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Bagdad décalé

La couverture du livre. campiche.ch

Ni carnet de voyage ni roman, «Shrapnels. En marge de Bagdad» écrit par Élisabeth Horem est un livre qui parvient à captiver le lecteur, à piéger son esprit.

Récemment publié par Bernard Campiche, il raconte Bagdad d’une autre manière. A la quête du vivant en dépit des horreurs de cette guerre qui n’a plus de nom.

Le plaisir de lire va et vient. Toujours ! Ressac incessant rythmé par les parutions. Il s’en va, souvent, avec la grande conformité de l’écriture, du style, ou du sujet.

Il revient lorsque le hasard décide de mettre en mains un livre, un vrai. C’est ce qui m’est arrivé avec «Shrapnels. En marge de Bagdad» d’Elisabeth Horem.

Ce qui caractérise Élisabeth Horem, c’est sa maîtrise de la narration. Vocabulaire précis et sobriété du style sont les points forts de son œuvre. Ce sont les ingrédients de l’incroyable efficacité littéraire de cet auteur. Même l’aridité des premières pages de l’ouvrage ne peut rebuter véritablement le lecteur.

Celui qui s’aventure et persiste sent, tout de suite, que ces chapitres courts – pour ne pas dire brefs – ne sont faits que pour placer ce pronom personnel (elle), par lequel Élisabeth Horem se désigne.

Visiblement, elle met une distance entre les évènements, les personnages ou les lieux, qu’elle décrit. Si l’émotion est toujours sous-jacente, elle n’est jamais une évidence. La narratrice se protège. C’est visible, c’est sensible.

Alors, il faut apprivoiser les mots. On passe de situations en lieux, de gens en circonstances, sans précaution, d’une manière presque brutale. Malgré cela, le charme opère. Les ambiances sont magnifiquement rendues, des images se créent, passent et repassent dans l’esprit du lecteur captivé.

Les balles sifflent et les éclats frôlent…

On sait Bagdad par la télévision, par les reportages… Enfin on croit savoir ce qui se passe réellement dans cette ville magnifique, splendide comme une femme violentée.

Le récit se poursuit avec les explosions incessantes qui battent comme un rythme sourd, comme un cœur ardent. Les habitants gémissent, pleurent ou hurlent, ils vivent. On les entend, on les aperçoit. On ressent leur existence qui baigne dans une «lumière qui éteint plus qu’elle n’éclaire».

Quand commence le récit, depuis un an, Élisabeth Horem habite cette ville pathétique. Elle y a rejoint son mari. Il est ambassadeur.

Alors que, tout autour d’elle, rode la mort, elle se dédie à la quête du vivant. Elle cherche cette vie, la traque, la débusque, malgré les explosions, sous les décombres, en dépits des horreurs de cette guerre qui n’a plus de nom.

Sans prendre position

Dans cette ville pulvérisée, Élisabeth Horem, chaque jour, avance parmi les ruines, au beau milieu de toute cette violence, de tous ces cris douloureux, les yeux simplement grands ouverts.

Avec des mots précis, choisis, elle dit ce qui l’entoure, ce qui la cerne et la submerge. Avec des phrases, elle raconte, à sa manière. Elle suscite des images qui frappent l’esprit, provoquent la réflexion, puis oblige à constater que, sous les voiles de la mort, surgit encore et toujours la vie. Intense. Tenace. Constante. Irrépressible comme l’espérance.

Élisabeth Horem ne prend pas position, elle scrute. Elle ne s’indigne pas, elle enregistre et redit. On la sent décalée par rapport à cette réalité brutale, sanglante, mortelle. Elle est témoin. Simple témoin…

Shrapnels, etc.

Cet ouvrage est fait d’éclats, de fragments, comme ceux que projètent ces munitions qu’on nomme shrapnels qui, après avoir exploser blessent et tuent avec une multitude de sous munitions qui sont dispersées tout autour.

Apparemment, cette relation ne ressemble pas aux romans précédents d’Élisabeth Horem. Il suffit d’avoir lu «Le Chant du bosco» ou «Le Fil espagnol» pour se convaincre de cette coupure dans le travail de l’auteur.

Cela lui donne un intérêt majeur, sensible, lui procure une substance différente qui permet de mieux ressentir cette écrivaine, comme disait (et exigeait) mon amie Françoise d’Eaubonne décédée en août dernier.

swissinfo, Rolf Kesselring

Femme d’un diplomate suisse en poste à Bagdad, Elisabeth Horem évoque les tragédies et les espoirs des habitants dans son dernier roman intitulé «Shrapnels. En marge de Bagdad» (Ed. Campiche).
Précédents ouvrages d’Élisabeth Horem: «Le Ring », «Le Congo-Océan», «Le Chant du bosco», «Le Fil espagnol».

Shrapnels. En marge de Bagdad.
Par Élisabeth Horem
Chez Bernard Campiche, éditeur

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