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La cathédrale de Genève? Dites plutôt un phare !

La silhouette de la cathédrale domine toute la ville. Stephan Hunziker, genève-tourisme.ch

Au centre de la vie genevoise depuis toujours, la cathédrale St-Pierre raconte une histoire qui remonte à l’Antiquité.

swissinfo vous propose une nouvelle visite guidée par la Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS) à l’occasion de son 125e anniversaire.

Dans la vieille ville de Genève, impossible de rater le carillon de St-Pierre. Depuis les années 1930, il égrène les heures avec un air traditionnel. Installé dans la flèche, ses rouleaux sont changés chaque mois, histoire de varier la musiquette. Dont la plus connue est «Cé qu’è lainô», l’hymne de Genève.

Quant à l’œil, impossible de rater cette flèche néo-gothique rajoutée au 19e siècle entre les deux tours qui dominent la ville et le lac. Quand on s’en approche après avoir grimpé la colline, on manque de recul car l’esplanade du Cour St-Pierre est plutôt limitée.

«La cathédrale a toujours été au centre de la vie et toujours enserrée par les maisons, et il y a toujours eu toutes sortes de bâtiments annexes», indique Evelyn Riedener-Meyer, la guide de swissinfo.

L’historienne de l’art ajoute que «cet endroit est occupé depuis l’Antiquité» et que les bâtiments, très tôt voués à des buts religieux, se sont succédés, voire superposés au fil de l’histoire et des incendies.

L’entrée – sur la façade ouest comme toutes les églises – passe sous un imposant portique néo-classique. «Au 18e, la façade menaçait de s’écrouler. Il a fallu reconstruire et on s’est inspiré du panthéon de Rome», poursuit Evelyn Riedener-Meyer.

Promenade du roman au gothique


Ce portique est toujours très controversé mais notre spécialiste rappelle que son style s’harmonise avec l’architecture cossue des hôtels particuliers qui se construisaient autour de la cathédrale.

Derrière le portique se cache la cathédrale romano-gothique. Le chantier du bâtiment actuel débute durant la seconde moitié du 12e siècle, remplaçant l’édifice précédent de style roman.

D’ouest en est, de l’entrée vers le choeur, on démolit et on reconstruit au fur et à mesure et, plus on s’approche du chœur, plus on recule dans le temps. «C’est une période de recherche intense, en pleine transition entre l’art roman et l’art gothique», poursuit notre guide.

En témoignent de nombreuses influences: provençale, bourguignonne et Ile de France pour les chapiteaux; cistercienne pour le plan du chevet, rhodanienne pour l’élévation du chœur, clunisienne pour les tours, anglo-normande pour l’élévation de la nef. Le chœur est voûté en 1213, la nef en 1234.

Un ensemble unique de chapiteaux


Les 300 chapiteaux de molasse constituent l’ensemble le plus vaste de Suisse. Mais aussi le plus représentatif puisqu’il raconte la transition du roman vers le gothique. Les plus anciens, à l’ouest, sont empreints de simplicité romane. Plus on avance vers le chœur, plus les motifs et les techniques se raffinent.

«La fonction de ces chapiteaux est plutôt morale, sans doute pour montrer aux vivants ce qu’il advenait aux pécheurs bien avant la fin des temps», précise Evelyn Riedener-Meyer.

Et d’ajouter: «Les travées sud portent sur des thèmes théologiques du salut et celles du nord (le côté réservé aux valeurs négatives et… aux femmes) sur les tourments de l’âme.»

Somptueuse reconstruction

De nombreux incendies mettent l’édifice à mal, jusqu’à celui de 1430 qui entraîne l’effondrement du mur nord de la nef. Le pape Félix 5, grand ami de Genève, finance une partie de la reconstruction qui dure 100 ans, jusqu’en 1535.

La cathédrale comptait 23 chapelles subalternes avec 108 chapellenies, le cloître attenant et la nouvelle chapelle des Macchabées.

La cathédrale, le cloître attenant et la nouvelle chapelle des Macchabées
comptaient le grand autel et 23 chapelles subalternes avec 108 chapellenies,
Le chœur cachait ses richesses derrière une cloison: il ne faut pas oublier que Genève a été dirigée du 12e siècle à la Réforme par un prince-évêque dont la richesse pouvait heurter les fidèles.

La Réforme


Le chantier est à peine achevé, et voilà que la Réforme est proclamée en 1535. La population lacère les images et brise les statues. Les peintures murales sont recouvertes d’une couche de détrempe.

Mais les vitraux et une partie des stalles en bois en réchappent. Et les chapiteaux, dont un seul fut martelé, «probablement parce qu’il représentait une croix», précise Evelyn Riedener-Meyer.

La république de Genève est proclamée en 1536, la religion réformée devient religion d’état et l’enseignement obligatoire et gratuit. Plus tard, l’Académie s’installe dans la chapelle adjacente des Macchabées.

«Ce qui est intéressant, c’est l’évolution continue de cette cathédrale considérée comme LE temple, surtout à l’arrivée de Jean Calvin en 1536, au point que Genève devient la ‘Rome protestante’», explique encore Evelyn Riedener-Meyer.

Continuité à toute épreuve


La cathédrale est ensuite restaurée au 19e siècle avec des adjonctions néo-gothiques et la fameuse flèche. Elle est donc le produit d’une sorte de construction permanente.

Pour notre spécialiste, son plus grand intérêt est surtout «dans la continuité d’occupation du site, de 360 à 2005, avec des vestiges remontant à 160 avant J.-C.».

L’année dernière encore on a retrouvé, sous les fondations de l’édifice et des bâtiments qui l’ont précédé, une tombe allobroge (celte) contenant un mystérieux squelette qui attendait les archéologues depuis 2100 ans.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

Les premières traces d’occupation humaine du site de Genève remontent à 3000 av. J.-C. La colline de la vieille ville sera habitée en 1000 av. J.-C. Plus tard, alors qu’y vit une peuplade celte, les Allobroges, les Romains arrivent.
Vers 400, elle est érigée en évêché et, dès le 12e siècle, est dirigée par un prince-évêque.
Jusqu’en 1535, où la Réforme fait de Genève une République qui devient canton suisse en 1815.

– La construction de la cathédrale a commencé en 1160 et dure 75 ans. Elle est complétée par de nombreuses restaurations et reconstructions, notamment suite à des incendies.

– Au milieu du 16e siècle, la Réforme vide l’édifice de ses objets ornementaux. Les décors peints sont badigeonnés et seuls les vitraux, les stalles et les chapiteaux des colonnes sont épargnés.

– Au milieu du 18e, la façade gothique est remplacée par un portique néo-classique.

– Au 19e, on procède à une restauration et ajoute la flèche néo-gothique.

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