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De Memphis à Memphis, le marketing des dieux

Artémis & Elvis, duo divin swissinfo.ch

Le Musée de la communication, à Berne, propose une exposition intitulée «Publicité pour les Dieux» et sous-titrée «4000 ans de porte-bonheur».

En cinq étapes, un survol des techniques utilisées au cours des temps pour rapprocher peuples et idoles.

Memphis, dans le Tennessee, a son Temple: Graceland, la maison d’Elvis, dans le jardin de laquelle repose le corps du dieu lui-même. Ils sont environ 600’000 pèlerins à se recueillir sur les lieux, chaque année. Avec une pointe de taille le 16 août, date de la mort du King.

Après avoir visité la vaste propriété, ses pièces au kitsch surréaliste et moelleux, après avoir traversé les innombrables boutiques, le visiteur repartira avec un T-shirt, un cendrier ou un stylo dûment estampillé Elvis, une horrible figurine au trémoussement mécanique, ou une médaille commémorative quelconque.

Commerce et communication

Et le phénomène n’est pas différent à Lourdes, au Vatican ou à Einsiedeln, dans le Canton de Schwyz. Einsiedeln, qui, grâce à la statue d’une Vierge Noire, devint un beau jour le principal lieu de pèlerinage de Suisse.

Qu’importe que le souvenir soit en plastique bas de gamme ou en porcelaine moche. L’important est d’emporter avec soi, et si possible de garder sur soi, un morceau du mythe.

Et par conséquent, dans un réflexe ‘synecdotique’ (la synecdoque étant une figure de rhétorique qui consiste à prendre la partie pour le tout), de s’acheter un reflet de l’idole pour tenter de s’approprier l’idole entière, que celle-ci fût un rocker ou un saint.

Les déferlements de gadgets idolatro-religieux apparaissent en général comme une invention relativement récente, strictement commerciale. Le Musée de la communication, à Berne, la place pourtant dans un contexte historique très ancien, et qui relève avant tout de la communication.

Pour illustrer son propos, elle présente un parcours en cinq étapes et cinq «divinités».

Ptah, Sin, Artémis, Marie et Elvis

On commence à Memphis, en Egypte, il y a 4000 ans. Les adeptes du dieu Ptah, que certaines loges maçonniques connaissent bien encore aujourd’hui, ont tous leur amulette: une pierre taillée en forme de scarabée, qui sert également de tampon ou de sceau. L’image de Ptah voyage donc aux quatre coins de l’Egypte…

Puis on passe du côté d’Harran, au sud de la Turquie. Là, on vénère le dieu Sin, figure de la Lune, qui chaque mois combat les forces de l’obscurité. Même principe qu’à Memphis: des petits cylindres de pierre gravée servent également de sceau, et donc de multiplicateur d’images.

Troisième étape à Ephèse, où se dressait le Temple d’Artemis, l’une des sept Merveilles du Monde. Le célèbre roi Crésus, qui y régna, fut le premier à frapper monnaie. Une monnaie sur laquelle figurait, bien sûr, l’image d’Artémis.

Or la monnaie est aussi quelque chose qui voyage, qui passe de main en main. A noter également que Crésus aurait transformé le temple en une véritable banque… Les accointances entre Eglise et l’argent ne sont donc pas nouveaux.

Puis l’on passe par Einsiedeln, ses souvenirs franchement religieux (rosaires, statuettes, médailles) ou profanes (cendrier, tasses à café, papiers de chewing-gum), mais néanmoins marqués d’imagerie ‘sainte’. Et on termine le parcours par Elvis et Graceland, sommet du genre.

En guise de «mass media», la miniaturisation

«Pour nous, l’intention est de parler des moyens de communication de masse. On pense que c’est un phénomène moderne – radio, télévision, Internet. Mais c’est un phénomène très ancien. Il y avait déjà des moyens de communication de masse il y a 4000 ans. Ils avaient une autre forme, mais ils avaient la même force!», constate Ueli Schenk, responsable de l’exposition.

La technique utilisée depuis toujours, et qui perdure aujourd’hui, est celle de la miniaturisation: «Sur tous ces objets, on a un message, la représentation de la divinité, qui est comprimé, rapetissé», relève Ueli Schenk. Dès cet instant, la divinité peut donc voyager commodément, et se répandre tous azimuts…

«La publicité, ce n’est rien d’autre que de réveiller le côté enfant qu’il y a dans chaque consommateur», a dit un jour en substance le publiciste français Jacques Séguéla. Au vu de leur succès, Ptah, Sin, Artémis, Marie ou Elvis ont tous bénéficié d’autres Séguéla, particulièrement efficaces.

swissinfo, Bernard Léchot

L’exposition «Publicité pour les Dieux, 4000 ans de porte-bonheur», est à voir au Musée de la communication, Helvetiastrasse 16, Berne, jusqu’au 25 janvier 2004. A noter également la publication d’un catalogue richement documenté (seulement en allemand).

Pour monter cette exposition, le Musée de la communication a collaboré avec le «Musée Bible+Orient», un projet du Département d’Etudes bibliques de l’Université de Fribourg, riche d’une vaste collection d’objets orientaux.

Le Musée de la communication est le successeur du Musée de la Poste, fondé en 1907, et devenu «Musée suisse des PTT» en 1949.

En décembre 1996, dans la foulée de la restructuration des PTT en deux entreprises indépendantes, le Musée a été confié à une Fondation de droit privé, et rebaptisé. Dès cette date, la nouvelle politique du Musée a associé l’histoire aux sujets d’actualité.

Le Musée de la communication «se destine à assurer un lien entre le passé, le présent et l’avenir de la communication. Le rapport entre la communication et la culture se trouve au centre de ses préoccupations.»

Ses collections sont essentiellement consacrées aux télécommunications et à l’informatique, à la radio et à la télévision, à la poste et à la philatélie, au trafic et au tourisme.

Actuellement, son exposition permanente est en complète restructuration et donc interdite au public. Deux expositions temporaires sont proposées: «Télémagie – 150 ans de télécommunication en Suisse» (jusqu’au 27 juillet) et «Publicité pour les Dieux» (jusqu’au 25 janvier 2004).

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