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«C’est un fameux trois mâts»

Mike, de Sinsemilia. "Je veux vous entendre!" Paléo. Lionel Flurin

De tout un peu pour cette deuxième soirée du Paléo, avec un trio gagnant subjectif, vitaminé et français: Sinsemilia, Hugues Aufray et Louis Bertignac.

Impossible de tout voir. On a pourtant essayé. Parfois, on ne fait que passer, parfois, on reste scotché. Ou plutôt envoûté.

Sinsemilia [musique populaire]: groupe de reggae français à la bonne humeur communicative. [botanique]: variété de cannabis.

Depuis quelques mois, impossible d’ignorer qu’ils nous souhaitent «Tout le bonheur du monde». Mais avant d’entrer au Top 50, le gang de Grenoble aura couru pendant une bonne douzaine d’années les routes de France, de Navarre, et d’Helvétie notamment.

Au départ, le groupe militait (en anglais) pour la libéralisation des herbes folles. Mais Sinsemilia a rapidement étendu son répertoire à l’ouverture, la tolérance, la lutte contre le racisme, chantés dans la langue de Voltaire, de Renaud et de Brassens – dont ils reprennent au passage (et à la dynamite) «La mauvaise réputation».

Sur la grande scène, alors que le soleil inonde encore la plaine de l’Asse, Mike, le chanteur rasé, Rike, son homologue «dreadlocké» et leurs huit compères confirment leur réputation de fabuleux «entertainers» – sorry Voltaire, mais ça sonne quand même mieux que «divertisseurs».

«Désolés, mais avec les horaires du Festival, on doit se limiter à une heure. On préférerait deux et demie, mais on espère vous voir un jour à un concert complet». Un public averti en vaut deux. Il faudra en profiter intensément.

Et le message passe. Impossible de garder les pieds rivés au sol face à la débauche d’énergie sautillante du groupe. Rike réinvente le rituel du bain de foule et Mike parvient même à faire tomber le t-shirt aux spectateurs – un peu moins aux spectatrices, il est vrai, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé. Impressionnant de voir 10 à 15’000 morceaux d’étoffe multicolores qui tourbillonnent dans les airs.

Impressionnant également, le moment où Sinsemilia fait asseoir la foule, pour une seule pièce acoustique. «Ecoutez, on a quelque chose à vous dire». Et elle ne s’en relève que plus speedée pour la suite.

La musique? A l’image du show, bondissante, joyeuse, rythmée en diable. Tout le bonheur du monde, quoi…

Juliette: anti-bimbo de la chanson française.

Juste le temps d’un détour par le chapiteau. Celle que l’on dit capable de chanter Baudelaire en latin est en train de revisiter «Honky Tonk Women» des Rolling Stones. Jagger et Richards? Non une petite bonne femme plutôt boulotte qui hurle le hard blues et triture magnifiquement sa guitare.

Etonnant. A creuser.

George Clinton: papy du funk, passablement essoufflé.

C’est quoi la frontière entre excentricité et mauvais goût? Sur la grande scène, ils sont une bonne quinzaine à arborer des tenues que ni vous ni moi n’oserions porter pour sortir en boîte. Et sauf le respect dû à son âge, le guitariste bedonnant en couches-culottes n’est que très moyennement sexy…

Bon on n’en est qu’au tour de chauffe. Mais l’entrée du maître ne dynamise pas vraiment l’ensemble. La rythmique semble molle et empâtée, les voix éraillées, les sons ténus. On se demande pourquoi il faut autant de monde pour faire aussi peu d’effet. «We want the funk», clame le band. Mais il ne suffit pas de vouloir, hélas.

Décidément, les plats indiens que l’on sert au village du monde sont nettement plus épicés. Enfin, question de goût…

Jamiroquai: porte-drapeau du funk blanc et britannique.

…ou de la renaissance du disco, c’est selon. Toujours sur la grande scène. Là, ça bouge déjà nettement plus. Dans son rutilant décor tout en inox, coiffé d’une drôle de tiare qui évoque à la fois l’indien et l’inca, le chanteur Jay Kay et sa bande ont de toute façon partie gagnée d’avance, au vu de leurs succès discographiques des dix dernières années.

Ça ne balance peut-être pas tellement aux premiers rangs, mais bon, on ne peut pas tout voir. D’autant que presque en même temps sous le chapiteau, il y avait…

Hugues Aufray: faut-il encore le présenter?

«C’est le type qui chante “Hisse-et-ooh… Santiaa-no”», explique doctement un ado d’au moins quinze ans à son copain. «Ah oui. Je l’aime bien. Il la fera sûrement en premier. Ou en dernier».

