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«Le Goût» doux, fort, amer et drôle de la Suisse

Goethe en Suisse, selon Theobald von Oer (gravure d'environ 1860). akg-images

Ses multiples facettes intriguent. L’Helvétie «n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air», affirme Sandrine Fillipetti. L’écrivaine française a réuni dans un livre des témoignages d’hommes de lettres d’ici et d’ailleurs. Leurs récits font découvrir une Suisse qui fascine ou exaspère.

Un goût tantôt fort, tantôt doux, tantôt drôle, tantôt amer, c’est selon. Selon que l’on s’appelle Jules César ou Nicolas Bouvier, Victor Hugo ou Jacques Chessex, Elisée Delacourt ou Max Frisch… Tous ces hommes de lettres, illustres ou peu connus, enfants du pays ou étrangers, y sont allés de leur plume pour dire leur exaspération ou leur admiration à l’égard de la Suisse. Et à l’égard d’une « nation pas aussi simple qu’elle en a l’air », comme le dit Sandrine Fillipetti, qui signe ce Goût bien relevé.

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Rêveries de Rousseau en Suisse

Ce contenu a été publié sur Le philosophe et écrivain a arpenté les routes d’Europe et de Suisse, où il a même franchi le col du Simplon. Tout en lui laissant la parole, swissinfo.ch a suivi sa trace à Genève, la ville où il est né en 1712. Puis à Môtiers (Neuchâtel) et à l’Ile St-Pierre, sur le lac de Bienne…

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Son ouvrage est publié dans la bien nommée collection «Le Goût de» que Mercure de France a créée en 2002. Une collection d’anthologies littéraires consacrée à des villes, des régions ou des pays, entre autres.

C’est donc dans le cadre bien défini d’une thématique que se place le livre de Sandrine Fillipetti. A la demande de la maison d’édition, l’auteure y a réuni de nombreux extraits d’œuvres littéraires qui, depuis l’Antiquité aux Temps modernes, (re)composent le visage de l’Helvétie. La démarche n’est pas inédite. En 1998, deux Romands, Claude Reichler et Roland Ruffieux, publiaient Le voyage en Suisse: Anthologie des voyageurs français et européens, de la Renaissance au XXe siècle (Editions Robert Laffont, Paris).

«Le goût de la Suisse» de Sandrine Fillipetti. Editions Mercure de France. 123 pages.

Autres titres sur le même sujet: «Le voyage en Suisse: Anthologie des voyageurs français et européens, de la Renaissance au XXe siècle» (Editions Robert Laffont).

«Le Pays de Neuchâtel vu par les écrivains de l’extérieur. Du milieu du XIXe siècle à l’aube du XXIe siècle», de Philippe Terrier (Editions Attinger).

Genève est très frivole

On demande donc à Sandrine Fillipetti si son livre apporte au lecteur quelque chose de plus. «Non, pas forcément, répond-elle. Il ne s’agit pas ici de prôner l’exhaustivité textuelle, mais de donner à lire une sélection personnelle d’œuvres. J’ai voulu proposer des témoignages qui me semblaient incontournables en raison de leur valeur historique ou littéraire.»

Son livre, Sandrine Fillipetti l’a divisé en trois parties: nature, villes, mœurs. «Une répartition qui s’est faite d’elle-même, confie-t-elle, car dans la plupart des textes que j’ai sélectionnés, ces trois thèmes revenaient de manière récurrente. Ceci dit, mon anthologie n’a pas vocation à faire état de l’ensemble des particularismes suisses.»

Et pourtant, les particularismes sont là. A commencer par la nature: des paysages alpins idylliques qui depuis une éternité alimentent les clichés et constituent le fond de scène d’un pays craint et aimé pour ses sommets mystérieux. Quant aux villes, elles vous laissent un «goût» plus prononcé qui se corse davantage lorsqu’on s’approche des mœurs.

Les villes donc. Genève est «très frivole (…). On y voit assez de fainéants et de fainéantes», écrit l’Allemand Johann Georg Heinzmann, en 1800. Les choses ont changé depuis. Ce qui perdure c’est Rousseau, «l’idole des Genevois», comme le remarquait déjà Heinzmann. Une star ce Rousseau, aujourd’hui plus qu’hier, comme l’ours est la star de Berne… toutes proportions gardées.

Journaliste, critique littéraire et écrivaine française.

Elle est l’auteur de biographies d’écrivains («Stendhal», Gallimard, 2009; «Victor Hugo», Gallimard, 2011) et d’anthologies littéraires («Le Goût du théâtre», «Le Goût de l’opéra», «Le Goût de l’école», «Le Goût du Havre», «Le Goût de Chicago»… toutes parues chez Mercure de France)

Elle a également publié une monographie de Léonard de Vinci pour la jeunesse («Comment parler de Léonard de Vinci aux enfants»), des guides sur Paris ainsi que des livres d’entretiens.

«Des rentiers à quatre pattes»

«Si vous voulez de l’ours, à Berne on en a mis partout», note, en 1887, l’écrivain français Elisée Delacourt. L’auteur voit en ces bêtes des «rentiers à quatre pattes», emblèmes d’une capitale fédérale pétrie de richesse.

La charge est cinglante. C’est un peu la marque de fabrique de cette anthologie qui marie ironie et louanges. Le chapitre des mœurs en est le plus éloquent reflet. Victor Hugo raille – affectueusement – les bizarreries linguistiques alémaniques; Goethe s’en prend à la mentalité puritaine helvétique; Joseph Guislain, médecin néerlandais, s’étonne devant ce besoin suisse de «l’utile, toujours l’utile». Et que dire du Zurichois Max Frisch, qui s’interroge: les Suisses sont-ils libres? Sa question revêt ici un sens politique.

Pour lui répondre, voici le Genevois Nicolas Bouvier qui voit dans la liberté l’amour des grands espaces. «Le Suisse est errant (…). Je dirai même que chez nous s’expatrier relève de la manie», écrit-il.

Et l’écrivain de citer les grands voyageurs et aventuriers suisses (Paracelse, Thomas Platter, Blaise Cendrars, Charles Albert Cingria, Auguste Picard…). Avant d’ajouter: «En filigrane, sous cette stabilité (…), ce «comme-il-faut» qu’on nous prête, vous trouverez cette quête incessante (…) où l’on devine (…) une nostalgie qui ne se satisfait ni de présence ni d’absence.»

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