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Les vannes de Mix & Remix font toujours «tilt»

Un dessin simple, un dialogue succinct, mais un paquet d’humour. Mix & Remix

L’humoriste fétiche de L’Hebdo et de la TV suisse vient de sortir un album (de) «Gags» et d’illustrer «L’Image de la Suisse», un livre sérieux sur ces clichés qui font que la Suisse… reste la Suisse. Le deuxième degré, c’est «la deuxième nature» de Mix & Remix, un dessinateur qui garde ses distances.

«Il paraît qu’on s’ennuie en Suisse…» «Oh non, on vote tout le temps!» Deux personnages filiformes au même gros nez, l’un portant béret et baguette, l’autre un habit rouge comme un drapeau. Un dialogue succinct, mais tout y est. La Suisse ennuyeuse, la démocratie directe, l’îlot au milieu de l’Europe, une certaine condescendance attribuée aux voisins franco-français: une grappe de clichés en quelques traits, mais si vrais qu’on s’y croirait. Ça, c’est Mix & Remix.

Ou ce dessin sans paroles montrant une maisonnette en coupe, avec la cave en dessous, puis l’abri (antiatomique) en dessous et, encore en dessous… la cave de l’abri. Là encore, quelques centimètres carrés en disent plus que dix pages à propos de ce fameux abri obligatoire qui fait suer les promoteurs et les propriétaires de ce pays où tout est prévu, y compris l’imprévisible.

«Sitôt qu’il y a de l’humain, c’est plus facile!»

Helvetia, Winkelried, Guillaume Tell, Heidi, l’edelweiss, la banque, l’exactitude, la fondue, la neutralité, le chalet, le faux chalet cachant un bunker militaire… Ce sont les sujets de L’Image de la Suisse, titre du livre qui vient d’être publié par le sociologue Gianni Haver dans la collection LEP-Références. Une collection tout ce qu’il y a de didactique, qui compte aussi Histoire suisse, Géographie suisse, Institutions politiques, etc., avec toujours la plume irrévérencieuse, mais jamais insultante, de Mix & Remix.

Lequel confesse à swissinfo: «C’est le dixième bouquin que je fais dans cette collection plutôt sérieuse. C’est à chaque fois un grand travail, puisqu’il faut une centaine de dessins. Mais celui-ci était un peu plus facile que les autres en raison du sujet un peu plus léger…»

Et d’ajouter: «Les Suisses sont les premiers à parler de leur image et je ne sais pas si ce serait possible de faire un tel livre sur un autre pays, qui n’ont probablement pas autant de clichés.»

Il n’a lu le texte qu’en travaillant, au fur et à mesure. Sitôt le gag trouvé, il a aussitôt passé à la page suivante: «je cherche plutôt le gag qu’à m’instruire». Du reste, il a exécuté sa centaine de dessins en trois jours. Le plus difficile? «Les thèmes où il n’y a rien d’humain, comme la raclette ou la fondue, c’est moins drôle que le général Guisan pendant la guerre! Sitôt qu’il y a de l’humain ça va!»

Mais le dessinateur excelle aussi dans les concepts abstraits. Par exemple la neutralité, représentée par une autruche qui se cache la tête dans le sable: «Je ne sais pas si c’est juste ou pas juste, c’est probablement un peu satirique, ou choquant, mais c’est ça aussi. Je n’ai pas de message à transmettre. J’ai une idée qui me fait rire et je la fais, mais j’aurais pu en avoir une autre».

Les gags de… Gags

Mix &Remix n’est pas un conteur et avoue qu’il aurait du mal à trouver le rythme pour réaliser une bande dessinée. «Pour cela, il faut développer une idée du début à la fin. Cela me coûterait beaucoup, parce que j’aime aller au plus bref. Je suis plus dans la vanne que dans le récit et, de toute façon, je ne crois pas que j’aie d’histoires à raconter.»

