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Des cases pour 296 artistes

De l'art en casiers métalliques. Juxtapositions aléatoires d'où émerge parfois le sens. Musée Rath, Dorothée Thébert

La formule étonne mais fédère les curiosités. Dans le cadre de la Manifestation d’art contemporain 2011 (MAC11) le Musée Rath, à Genève, présente dans des cases en métal des œuvres d’artistes locaux souvent inconnus, auxquels carte blanche fut donnée.

Les premiers arrivés sont les premiers servis. Appliquée dans le domaine du commerce cette formule fait souvent le bonheur des lève-tôt, mais dans le domaine de l’art elle peut paraître absurde. Et pourtant, au Musée Rath, à Genève, elle fédère les curiosités et attire un large public. C’est que la formule étonne.

Son initiateur ? Fabrice Gygi, plasticien genevois de renommée internationale, qui a eu l’astucieuse idée d’offrir à des artistes – à l’occasion d’un concours – la possibilité de présenter chacun une œuvre, sans aucune contrainte de forme ou de sujet. Seule condition: être résident dans le canton de Genève et ne pas être inscrit dans une école d’art.

Il a donc mis à la disposition des artistes 296 cases en métal galvanisé (100 x 100 x 60 cm), destinées à accueillir leurs créations. Les premiers inscrits ont été retenus selon leur ordre d’arrivée. Ce qui donne 296 œuvres réunies sous l’intitulé «Rathania’s – Ars Similis Casus».

Le titre est pompeux, on en convient, mais la combinaison en est insolite, tout autant que le contenu qui reflète les folies et les phobies, les adresses et les maladresses des participants. Il y a donc à boire et à manger dans cette exposition néanmoins intéressante car elle traduit les tendances actuelles de l’art (peinture, sculpture, installations vidéo…) et les préoccupations des créateurs.

Pâte dentifrice

Mais d’abord la combinaison. «Rathania’s» est une contraction du mot Rath et du nom d’une pâte dentifrice. Quant à l’expression latine «Ars Similis Casus», elle signifie «l’art s’apparente au hasard». «Je voulais un titre racoleur et sympathique», explique dans le programme Fabrice Gygi, curateur de l’exposition.

Le hasard dont il est question ici, Gigy dit l’avoir provoqué en évitant de sélectionner les participants et en permettant ainsi aux différentes aspirations artistiques de se croiser librement. Résultat: un recoupement d’idées totalement fortuit, vu que les artistes ne se sont pas consultés. Mais les thèmes dont ils traitent se recoupent curieusement, avec la récurrence de sujets tels que l’urbanisme, les catastrophes naturelles, la communication (télévision, téléphone, Internet), la consommation de masse, etc…

Tsunami

Ici poussent des villes, là des gratte-ciel, là-bas encore des maisons au style design…  Trois immeubles en carton, collés les uns aux autres, affichent leurs minuscules fenêtres comme autant d’échappatoires à un monde asphyxié par la promiscuité. La sculpture est signée Benoît Billotte. Elle offre un pendant architectural à l’œuvre d’André Kurz, une fresque dans laquelle s’allonge, au bord d’un fleuve, une ville en noir et blanc égayée par la présence d’un Luna Park.

Si certains artistes semblent craindre le «bétonnage» de notre planète, d’autres expriment leurs angoisses quant aux catastrophes qui la menacent. Le thème du tsunami inspire ainsi plusieurs participants. Il y a ceux qui l’évoquent en s’amusant, comme Théo & Dora. Le tandem a reproduit, avec du ruban rafia, le mouvement tournant d’un cyclone et a pris soin de le théâtraliser en le plaçant à l’intérieur d’une scène à l’italienne.

Moins ludique est la vision de Renée Furrer, qui dans son «Tsunami» exhibe le corps menaçant d’une sirène faite de tétons de verre.

La télé produit de l’intox

Autre centre d’intérêt, la communication. Sous toutes ses formes. Dans l’une des cases, une minuscule télévision diffuse en boucle des images des émeutes grecques. La crise de l’euro est au cœur de l’information, ici détournée par un commentaire en total décalage avec le sujet.

Le message est clair: la télé produit de l’intox. Elle nous empoisonne, comme le téléphone d’ailleurs. C’est du moins ce que dit cette autre installation intitulée «Leave a message after the bip». Ici, un appareil téléphonique trône au milieu d’une forêt de post-it sur lesquels des visiteurs ont laissé des mots, drôles, provocateurs, insignifiants, convenus….

Si certaines œuvres sont intéressantes par le message qu’elles diffusent, d’autres pêchent par une absence criarde de sens ou d’esthétique. Malgré tout, «Rathania’s» vaut le détour. A noter que l’exposition s’inscrit dans le cadre de la MAC 11, biennale genevoise pluridisciplinaire qui en est à sa 4e édition.  

A l’origine de cette manifestation, Patrice Mugny, ex-magistrat chargé de la Culture en Ville de Genève, qui voulait ainsi présenter la richesse et la diversité de la production artistique locale et offrir une vitrine à des créateurs souvent inconnus.      

Point fort de la MAC cette année, «Rathania’s». Il faut dire que le concept de Fabrice Gygi est audacieux. Il n’est sans doute pas du goût de tout le monde, mais il secoue au moins le consensus.

«Rathania’s –Ars Similis Casus», Musée Rath, Place Neuve, Genève, jusqu’au 23 octobre. Tous les jours de 10 h à 18 heures, les mercredis jusqu’à 20 heures. Fermé les lundis.

La 4e édition de la Manifestation d’art contemporain (MAC11) invite un large public à mieux connaître la diversité des lieux et de l’offre en matière d’art contemporain.

Elle reflète l’actualité culturelle du moment présentée par les institutions, les centres d’art et les galeries.

Elle propose, par ailleurs, de nombreuses rencontres avec le public (parcours d’artistes, conférences, visites commentées, etc.), et apporte un éclairage particulier sur les espaces indépendants et la culture dite «alternative».

Point d’orgue de l’édition 2011, l’exposition «Rathania’s» dont la curatelle est assurée par Fabrice Gygi. Artiste genevois, ce dernier a représenté la Suisse à trois grandes biennales: Le Caire (1996), Sao Paulo (2002) et Venise (2009).

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