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La Grèce célèbre les archéologues suisses

Le théâtre d'Eretria a été découvert par l'équipe suisse du professeur Pierre Ducrey swissinfo.ch

Pour la première fois de son histoire, la Grèce rend hommage au travail passionné de 17 instituts archéologiques étrangers, dont celui de la Suisse.

En 160 ans d’existence, ceux-ci ont mis au jour les plus grandes merveilles du monde antique. Les Suisses a à son actif de magnifiques découvertes.

Les Suisses fouillent en Grèce depuis avril 1964. Malgré des trouvailles exceptionnelles et un travail de publication scientifique remarquable – 14 volumes publiés depuis 1970, trois sous presse et 5 ou 6 en préparation – La Grèce a attendu jusqu’à la semaine dernière pour lui rendre hommage.

C’est en fait la première fois de son histoire que la Grèce rend hommage au travail passionné des 17 écoles archéologiques étrangères, dont celle de la Suisse.

En 160 ans d’existence, elles ont mis à jour les plus belles pages de l’histoire de l’antiquité.

«On a été assez surpris. Mais c’est la nouvelle politique des autorités grecques qui expriment leur reconnaissance pour notre travail. Tant mieux! Jusqu’à présent on ne nous a pas facilité la tâche», souligne le professeur Pierre Ducrey, directeur de l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce (EAS).

La Suisse sollicitée par Athènes

Pourtant c’est bien les autorités grecques qui en 1961 ont fait appel aux Suisses. Le site archéologique d’Eretria situé la côte sud de l’île d’Eubée face à l’Attique était menacé par le tourisme et la construction.

Les Suisses, qui à l’époque travaillaient aux cotés des Français, n’avaient pas de site propre. Leur offrir Erétria revenait à sauver Eretria à moindre coût.

«Nous avons eu de la chance», se souvient le professeur Ducrey. «Nous avons fait tout de suite des découvertes spectaculaires, des tombeaux extraordinaires avec beaucoup de vestiges à étudier. Nous avons trouvé la ville ancienne avec son théâtre, ses maisons, la nécropole de l’époque géométrique et le sanctuaire d’Apollon du 6ème siècle».

Découverte des anciennes forteresses

L’archéologue suisse Sylvain Fachard a trouvé les anciennes forteresses de la ville datant du 4ème siècle avant Jésus-Christ qui confirment bien que Eretria était l’une des villes qui ont fait la grandeur de la Grèce avec ses lois, sa Démocratie, ses philosophes comme Menedemos ou ses artistes comme le peintre Philoxenos.

«C’était une ville qui, grâce à ses comptoirs commerciaux avec le monde syro-libanais, a été la première en 750 avant notre ère à introduire l’alphabet phénicien en Europe», explique le professeur, enthousiaste.

A la recherche du dieu de la médecine

C’est d’ailleurs avec deux tessons de bouteilles portant les premières inscriptions du monde grec que l’EAS participe à l’exposition que la Grèce a organisé pour représenter le travail des écoles archéologiques sur environ 50 sites dispersés dans tout le pays.

La Grèce n’a pas fini de livrer ses secrets, là dessus tout le monde est d’accord. Et les Suisses espèrent toujours, pour leur part, trouver le sanctuaire d’Askelepios, le dieu de la médecine.

«Nous savons qu’il est là tout près de nous. Nous avons une abondante littérature qui le prouve mais pour l’instant il nous échappe, souligne Pierre Ducrey. C’est pourquoi nous avons acheté des terrains près du site qui sont autant de réserves d’exploitation».

Le travail des archéologues suisses

Le travail de l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce, ces 40 dernières années, se divise en trois phases.

Premièrement, la première qui va de 1964 à 1982. C’est le temps des grandes découvertes, le temple d’Apollon bien sûr, mais surtout celles des superbes et uniques mosaïques à galets.

Datées de 360 avant Jésus-Christ, elles sont extrêmement bien conservées«et figurent dans tous les manuels de l’histoire des mosaïques», souligne fièrement Pierre Ducrey qui n’oubliera jamais le jour de leur découverte, le 16 août 1977 à 10 heures du matin.

«Nous les avons trouvé sous deux mètres de terre dans une maison qui avait brûlé en 268 avant J-C. C’est pourquoi leur conservation est exceptionnelle», dit-il.

Avant de poursuivre: «Nous creusions doucement. Puis nous avons entraperçu un fond sombre, différent du reste. C’était comme un voile qui se levait. Après nous avons su que c’étaient des galets. Nous avons ensuite jeté de l’eau dessus.»

L’Acropole localisé

Et là c’était magique : l’image devenait de plus en plus nette, un lion est apparu, puis une femme Sphinx, c’était une émotion unique, l’un des moments les plus importants de ma carrière», déclare-il à swissinfo.

Dans la seconde phase du travail de l’ESA est venu le temps de l’étude des vestiges trouvés de 1982 à 1995 avec l’extension des fouilles ou l’on à localisé le Gymnase, l’Acropole et la zones des sacrifices au nord du sanctuaire d’Apollon.»

Enfin, la troisième phase qui de va de 1996 à 2003 ou la région des mosaïques continue d’être fouillée et ou l’on a également découvert le secteur industriel de l’ancienne ville.

Un «Guide d’Eretria »

Durant les Jeux olympiques d’Athènes en août 2004, l’ESA a publié un remarquable ouvrage du professeur Ducrey, le «Guide d’Eretria» qui retrace toute l’histoire des découvertes suisses avec, en seconde partie, une étude passionnante de la vie à Eretria à cette époque.

«Nous n’avons aucun droit sur ce que nous trouvons. Tout appartient à la Grèce, mais nous avons les droits scientifiques et intellectuels de nos trouvailles. Cela permet à des étudiants et des chercheurs de venir travailler ici, de faire des stages», explique le professeur Ducrey.

swissinfo, Angelique Kourounis, Athènes

– Le ministère grec de la Culture a mis sur pied une exposition au Palais de la musique à Athènes en l’honneur des Ecoles d’Archéologie étrangères en Grèce. Elle s’achèvera le 8 janvier 2006.

– Intitulée «Ecoles d’Archéologie étrangères en Grèce – 160 ans de coopération pour notre culture », elle présente le travail de 17 écoles archéologiques étrangères, dont celle de la Suisse, sur une cinquantaine de sites.

– Ces sites vont de Samothrace (nord) à la Crète minoenne (sud), des sites romains (ouest) aux temples grecs de Samos et de Lindos (est).

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