Il la fera en dernier. Dans une ambiance de ferveur incroyable, repris en chœur par… combien de poitrines? Difficile à dire, tant le chapiteau déborde des deux côtés. Alors, on chante toujours ça dans les veillées scout au coin du feu? Mais les jeunes ne vont plus aux scouts…

Serait-ce que les mélodies du vieux barde sont éternelles? Et non seulement les siennes, mais celles de Dylan («Times they are a Changin’», «Blowing in the Wind»), dont il fut le traducteur en français, et de Felix Leclerc, avec ce «Petit Bonheur», qui ce soir devient tellement grand…

Sans oublier les beaux yeux de Céline, la fraîcheur des Premières Jonquilles ni ces adieux à Monsieur le Professeur, que les jeunes connaissent au moins via la reprise si mièvre des élèves de la Star Ac’.

Le tout servi par cette voix au timbre métallique si caractéristique et par une brochette de ce que la scène française a produit de mieux. On aura même droit à des passages instrumentaux de toute beauté, où le thème à la flûte de «Santiano» sonne un peu comme la mélodie créée par James Horner pour «Titanic».

Et ce soir, l’Asse et son camping retentiront encore longtemps des «Hisse-et-ooh» d’un public ravi. Toutes générations confondues.

Hollywood Porn Stars: la dernière histoire belge du Paléo.

Drôle de nom. Rien de classé x pourtant dans le show de ce jeune groupe qui se produit pour le second soir sous le club tent.

Seront-ils les nouveaux Clash? Sous leurs dégaines de dandys à la Roxy Music, ils en ont en tout cas déjà les attitudes et l’énergie. Certes, le jeu des guitares manque encore un peu de finesse, mais qui se soucie de finesse à l’heure de reprendre (magnifiquement) un titre d’AC/DC?

En tous les cas, le quatuor belge fera reparler de lui. Et il n’est pas peu fier d’avoir réussi la veille à piquer une partie du public de… Lenny Kravitz. Rien que ça.

Mais bon, on ne peut pas tout voir. Et sous le chapiteau maintenant, il y a…


Louis Bertignac : ancien soliste de Téléphone, authentique guitar hero français.

Il attaque sur «It’s Only Rock n’Roll», des Stones (encore) et dès les premiers accords, on est déjà dans le ton. On y sera encore plus avec le «Won’t Get Fooled Again» des Who.

Imiter ainsi à la perfection Keith Richards et Pete Townshend, deux des références majeures de ce qui fut le plus grand groupe 100% rock de l’Hexagone, ça force le respect. Et ça fait danser la foule.

Bertignac a bien sûr aussi ses propres compositions. Le plus souvent aussi rock que celles de ses modèles, ou alors plus calmes lorsqu’elles sont extraites de son dernier album, écrit avec Carla Bruni. Voire carrément planantes, quand il se lance dans un long dialogue acoustique avec son joueur de sitar népalais.

Pour autant, Louis est encore abonné au Téléphone. Ça commence par une version extra-longue de «Cendrillon». Avec un passage très poétique de solo lent, où le guitariste, amplis réglés à fond, se contente de frapper les notes de la main gauche tandis qu’il fait semblant de les attraper au vol dans de grands mouvements du bras droit. Bien plus fort qu’Ardisson à la télé. Et sans trucages.

Il y aura aussi l’inoxydable «Hygiaphone» et en rappel, Bertignac demande au public de chanter à sa place. Dans le ciel, la lune est bien blonde… et le chapiteau se prend à rêver d’«Un Autre Monde». Manifeste d’une révolte adolescente un peu naïve, le titre vaut désormais surtout pour la mélodie et la pêche d’une rythmique tellement typiquement rock que plus personne en France n’a jamais su en recréer de pareille.

Il est deux heures quinze du matin. Louis Bertignac ne s’est pas vraiment soucié des horaires du Festival. Mais qui s’en plaindrait?

swissinfo, Marc-André Miserez au Paléo

Aujourd’hui jeudi au Paléo:
Luke, Starsailor, Franz Ferdinand, Babylon Circus, Tiken Jah Fakoly, Israel Vibration, Namusoke (premier groupe suisse de cette 30e édition) et quelques autres.
Les concerts sont sold out depuis longtemps, mais pour tenter de couper court au marché noir, Paléo met chaque jour les 500 dernières places en vente dès 9 heures du matin. On peut les obtenir en ligne sur paleo.ch et dans tous les points de vente Ticketcorner.
Par contre, aucun billet n’est vendu aux caisses d’entrée.

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