Ainsi, excelle-t-il dans l’émission politique Infrarouge de la télévision suisse romande, où il dessine en direct et dans l’immédiateté: «J’ai du mal à dire d’où me viennent les idées, je commence à dessiner et cela vient tout seul.» Si le dessinateur n’est pas un conteur, il est encore plus discret quand il s’agit de le faire parler de lui-même!

Et pourtant, avec sa sobriété, le dessin n’est «pas primordial» mais «tient souvent par le texte», toujours court mais très travaillé. Une nouvelle preuve en est faite avec Gags, seizième album publié chez Buchet/Castel (France) et préfacé par Siné. «Incontournable! Increvable! Mix & Remix, malgré un patronyme des plus bizarres et son lourd handicap d’être né suisse, tient toujours une forme éblouissante, d’une constance confondante, ce qui le fait détester par la plupart de ses confrères, jaloux!», écrit notamment le caricaturiste et éditeur parisien.

Ni à droite ni à gauche

Depuis des temps immémoriaux, Mix & Remix dessine une page chaque semaine pour L’Hebdo et collabore pour plusieurs titres français. Et pourtant, il se dit plutôt en retrait. «Je ne m’implique jamais. Tout m’intéresse et en même temps rien du tout. Je suis un peu détaché en général et politiquement aussi. Je fais des gags de gauche et des gags de droite, contrairement à beaucoup d’humoristes qui sont plutôt à gauche. Il me semble que pour travailler pour un journal il ne faut pas forcément adopter ses opinions.»

Et la censure? Certains dessins passeraient mal en France et, dans sa préface, Siné confesse qu’il a censuré Mix & Remix. Un problème qui n’existe pas en Suisse, où les problèmes de société sont moins sensibles, de son propre aveu. «Mon seul problème, à L’Hebdo, c’est que je ne suis jamais censuré! Moi peut-être que je me censure un peu, mais je ne pense pas en général. Cela dit, je ne fais jamais de la provoc pour de la provoc, je ne suis pas agressif avec des personnes.»

L’humoriste protège aussi son inspiration. Il se tient modérément au courant de l’actualité, «sûrement moins que la plupart des gens». «Je ne tombe pas de la lune, mais je ne perds pas beaucoup de temps à suivre l’actualité; je relève des grands thèmes, des noms de personnes, mais je veux garder la tête fraîche.»

La difficulté, c’est «de rester bon». «Je dois éviter la pression parce que, tout de suite, je dessine moins bien. L’usure est difficile à éviter, car les dessins sont un peu toujours les mêmes, vu que les thèmes reviennent, surtout sur Infrarouge», conclut Mix & Remix.

L’image de la Suisse, Gianni Haver et Mix & Remix, Editions LEP, 2011,128 pages.

Gags, Mix & Remix, Les Cahiers dessinés, collection dirigée par Frédéric Pajak chez Buchet/Castel Paris, 2011, 158 pages.

De son vrai nom Philippe Becquelin, il est né en 1958 à Saint-Maurice (Valais) et vit à Lausanne. Son pseudonyme a pour origine sa collaboration avec sa femme dans le domaine de la peinture.

1984: diplôme de peinture à l’Ecole cantonale d’art de Lausanne et débuts dans le dessin de presse.

Réalise chaque semaine une page sur l’actualité pour L’Hebdo, mais aussi pour Siné Hebdo (devenu Siné Mensuel), Courrier International, Lire, L’Express, Clé et, en Italie, L’Internazionale. Il intervient aussi en direct dans l’émission politique Infrarouge de la Télévision suisse romande.

A publié une quinzaine de cahiers de dessins et illustré une dizaine d’ouvrages de la série LEP-Références sur la Suisse.

De 1992 à 2001, a travaillé comme guet au sommet du beffroi de la cathédrale de Lausanne. Il était chargé de crier aux quatre points cardinaux, perpétuant une tradition séculaire de lutte contre les incendies qui remonte au moins au 16e siècle.

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