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Céline Bolomey dans le difficile rôle de jurée

Du bruit dans la tête (2008)

Au Festival de Locarno, la jeune actrice suisse est membre du jury qui décerne samedi les Léopards de demain aux réalisateurs de courts métrages prometteurs... comme elle. Son travail lui a en effet valu cette année une pluie de récompenses.

Meilleure interprétation féminine pour son rôle dans Du Bruit dans la tête lors des Prix du cinéma suisse ce printemps. «Shooting Star suisse 2009» lors du 59ème Festival international du film de Berlin. L’année a jusqu’ici été faste pour Céline Bolomey.

Mais les «honneurs», comme elle baptise cette série de distinctions, cela sert surtout à «faire parler de soi». Un peu. Quitte à en profiter alors pour parler des films. Beaucoup. Car l’essentiel est là à ses yeux.

C’est dire si la jeune comédienne prend au sérieux sa responsabilité au sein du jury des Léopards de demain. Entendez les réalisateurs de courts métrages suisses et étrangers dont le passage au long métrage promet.

Vêtue aux couleurs du Pardo – en jaune et noir -, Céline Bolomey, se plie donc au jeu de l’interview pour mieux faire passer un message. De ses ongles rouges-roses de femme-enfant, elle le souligne, «un peu de paillettes fait rêver les gens, mais il est faux de s’arrêter à cela, sinon on court le risque d’oublier de parler de cinéma.»

Histoires prétextes

Parlons-en donc. A commencer par Du Bruit dans la tête, où, sous la direction du réalisateur genevois Vincent Pluss, elle incarne Laura. Une trentenaire déboussolée en plein naufrage amoureux qui, pour éviter de se retrouver face à elle-même, accueille chez elle un ado fugueur.

Un film sensible qui en aurait peut-être été meilleur si son motif principal – ce fameux «bruit dans la tête», soit les soudains décrochages de réalité affectant Laura – avait été rendu de manière plus subtile. Un film aussi où, du début à la fin, Céline Bolomey prête avec talent la sûreté de son jeu à son personnage pourtant rongé d’incertitudes.

«Ce qui m’ennuie terriblement, ce sont les histoires prétextes, les réalisateurs qui parlent de choses compliquées et douloureuses en sachant qu’ils vont d’office toucher les gens et faire appel à leur compassion. J’aime les films qui observent et qui posent vraiment un regard, les œuvres en creux, qui donnent, mais ne donnent pas tout, qui demandent au spectateur de s’impliquer», explique-t-elle.

D’où sa préférence pour des réalisateurs tels que Sydney Pollack, David Lynch, Wim Wenders, Jean-Luc Godard, parmi les «milliards» qui ne lui viennent pas spontanément en tête. D’où aussi son admiration pour les «grandes» actrices que sont Kate Blanchett ou Tilda Swinton.

L’apport du théâtre

Et Céline Bolomey d’avouer son enchantement lorsqu’elle a découvert que toutes deux avaient passé par le théâtre. Comme elle. Venue au cinéma par hasard quand elle avait une dizaine d’année via une petite annonce pour un film de Michel Roddes, Le Voyage de Noémie, la jeune comédienne s’est elle d’abord orientée vers la danse.

Puis elle a suivi des cours de théâtre à Bruxelles. «Le rapport direct avec le public reste quelque chose d’extrêmement précieux pour moi», confie-t-elle. A l’avenir, elle espère donc réussir à concilier théâtre et cinéma. Et si les agendas des deux secteurs sont parfois difficile à coordonner, exercer à la fois sur les planches et derrière une caméra est selon elle un atout.

«Au début, c’est horrible de se voir à l’écran. Mais, contrairement à ce que disent certains acteurs, je pense que c’est bien de réussir à regarder ses films. Grâce à cet effort de distanciation, on en apprend beaucoup sur nos limites… et sur nos qualités.»

Chemin cinématographique

Hors champ, Céline Bolomey tient en tout cas à montrer qu’elle a su garder la tête froide. «Shooting star» peut-être, mais pas dupe, elle sait que le versant caché du grand écran et des paillettes, c’est le travail, «collectif» tient-elle à préciser, et les contacts.

«C’est bien joli de nous faire défiler sur des podiums en robes de soirée, mais si les gens n’ont pas la possibilité de voir les films à cette occasion, je ne vois pas vraiment l’intérêt», confie-t-elle sur le mode rebelle. Avant de reconnaître que la présence des directeurs de castings européens et même américains lors d’une tel événement y donne tout de même son sens.

Entre aspiration à l’absolu de l’art et contingence matérielle, Céline Bolomey se définit avant tout comme «une artisan». Ce qui l’intéresse, c’est «le travail concret: rencontrer des équipes, savoir de quoi on veut parler, élaborer un langage qui nous est propre sur le monde d’aujourd’hui.»

Autant d’exigences présentes d’après ses dires dans bon nombre des quelque 35 courts métrages qu’elle a visionnés au sein du jury qui décerne samedi les «Petits Léopards d’or». Lesquels, espère-t-elle, feront à leur tour des petits: «Locarno, c’est l’occasion de tisser des liens qui permettront aux films de poursuivre leur chemin cinématographique.»

Carole Wälti à Locarno, swissinfo.ch

Origines. Céline Bolomey est née en 1975 à Lausanne.

Formation. Elle a étudié le théâtre à l’Institut National Supérieur des Arts du Spectacle (INSAS) de Bruxelles.

Théâtre. C’est sur les planches qu’elle a débuté sa carrière, notamment dans des mises en scène du Bulgare Galin Stoev (Antigone, Oxygène) et du suisso-colombien Omar Porras (Bakkhantes).

Filmographie. Au cinéma, Céline Bolomey a joué notamment dans AM-PM de Francesco Cesalli (2001), iXième – Journal d’un prisonnier de Pierre-Yves Borgeaud et Stéphane Blok (2003) et On dirait le Sud de Vincent Pluss (2002).

Distinction. Son rôle principal dans Du Bruit dans la tête, également signé Vincent Pluss (2008) lui a valu le Prix du Cinéma Suisse 2009 pour la meilleure interprétation féminine.

Le Festival international du Film de Locarno est le plus important du genre en Suisse. Cette année, il prend fin le 15 août.

Il a vu le jour en 1946, soit la même année que le Festival de Cannes. Avec la Mostra de Venise, il fait partie des plus anciens festivals de cinéma du monde.

Au total, 18 films sont en compétition pour le Léopard d’or.

C’est en 1968 que le Léopard (abrégé «Pardo» en italien) est devenu l’emblème de la manifestation. Avant, les récompenses portaient diverses appellations, dont «Voile d’Or».

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