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La Terre à vol d’oiseau

Envol, le 12 décembre sur les écrans. peuplemigrateur.com

Après «Microcosmos», «Le Peuple Migrateur»... Le film de Jacques Perrin, coproduit notamment en Suisse, sort mercredi sur les écrans. Fort et beau.

Avez-vous déjà traversé la planète sur le dos d’un canard, d’une grue cendrée ou d’un cygne? Ce sera chose faite si vous allez voir «Le Peuple Migrateur», nouveau film animalier signé par le producteur, réalisateur et comédien français Jacques Perrin, déjà à l’origine du «Peuple singe» (1988) ou de «Microcosmos» (1996).

Suivre les incroyables pérégrinations des oiseaux migrateurs, c’est un sujet en or, car dans cette idée, il y a tout: le voyage, de fabuleux paysage, la beauté des oiseaux, mais aussi la difficulté, parfois la mort. Et surtout ce vieux rêve humain, voler, tout simplement voler.

«J’aime bien votre expression, ‘un sujet en or’, réagit Jacques Perrin. Parfois on me demande pourquoi j’ai choisi ce sujet: mais parce que c’est un sujet rêvé. Et on se dit, mais comment, on est les premiers à faire ce sujet-là? Alors que l’invitation au ciel, cinématographiquement parlant, est là depuis longtemps…»

L’ahurissant effort des uns… et des autres

Des voyages de 3000, 5000, 10.000 kilomètres…. Sur les 5 continents, comme au-dessus des mers qui les séparent, Jacques Perrin, deux co-réalisateurs (Jacques Cluzaud et Michel Debats) ainsi que 14 directeurs de la photo ont filmé les oiseaux comme jamais ils n’avaient été filmés jusque là. Ils ont traqué leur beauté, mais surtout leur incroyable effort… on aurait presque envie de parler de volonté.

Le générique final, long comme un roman de Tolstoï, dit à quel point l’affaire a été complexe, et à quel point il a fallu être inventif pour parvenir à un tel résultat: on y crédite des ULM, des ballons, des paramoteurs, ou une «cinébulle», sorte de petit dirigeable.

«Tout ça est fait d’ingéniosité, de bricole, de démerde. Au fil du temps, on arrive à trouver: c’est tout de même trois ans de travail. On n’a pas commencé par concevoir une technique, puis à tourner quand tout aurait été prêt. Non, comme dans toute entreprise nouvelle, on a commencé par se casser la figure, par ne pas y arriver. Jusqu’à ce qu’à un moment, on parvienne enfin à se rapprocher avec aisance de ces oiseaux», explique le producteur-réalisateur.

A l’arrivée, un kilométrage de pellicule assez impressionnant: «la distance Paris-Lyon!» s’exclame Jacques Perrin, qui pour «Le Peuple Migrateur», a de nouveau pu compter sur le soutien du producteur suisse Jean-Marc Henchoz, et de sa société JMH Distribution.

L’homme, simple pièce du grand puzzle

Souvent, les films animaliers gomment l’existence de la société humaine, et donc sa place par rapport au monde animal. Une erreur que ne fait pas Jacques Perrin. Car l’humain est présent dans «Le Peuple Migrateur». En tant qu’artifice narratif au début et à la fin du film, mais sinon, en tant qu’élément – un parmi d’autres – du décor de la vie des oiseaux.

New York, Paris? Des paysages, au même titre que la savane africaine, le bocage normand, la forêt amazonienne, les montagnes asiatiques ou les prairies américaines. Les chasseurs? Des prédateurs, bien sûr, comme les oiseaux de proie, ou les crabes. Perrin remplace le classique ethnocentrisme par un «oiseaucentrisme» très cohérent, où les frontières autres que naturelles n’existent pas.

La société humaine était pourtant au cœur des premières productions de Jacques Perrin, qu’il s’agisse de fictions («Z», «Etat de siège», «Section spéciale» de Costa-Gavras) ou de documentaires («La guerre d’Algérie», «La Spirale», sur la chute de Salvador Allende).

Comment passe-t-on d’un cinéma engagé, politique et donc profondément humain, à une telle passion pour le monde animal? «La vie est faite de tellement de rencontres… Je ne croirais pas à quelqu’un qui ferait profession de production dans l’engagement politique. Ce ne serait plus un engagement, mais une recette.»

«Moi, j’épouse des causes, poursuit Jacques Perrin. Et à force de louvoyer, je rencontre des choses qui doivent exister, un film qui relate quelque chose de pertinent, qui nous enrichit, soit par la beauté, soit par l’accès à la connaissance qu’il représente, et là je me trouve un rôle utile. Mais je ne me dis pas ‘tiens, je passe à la nature, ou au film politique’. Ce sont des rencontres.»

Où, quand, comment, pourquoi?

Aujourd’hui, quand Jacques Perrin voit passer un vol de canards, à quoi pense-t-il? «Je commence par imaginer où il va, d’où il est venu et quel effort il lui reste à fournir pour parvenir à destination.»

C’est peut-être les mêmes réflexions que vous ferez, après avoir vu le film, lorsque vous entendrez la bande originale, signée Bruno Coulais. De belles ambiances qui balancent entre musique ethnique et new age, mais également des voix: Robert Wyatt, Nick Cave, Gabriel Yacoub et les Corses d’A Filetta.

Alors, comme Jacques Perrin, vous trouverez des réponses à trois questions: où, quand, comment. Mais le «pourquoi» restera mystérieux.

Bernard Léchot

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