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Le Salon du livre met le Mexique à l’honneur

Exemple du rayonnement de la littérature mexicaine: l'oeuvre poétique de Soeur Juana Inés de la Cruz. Miguel Cabrera

Le Salon du livre et de la presse de Genève ouvre ses portes mercredi. Quelque 90'000 visiteurs y sont attendus durant cinq jours. Le Mexique est l’hôte d’honneur de cette 27e édition. L’occasion notamment pour le public de redécouvrir Frida Kahlo, icône de la peinture mexicaine.

«Nous sommes heureux que le Mexique soit notre invité d’honneur, déclare la présidente du Salon Isabelle Falconnier. C’est un pays dont la littérature est l’une des plus prolifiques et les plus influentes de la langue espagnole.»

«Pour montrer une partie de cette diversité culturelle, nous avons mis sur pied un vaste programme incluant des ateliers et des conférences, de la musique, du cinéma, des expositions, des dégustations culinaires, une présentation des plus récentes découvertes archéologiques ainsi que l’analyse de l’expérience de l’exil dans la littérature avec des écrivaines mexicaines établies en Suisse», explique Eugenia Cabrera, attachée culturelle à l’ambassade du Mexique à Berne.

Araceli Rico est l’une d’entre elles. «De l’extérieur, la vision du monde, et en particulier de l’art et de la littérature, change et s’élargit, compte tenu de la confrontation avec la culture d’adoption. La vision du Mexique se fait plus critique, échappe à un cliché réducteur et acquiert une dimension universelle», explique cette écrivaine qui a vécu à Paris, à Rome, et qui est établie à Zurich depuis une vingtaine d’années.

La 27e édition du Salon du livre et de la presse se tient à la halle Palexpo (à côté de l’aéroport) de Genève du 1er au 5 mai.

Quelque 90’000 visiteurs sont attendus.

Parmi les écrivains présents, citons notamment le Genevois Joël Dicker, l’Américain Douglas Kennedy ou encore les Français Eric-Emmanuel Schmitt et Philippe Djian.

Des sortes de «places de village» ont été créées autour de diverses thématiques, a indiqué la présidente du Salon Isabelle Falconnier lors de la conférence de presse de présentation. Les visiteurs pourront du matin au soir y écouter des raconteurs d’histoires, choisir un livre ou se sustenter.

Parmi elles, une «place suisse» qui sera consacrée à la création littéraire nationale.

Enorme intérêt

Historienne de l’art, essayiste, conférencière et collaboratrice de swissinfo.ch, Araceli Rico dirige le Centre culturel Juana Inés de la Cruz, à Zurich. Son programme académique inclut l’analyse d’auteurs de langue espagnole.

En Suisse, dit-elle, il existe un énorme intérêt pour la littérature hispano-américaine. Bien que ses étudiants n’aspirent pas à démêler la complexité de El Quijote, la professeure les accompagne notamment dans les subtilités de plume de la Décima Musa, dans le monde magique de Juan Rulfo et de Gabriel García Márquez ou dans l’intensité de Carlos Fuentes.

Cependant, son analyse de l’art mexicain et sa propre création littéraire l’ont davantage tournée vers une artiste plastique. «Frida Kahlo (1907-1954) est un personnage qui, d’une certaine manière, m’a toujours accompagnée», dit-elle.

Leur rencontre remonte aux années 1980, lorsque Araceli Rico décida de consacrer sa thèse de doctorat à la Sorbonne à la peintre mexicaine. «Personne ne la connaissait alors, elle semblait exotique. J’ai expliqué à mon professeur de qui il s’agissait. Il n’a rien voulu en savoir jusqu’à ce que je lui dise qu’elle était la femme de Diego Rivera. On se rend ainsi compte combien les thèmes féministes, surtout dans l’art, étaient laissées de côté durant ces années-là», se souvient-elle.

Araceli Rico a passé ces vingt dernières années à tenir des conférences et des ateliers sur Frida Kahlo dans différentes villes de Suisse, de Belgique, d’Espagne et d’Italie. En 2009, cette somme de connaissances a fait l’objet d’un nouveau livre, délivré de toutes les restrictions imposées par un travail de doctorat: Frida Kahlo. La agonía en la pintura.

Araceli Rico

Calvaire physique et moral

Chez Frida Kahlo, l’image du corps est le «dépositaire de ses émotions». «Tout passe par son corps, absolument tout. Ses peintures se situent entre le spirituel et le charnel et peuvent être ainsi extrêmes. Il s’agit d’un langage intégré au rythme de son propre corps, au rythme de ses tensions, de ses intensités et de ses passions», souligne Araceli Rico. 

Cette dernière a vécu deux décennies avec cette icône de la peinture mexicaine et son calvaire physique – une barre métallique lui avait traversé le corps lors d’un accident de la route. Mais aussi un calvaire moral dû à son incapacité à être mère, aux infidélités de son mari et à son désir de s’imposer comme artiste aux côté de ce monstre sacré du muralisme mexicain.

Araceli Rico se souvient qu’en 1998, lorsque la Fondation Pierre Gianadda exposa pour la première fois l’œuvre de Frida Kahlo (et de Diego Rivera) en Suisse, la peintre mexicaine avait fait forte impression sur le public. «J’ai pu définitivement vérifier que, comme le disait André Bretton, l’art de Frida Kahlo est un ruban autour d’une bombe».

Cet effet est-il resté le même? Le Salon du livre de Genève donne l’occasion de le vérifier.

(Adaptation de l’espagnol: Olivier Pauchard)

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