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La paix passe aussi par les planches

Laurent Sandoz (Abdoul) Elzbieta Jasinska (Christine) et Pierre Dubey (Amos).

Hasard du calendrier: en même temps que se déroule aux Etats-Unis la Conférence d'Annapolis, se joue sur la scène de Carouge (Genève) le drame du conflit israélo-palestinien.

Le spectacle monté par François Rochaix et écrit par la dramaturge suisse Dominique Caillat recoupe donc l’actualité sous ce titre révélateur: «Etat de piège».

Bien sûr, à la une de vos quotidiens, il y a la Conférence d’Annapolis (Etats-Unis) sur la paix au Proche-Orient, qui démarre ce 27 novembre… Et les journaux de rivaliser d’ingéniosité pour choisir la formule clé qui fera tilter le lecteur. Par exemple «Le risque est grand, lit-on, que cette conférence ne devienne qu’un pur exercice théâtral où chacun jouerait son rôle sans jamais chercher à en sortir».

Tiens, se dit-on, c’est exactement ce qui se passe actuellement au Théâtre de Carouge. Sur la scène genevoise, deux hommes endossent deux rôles dans lesquels ils sont depuis très longtemps enfermés. L’un est palestinien; il s’appelle Abdoul. L’autre est israélien; il s’appelle Amos. Face à eux une journaliste allemande, qui est aussi une amie d’enfance.

Les trois s’étaient perdus de vue. Ils se retrouvent à Jérusalem. La journaliste fait parler ses deux amis pour les arracher, pense-t-elle, à leur prison intérieure, à leurs personnages d’ennemis qu’ils jouent un peu malgré eux.

Réfléchir différemment

La pièce s’intitule «Etat de piège», le piège étant ici l’Histoire qui a fabriqué et fabrique le conflit israélo-palestinien. Dominique Caillat, dramaturge suisse, auteur de cette pièce, dit avoir écrit son texte avec ses tripes. Cette fille de diplomates, qui a été élevée dans un monde ouvert à toutes les cultures et très politisé, fit de multiples et longs séjours dans les Territoires occupés et en Israël.

«J’ai grandi avec ce conflit qui dure depuis tellement longtemps qu’il crée, chez les Occidentaux, soit des idées toutes faites, soit l’indifférence, explique Dominique Caillat. ‘Etat de piège’, je l’ai donc voulu pour pousser le public à réfléchir différemment».

Soit. Mais que peut donc le théâtre face à une guerre qui a fait échouer jusqu’ici toutes les tentatives diplomatiques? «Je ne suis pas naïve, répond Dominique Caillat. Je n’entends pas résoudre un problème et encore moins me substituer aux experts. Tout ce que je souhaite, c’est re-sensibiliser les spectateurs en leur montrant que ce conflit n’est pas aussi absurde qu’on le pense. Que la réalité n’est pas aussi tranchée -noire et blanche- comme semblent le dire tous les soirs les images télévisuelles».

Le piège de l’Histoire… et de l’émotion

«Il y a autre chose derrière cette réalité, poursuit l’auteur. Il y a l’Histoire, jalonnée de dates, que les gens là-bas vous balancent toujours à la figure quand vous discutez avec eux: 1947, création de l’Etat Juif; 1963, guerre des Six Jours; 1973, Yom Kippour… Palestiniens et Israéliens se promènent dans un labyrinthe de dates symboliques qui phagocytent leur rapport au passé et empêchent le présent de bien fonctionner».

«Etat de piège» regorge de ces dates et de commentaires sur l’héritage historique, qui s’apparentent par moments à des clichés.

On le dit à l’auteur. Elle répond: «J’ai voulu précisément mettre sur scène un monde de stéréotypes dans lequel évoluent Israéliens et Palestiniens. Les arguments des uns et des autres, quant à cet héritage, sont souvent primaires. On peut comprendre ces hommes, car en temps de guerre il est difficile de raisonner avec sa tête. L’émotion l’emporte presque toujours».

swissinfo, Ghania Adamo

«Etat de piège», de Dominique Caillat, à voir au Théâtre de Carouge, Genève, jusqu’au 16 décembre.

Mise en scène François Rochaix.

Interprétation: Elzebieta Jasinska, Pierre Dubey et Roland Sandoz.

Chaque jeudi à l’issue de la représentation, des experts répondent aux questions du public.

A signaler que le spectacle est coproduit par la Société académique de Genève «Démocratie et terrorisme».

Aux éditions Labor et Fides paraît également le livre de Dominique Caillat «La Paix ou la Mort, dans les coulisses du drame israélo-palestinien».

Auteur dramatique suisse, Dominique Caillat est née aux Etats-Unis en 1956, dans une famille de diplomates.

Après des études de droit, elle exerce comme avocate jusqu’en 1985.

Elle suit plus tard une formation de comédienne à Genève, Paris et Londres où elle débute sur les planches avant de se consacrer à l’écriture et à la mise en scène.

Depuis 1992, elle vit à Berlin où elle travaille souvent sur commande. Elle est également auteur de pièces pour jeune public et de livrets d’opéra.

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