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La ville selon Ceppi

Quand Ceppi relit Clément… swissinfo.ch

Dans le cadre de «La fureur de Lire» à Genève, la Bibliothèque de la Jonction propose une exposition intitulée «BD Villes». Elle est centrée sur les cités qu'ont arpenté Stéphane Clément et son géniteur, Daniel Ceppi. L'occasion de parler avec ce dernier de voyage... et de relations Nord-Sud.

La «Fureur de Lire», manifestation importée de France, a lieu désormais tous les deux ans dans la Ville de Calvin, en l’occurrence jusqu’à dimanche. Cette édition 2001 se caractérise par la thématique de la ville, et une forte présence d’auteurs belges. Ainsi, côté bande dessinée, Yslaire sera là samedi pour évoquer son étonnant «XXe ciel.com» (à la Fnac-Balexert).

Le Genevois Ceppi participe à la fête par le biais d’une exposition intitulée «BD Villes», à voir jusqu’au 29 septembre.

Lors de la visite, légère déception: on nous promettait une juxtaposition des photos de repérage et des planches publiées, mais seules les planches sont là. Malgré cela, l’intérêt du sujet comme du bonhomme demeurent.

Chroniques d’un voyageur urbain

Les aventures de Stéphane Clément, amorcées en 1977 et publiées depuis quelques années par les Humanoïdes Associés, sont sous-titrées «Chroniques d’un voyageur». En presque 25 années, il est vrai que le héros de Ceppi a parcouru beaucoup de routes, mais surtout beaucoup de rues et d’avenues.

«On parle souvent de ça avec Cosey. Dans le cas de l’Inde, lui adore les paysages, les montagnes, la marche… Moi, si je vais en Inde, le récit se passera à Calcutta, ou ä Pondichéry. Parce que je suis profondément citadin. J’ai habité quelques années à la campagne, pour moi c’était l’enfer. J’ai envie qu’il y ait un bistrot en bas de chez moi, pas de faire des kilomètres pour en trouver un!»

En ce qui concerne ses voyages «de repérage», le bistrot, ce n’est pourtant pas toujours gagné. Car si Ceppi a raconté et dessiné Genève, Paris, Venise ou Belfast, c’est surtout du côté du Proche et du Moyen-Orient qu’il envoie Stéphane Clément à l’aventure, en le précédant à chaque fois pour y procéder à des repérages.

Lors de ses voyages professionnels, Ceppi est toujours accompagné d’un appareil photo: «Toujours. Car un croquis, ce serait déjà une interprétation. Lorsque je redessine à la maison, et cela peut être des mois voire des années plus tard, le souvenir est perdu. La photo restitue bien ce que j’ai perçu au moment où j’ai pressé sur le déclencheur».

La BD pour dire le monde

Depuis toujours, le contexte géopolitique de ses récits a toujours focalisé l’attention de Ceppi. Ainsi, dans «L’or bleu», Stéphane Clément se retrouvait en Turquie et en Syrie, face à des commandos kurdes luttant à la fois pour leur droit à l’eau – l’or bleu – et, évidemment, pour le droit à l’existence des populations kurdes. Trois attentats y étaient organisés, qui survenaient simultanément… L’actualité surgit soudain.

Stéphane Clément a déjà parcouru les routes d’Afghanistan. Que penserait-il ces temps, qu’y vivrait-il ces jours? «Il serait forcément près de la population et loin des Taliban, c’est une évidence. Parce que tout régime totalitaire est dommageable pour la population civile, qui en souffre aussi. Mais bombarder la population afghane ne me paraît pas être la solution: je crois que les Taliban n’en ont rien à foutre».

Ceppi suit d’ailleurs de très près «les événements», comme disent à nouveau les médias. Avec un sens critique entier, malgré l’émotion: «En dehors de l’horreur de l’attentat, où des civils encore ont été massacrés pour une cause, je ne peux m’empêcher de penser que la politique américaine ne pouvait qu’amener à ce genre de choses».

«Comment le Sud peut-il se faire entendre, sinon par des actions quelconques? En disant cela, je ne justifie pas la mort d’innocents, en l’occurrence américains. Mais il y en a combien, dans les pays du tiers monde, qui crèvent à cause de notre politique occidentale, depuis des années et des années? Combien de milliers, combien de millions? Pourquoi? Il serait peut-être temps que nous, pays riches, nous occupions des pays pauvres. On a les moyens de le faire.»

Il y a la fiction qui raconte l’horreur pour faire joyeusement frissonner le public, lequel jusqu’à il y a peu, se sentait protégé: «Die Hard» («Piège de cristal») et autres «Independance Day». Il y a aussi la fiction qui derrière l’intrigue, tente d’analyser le monde et ses déséquilibres. C’est clairement à cette deuxième approche que travaille Ceppi.

Bernard Léchot

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