La beauté imperméable de la Suisse
Le cinéaste François-Christophe Marzal sort «Au large de Bad Ragaz», un thriller qui dévide très astucieusement le fil d'une pastorale.
Sélectionné pour le Festival Tout Ecran, ce film, actuellement présenté à Genève, sera sur les écrans alémaniques début 2005.
Des montagnes majestueuses, aux contours estompés par la brume, plongent, en même temps que des lingots d’or, dans un lac aux eaux paisibles, très paisibles.
En deux temps trois mouvements, la caméra de François-Christophe Marzal cerne la Suisse. Un pays ici jailli du fond des âges, avec des vieux clichés qui façonnent irrévocablement son identité: paysage idyllique, richesse et tranquillité.
Trois images qui dès la première séquence du film s’imposent, fatidiques, au spectateur.
Au spectateur non Suisse surtout qui, comme l’auteur du film et son héroïne russe, se sent un peu mis à l’écart d’un pays dont la perfection déconcerte. Au point de susciter cette interrogation: l’Helvétie n’existe-t-elle que par elle-même et pour elle-même?
Question, aussi drôle qu’inquiétante, qui parcourt de bout en bout «Au large de Bad Ragaz». Qui fait également tout l’intérêt de ce film mal accueilli, hélas, par les critiques romands.
Ancré dans la terre
François-Christophe Marzal est Français. Mais il vit et travaille à Genève depuis une quinzaine d’années. Ce qui le fascine dans ce pays, c’est le rapport très fort que les habitants entretiennent avec la terre. Une terre des origines que le cinéaste est allé chercher en Suisse centrale, et qu’il a mis en valeur avec beaucoup d’humour.
C’est dans les cantons alémaniques, où certaines coutumes s’apparentent à des rituels carnavalesques, qu’il a donc tourné la majeure partie de son film.
«Au large de Bad Ragaz» n’a pourtant rien d’un récit paysan, même si l’atmosphère y est éminemment bucolique. Le film démarre comme un thriller.
Mais ce genre cher à la tragi-comédie américaine est vite abandonné au profit d’une pastorale surréaliste que déclenche bizarrement une fusillade dans un bar de Montreux. C’est de là que part la course-poursuite qui constitue la trame du film.
Or ou amour?
Sacha (Julia Batinova), jeune fille aussi jolie que rusée, débarque en Suisse pour une prétendue visite touristique. Alex (Mathieu Amalric) est guide de profession. Il est censé faire découvrir à Sacha la Suisse.
Mais très vite il comprend que le but de sa cliente n’est pas tant le tourisme que la recherche d’une cargaison d’or nazi enfouie sous les eaux d’un lac.
Traqués par un inspecteur de police (Jean-Luc Bideau) et pousuivis par la mafia, Alex et Sacha s’engagent dans une fuite en avant qui les mène de lac en lac. Et qui, petit à petit, va les arracher à eux-mêmes pour leur révéler l’amour qu’ils se portent.
Mais plus leur amour éclot et plus la quête de l’or apparaît comme une chimère. Tout se passe comme si la Suisse, vue avant tout à travers les yeux de Sacha, n’était qu’une promesse de richesse inaccessible. Qu’un écrin de trésor refermé sur lui-même et scellé par une beauté imperméable.
swissinfo, Ghania Adamo
«Au large de Bad Ragaz», un film de François-Christophe Marzal.
Avec notamment Julia Batinova, Mathieu Amalric et Jean-Luc Bideau.
Produit par Light Night Production
– François-Christophe Marzal est né en 1966 à Nice (France).
– 1996: Diplôme de l’ ESAV (Ecole Supérieure d’Art Visuel Genève), section cinéma et vidéo.
– Dès 1993, il travaille à Light Night Production S.A. avec Patricia Plattner.
– Après plusieurs courts métrages, il signe «Attention aux chiens» en 1999, qui vaudra à la comédienne Delphine Lanza le Prix suisse du cinéma 2000 en tant que meilleure interprète féminine.
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