh tout l’été. Des «sablés de Vincent» dans les boulangeries à une bière Ueli dont ont ne voit pas très bien le lien avec le génial Hollandais, en passant par les Läckerli dans des boîtes peintes au motif des iris ou un poster géant à l’aéroport de Bâle-Mulhouse, Van Gogh est partout.

Artiste solitaire, malade, «fou» aux yeux de certains de ses contemporains, Van Gogh (1853-1890) attire toujours les foules dans les musées.

L’exposition «Van Gogh. Gezeichtnete Bilder» qui s’est terminée en décembre 2008 à l’Albertina de Vienne a attiré près de 590’000 visiteurs en 3 mois.

En 2000, la fondation Gianadda de Martigny avait attiré 450’000 personnes, son plus grand succès, grâce à Van Gogh.

Le record de visiteurs pour une exposition temporaire en Suisse est détenu par Toutankhamon au Musée de l’Antiquité de Bâle en 2004 (620’000 personnes). Selon la NZZ, 26 millions de francs avaient été investis dans cette exposition.

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