Des perspectives suisses en 10 langues

Gian Kaiser, un jeune auteur de 70 ans

Gian Kaiser dans sa maison d'Ayent, en Valais. swissinfo.ch

Ce Grison a passé plus de la moitié de son existence à parcourir l'Amérique du Sud et l'Asie. Les hasards de la vie lui ont permis de découvrir sur le tard «le bonheur d'écrire».

Gian Kaiser est l’un des seize lauréats du Concours d’écriture «Encrages». Ils seront récompensés au Salon du livre de Genève, lors de la présentation du recueil de leurs textes.

«Je suis polyglotte et j’ai la parole lente. Les mots écrits s’adaptent à mon rythme, à ma timidité, et me permettent enfin de participer au dialogue avec les autres. Je découvre un moyen d’expression qui me comble de bonheur», raconte Gian Kaiser, visage rond de yogi fendu par un sourire qui lui plisse les yeux.

Il ajoute que cela faisait longtemps qu’il avait envie de communiquer. «Je pensais souvent à mes histoires mais je me trouvais trop simple pour écrire.»

Finalement, c’est poussé par sa femme Monique que Gian Kaiser a décidé de participer, à la dernière minute, au concours d’écriture «Encrages», organisé en 2006 par le Pour-Cent culturel Migros, l’Académie suisse pour le Développement (SAD) et les Editions d’en bas.

16 sur 287

«Le ciel des sommets» est un récit rugueux dans lequel Gian Kaiser raconte son enfance marquée par le déracinement des Grisons à Zurich, le père ayant dû renoncer à son métier de guide de montagne pour l’usine.

«C’était ma première migration, raconte-t-il. À l’école, il a fallu apprendre «cet horrible langage» (le suisse allemand). Ses camarades, qui n’ont jamais entendu parler du romanche, le traitent de «sale étranger». Sa «seule et unique défense sera de cogner».

Avec quinze autres, ce texte, dont on brûle de connaître la suite, a été retenu par le jury d’«Encrages». Sur les 16 auteurs du recueil publié par les Editions d’en bas, 3 recevront un prix, dimanche à Genève.

«C’est le Pour-Cent culturel de la Migros qui nous a contactés, indique Carole Berthoud, coordinatrice de la SAD. Lancé en Suisse alémanique en 2004, le projet (‘Fremde Federn’) a eu un tel succès que la Migros a cherché des collaborations en Suisse romande.»

Avec un succès égal puisque «Encrages» a reçu très exactement… 287 textes. «Ils proviennent de migrants suisses en Suisse ou à l’étranger, ou encore d’étrangers en Suisse. Il ne manque que l’Australie comme pays de provenance», relève Carole Berthoud.

Le virus de l’écriture

«Quand j’ai été sélectionné, cela m’a donné du courage et l’envie de continuer», raconte Gian Kaiser. Depuis, avec son crayon et sa gomme, il a continué d’écrire le récit de sa vie dans un grand cahier. Un premier tome est terminé et un deuxième va suivre.

«C’est comme si ca débordait, je n’arrive plus à m’arrêter, c’est du pur plaisir!» Le Grison a commencé à écrire en français, la langue du concours. «J’écris comme je parle et, avec ma femme Monique, on le met en français correct sur ordinateur. Ça va comme ça, de toute façon je n’ai pas non plus l’habitude d’écrire en allemand, car je n’avais plus écrit depuis l’école.»

Après son apprentissage de maçon, il a travaillé sur des barrages, des chantiers de tunnels et autres. Mais ce déraciné de la première heure a aussi traversé à pied l’Italie, la France, l’Espagne et les montagnes d’Albanie jusqu’en Grèce.

A 28 ans, il part en bateau pour l’Argentine, met trois ans à traverser le pays seul à cheval. Arrivé au bord de l’Atlantique, il travaille à la construction d’une nouvelle station balnéaire près de Mar del Plata.

Toute une vie de migrant

En 1981, la dictature argentine force le Grison (il perd sa maison) à rentrer en Suisse, pour «motifs politiques et économiques». Il se marie et s’installe à Ayent, en Valais. Il construit des décors de théâtre et de cinéma.

Mais, il a des difficultés à rester sédentaire. «En Suisse, je me sens dans une cage en or», dit-il. Alors Gian Kaiser a continué ses voyages en Amérique latine, en Asie, en Inde, d’où il a ramené sa barbe blanche en tortillon.

Actuellement, il cherche à quitter définitivement la Suisse «pour être au chaud, me baigner et vivre dans un pays plus souple». Et continuer d’écrire.

Il est à la recherche d’un refuge… et d’un éditeur.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

Né le 20 février 1937 à Samedan (Grisons).
Après son apprentissage de maçon près de Zurich et des cours du soir de contremaître, il part à pied à travers l’Europe.

Après l’école de recrues, il travaille dans l’hôtel de ses parents dans le Parc national suisse, avant de partir pour l’Argentine à 28 ans. Après avoir traversé le pays pendant trois ans à cheval, il se fixe sur la côte Atlantique.

Rentré en Suisse pour raisons économiques et politiques en 1981, il se marie et travaille à la construction de décors de cinéma et de théâtre tout en continuant à voyager.

Visant à montrer la diversité culturelle et littéraire romande tout en favorisant la tolérance mutuelle ce concours d’écriture sur le thème de la migration était ouvert à des textes de migrants en français.

En août 2006, le jury a sélectionné les 16 meilleurs auteurs sur 287 textes reçus.

Publiés aux Éditions d’en bas, le recueil de leurs textes sera présenté au Salon international du livre et de la presse de Genève, le 6 mai 2007. Il s’intitule: «Le chameau dans la neige et autres récits de migrations».

A cette occasion, les trois meilleurs auteurs seront désignés.

Le Pour-Cent culturel Migros est un engagement du leader suisse du commerce de détail pour la culture, les affaires sociales, la formation, les loisirs et la politique économique.

L’Académie suisse pour le Développement (SAD) est une fondation d’intérêt public créée en 1991 pour mener des recherches et des projets dans le domaine du dialogue interculturel et de la coopération au développement.

Créées en 1976, les Editions d’en bas ont publié environ 340 ouvrages sur la face cachée de la Suisse et ce qui s’y vit «en bas», à l’envers du décor.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision